mardi 23 septembre 2025

Lettre à mon député (2)

Monsieur le député,


Il y a un an et demi, je vous avais écrit pour vous faire part de mes craintes au sujet de la guerre en Ukraine. Vous avez eu la gentillesse de me répondre, et je vous en remercie. Hélas, beaucoup de craintes que j'exprimais à ce moment-là, notamment la possible élection de Donald Trump, se sont réalisées depuis. Au point que la situation est maintenant bien pire que ce qu'elle était en mars 2024, et qu'elle nécessite des actions immédiates de la part de la France et des autres pays européens.

En particulier, la montée en puissance de la Russie en terme de production de drones à longue portée (de type  "Shahed") est particulièrement inquiétante. On le voit en Ukraine, où ils peuvent désormais envoyer des vagues de 400, 500, 600 ou même 800 drones certaines nuits, selon les chiffres publiés par les Ukrainiens. Ceux-ci souffrent car ces attaquent saturent leur défense anti-aérienne, et tuent de trop nombreux civils, dont parfois de très jeunes enfants. Nous sommes un pays qui a été meurtri par les attentats de 2015; comment pouvons-vous accepter que les Ukrainiens subissent quotidiennement de telles attaques terroristes ? 

Le fait qu'il y a des alertes chaque nuit ou presque depuis maintenant plus de trois ans provoque une fatigue immense. Une fatigue que ceux qui ont la chance de pouvoir dormir chaque nuit dans un lit, en paix, ne peuvent pas vraiment comprendre. Je m'attriste que certaines personnes minimisent la gravité de ces attaques aériennes en avançant le fait que les drones et missiles russes tuent moins que, par exemple, les bombardements israéliens sur Gaza, ou les massacres dans la province du Kivu (République Démocratique du Congo). C'est, à mon avis, une erreur de raisonnement: ces personnes oublient (volontairement?) que le nombre de civils officiellement tués en Ukraine est relativement faible car la défense aérienne tient encore bon malgré l'accroissement des attaques, et que l'offensive terrestre russe est elle aussi contenue: seuls les civils tués dans des territoires contrôlés par les Ukrainiens sont comptabilisés. Dans les territoires occupés par la Russie, il ne sont pas comptabilisés, mais l'analyse des images satellites  du cimetière de Marioupol montre qu'il y a probablement eu plus de 85 000 morts rien que pour cette ville qui a été rasée lors de sa prise par les Russes au tout début de la guerre.

Quoi qu'il en soit, la défense anti-aérienne ukrainienne, efficace aujourd'hui, peut flancher demain faute de munitions. N'attendons pas qu'il soit trop tard avant d'intervenir. C'est ce que propose la pétition "Skyshield : sauvons les civils des drones russes, protégeons le ciel de l'Ukraine !" que vous connaissez bien car vous en êtes un des premiers signataires. Vous êtes un des rares élus à avoir soutenu cette initiative dès le départ, et je tiens à vous remercier pour ça. Cette initiative est nécessaire mais je crains que, même si elle est un jour mise en place, elle ne sera pas suffisante.

En effet, il ne suffit pas de vouloir défendre le ciel ukrainien, encore faut-il en avoir les moyens. Or, je crains que notre armée, tout comme celles des autres pays occidentaux, ne dispose pas de matériel approprié pour faire face aux armes employées par les Russes: une masse de drones "Shahed" relativement bon marché, et en nombre suffisant pour saturer nos défenses. L'attaque contre la Pologne, dans la nuit du 9 au 10 septembre, a montré l'impréparation des pays de l'OTAN face à cette menace, comme l’a d’ailleurs souligné Philips P. O’Brien, professeur en études stratégiques de l’université Saint Andrews (Écosse).

Et encore, il ne s'agissait là que d'une manœuvre d'intimidation et/ou de reconnaissance, avec quelques dizaines de drones "Gerbera" sans charge explosive. Et ce n'est pas tenable de tirer des missiles à 1 million d'euros pour détruire des drones en coûtant 10 000. Il nous faut impérativement disposer d'intercepteurs bon marché et que l'on peut produire en masse pour contrer ces drones, quitte à copier ce que font les Ukrainiens.

Et surtout, on ne pourra pas défendre le ciel ukrainien si les Russes continuent d'augmenter leur production. Tant que des mesures ne sont pas prises pour détruire ces usines, les drones qu'elles produisent constituent une menace non seulement pour les Ukrainiens, mais aussi pour tous les Européens. Et ce, même si les combats en Ukraine s'arrêtent. Car les Russes pourraient alors accumuler des dizaines de  milliers (voire des centaines de milliers) de ces drones et menacer ensuite de les envoyer sur l'Europe. Ce serait une menace d'une nature différente de la menace nucléaire dont ils abusent dans leur rhétorique, mais plus crédible car restant sous le seuil de la guerre nucléaire tout en étant potentiellement dévastatrice non seulement sur les villes, mais surtout sur toute l'infrastructure et toutes les défenses militaires européennes.

Il faut donc reconnaître que les Ukrainiens, qui cherchent à détruire les capacités de production militaire de leurs ennemis grâce à de multiples attaques aériennes par drones et missiles, protègent ainsi l'Europe toute entière. Les aider à accomplir cette tâche, en produisant sur notre sol tout ou une partie des composants nécessaires à la fabrication des drones et missiles longue portée est non seulement bénéfique à court terme (pour aider les Ukrainiens à se défendre) mais aussi à moyen terme (pour constituer nous aussi une réserve de ce type d'armes et ainsi de pouvoir répliquer à de possibles menaces de même nature. Le gouvernement danois a d'ailleurs récemment annoncé sa volonté d'acquérir ce type d'armes à très longue portée.

Aussi je vous prie, notamment lors du prochain examen du budget, de porter une attention particulière aux dépenses militaires et de veiller à ce que les équipements que l'armée française compte acquérir correspondent bien aux besoins et au retour d'expérience de la guerre en Ukraine, qui, comme toutes les guerres importantes, accélère le développement de nouvelles armes et de nouvelles technologies. Il faut que l'armée française se prépare à la guerre d'aujourd'hui, et possiblement la guerre de demain, plutôt que de suivre des plans établis avant cette guerre et qui sont peut-être déjà obsolètes. De plus, ces acquisitions matérielles devraient se faire de préférence auprès de l'industrie européenne, indépendamment de l'industrie des USA, tant il y a des risques que ce pays ne soit plus notre allié si Trump parvient à y imposer ses idées néo-fascistes (ce qui semble hélas être en train de se produire).

J'aimerais aussi que le soutien de la France à l'Ukraine soit à la hauteur des enjeux, et permettent à l'Ukraine non seulement de "ne pas perdre" face aux Russes, mais surtout de gagner cette guerre horrible. Car le fait de donner aux Ukrainiens toujours trop peu, toujours trop tard n'a fait que prolonger cette guerre et à permis aux Russes de s'adapter aux évolutions du champ de bataille et de ses équipements, nous plaçant désormais dans une position de faiblesse. Cet effort supplémentaire devra être juste socialement, faute de quoi le soutien populaire à l'Ukraine s'effondrera. Le fait qu'on n'ose toujours pas confisquer les "avoirs russes gelés" pour financer les besoins des Ukrainiens m'est incompréhensible. On pourrait aussi confisquer les avoirs de ceux qui utilisent leur fortune pour aider les soutiens français de Poutine, comme par exemple les milliardaires Vincent Bolloré et Pierre-Édouard Stérin, qui veulent mettre fin à la démocratie française en amenant l'extrême-droite au pouvoir.

Ma troisième et dernière demande ne concerne pas le budget, mais plutôt le discours à tenir sur cette guerre. On présente souvent l'Ukraine comme ayant besoin de notre aide, de nos garanties de sécurité et d'ailleurs cette lettre ne fait pas exception. Mais il faut aussi souligner que nous avons besoin de l'Ukraine autant qu'elle a besoin de nous. En effet, face à la menace russe qui perdurera pendant de nombreuses années, et puisque le soutien américain est désormais plus qu'incertain, nous ne pourrons pas nous passer de l'aide de l'Ukraine: ils ont l'armée de terre la plus puissante d'Europe, l'expérience des combats et la capacité à fabriquer des armes et des drones en masse (capacité que nous n'avons pas encore). Comme l'explique l'analyste danois Anders Puck Nielsen, une fois la guerre en Ukraine terminée, les garanties de sécurité doivent être pensées à l'échelle de l'Europe car il s'agit de dissuader une future agression russe non seulement en Ukraine, mais possiblement dans n'importe quel pays frontalier. Il faudra donc intégrer l'Ukraine à un dispositif de défense commun, non seulement pour sa sécurité mais aussi celle de tous les autres pays européens. Cette évidence n'est que très rarement énoncée dans les média français; aussi je vous en serai reconnaissant d'en dire quelques mots si vous avez la possibilité de vous exprimer sur le sujet, que ce soit à l'Assemblée Nationale ou dans les média.


Enfin, et bien que ce soit hors sujet avec tout ce qui précède, je profite de cette lettre pour vous faire part de mon profond malaise sur la situation des Palestiniens à Gaza: famine organisée, assassinat de journalistes et de médecins, civils visés alors qu'ils attendent l'aide humanitaire, les crimes commis par l'armée israélienne sont trop nombreux pour être énumérés ici. La politique criminelle de Netanyahou devrait être sanctionnée aussi durement que l'est celle de Poutine. Or, à part des condamnations verbales sans aucun effet ou des propositions symboliques à l'ONU, la France ne fait rien pour stopper le massacre. L'aide humanitaire est bloquée, les manifestations de soutien parfois interdites. Plus encore que pour l'Ukraine, j'assiste par média interposés à un crime monstrueux qui se déroule en temps réel et face auquel je me sens totalement impuissant.  


Je vous prie d'agréer, Monsieur le Député, l'expression de mes sentiments distingués. 

mercredi 10 septembre 2025

Les corps d'armée ukrainiens (2)

Il y a deux mois, j'avais déjà fait un point sur la réforme en cours dans l'armée ukrainienne pour passer à un système "corps-brigades". Depuis, certaines choses ont changé, on en a appris plus sur ces corps d'armée, aussi il est temps de faire un nouveau point sur cette réforme. Je recommande aussi l'analyse faite par Donald Hill an août sur le même sujet, ainsi qu'une mise-à-jour très récente sur la position des corps.

Position des différents corps, carte faite par Donald Hill

Lors de ma dernière analyse, j'avais indiqué que les Ukrainiens auraient dû logiquement choisir entre:

  • créer des corps en fonction des brigades déjà présentes dans un secteur et donner le commandement de ce secteur à un corps d'armée
  • créer des corps en calibrant leur force

Les Ukrainiens n'ont pas choisi, ils ont fait les deux à la fois:

  1. ils ont placé chaque secteur sous le commandement d'un corps. J'ai eu le nez creux lors de ma précédente analyse, car les secteurs que j'avais désignés correspondent, à peu de choses près, aux secteurs placés sous la direction d'un corps.
  2. ils ont standardisé la force de chaque corps; leur plan est d'avoir, pour chaque corps d'armée, au moins 4 brigades mécanisées (ou équivalent), une brigade "fortement mécanisée" (sauf pour le corps de marine, les parachutistes et la garde nationale) et une brigade d'artillerie.
Mais ce faisant, les corps ne commandent pas, sur le front, les unités qui leur sont structurellement subordonnées, comme nous allons le voir dans la synthèse que j'ai faite en m'appuyant principalement sur les informations du site militaryland.net, et ua control map pour le positionnement des unités. 

Pour chaque corps, je vais indiquer:

  • Le secteur du front qui lui est attribué
  • Sa composition. La brigade principale, quand elle est connue, est en gras.
  • La localisation de chacune de ses brigades / régiments (je laisse de côté les bataillons / compagnies)
  • Son appartenance: si le corps est rattaché à la garde nationale, aux forces aéroportées (que je nomme "parachutistes", même si ce n'est pas leur nom ukrainien, et de toute façon ce sont des unités d'infanterie mécanisées) ou de marine. Sinon, pas d'indication particulière. Pour les unités, GN = garde nationale et DT = défense territoriale.
Pour la localisation, je découpe ainsi le front en 9 secteurs d'environ 150km de large (du nord au sud): Sumy, Kharkiv, Kupyansk, Lyman (inclus Siversk), Kostiantynivka (inclus Chassiv Yar), Pokrovsk, Ivanivka (au nord-ouest de Grand Novosilka), Orikhiv, Kherson. De plus, deux secteurs Kyiv et Tchernihiv, plus larges, ont un corps chargé de leur défense mais ne sont pas "sur le front".

En fonction de ces informations, le nom de chaque corps est coloré ainsi:
  • gris: le corps n'a pas de secteur attribué 
  • orange: moins de la moitié de ses brigades sont dans son secteur
  • bleu: au moins la moitié de ses brigades sont dans son secteur
  • vert: le corps est regroupé(*) dans son secteur 
(*) je considère que le corps est regroupé si toutes ses brigades sauf une sont dans son secteur du front dont il est responsable. Cette tolérance d'une brigade est due au fait que les informations de localisations peuvent être imprécises ou datées.


1er corps (garde nationale)

Secteur: entre Kostiantynivka et Pokrovsk
  • 12e brigade GN 'Azov' Kostiantynivka
  • 1ere brigade GN 'Bureyiv' : Kupyansk
  • 14e brigade GN 'Chervona Kalyna' : Pokrovsk
  • 15e brigade GN 'Kara-Dag' : Kupyansk
  • 20e brigade GN 'Lyubart' : Kostiantynivka


2e corps (garde nationale)

Secteur: Kharkiv
  • 13e brigade GN 'Khartia' : Kharkiv
  • 3e brigade GN 'Spartan' : Pokrovsk
  • 4e brigade GN 'Rubizh' : Pokrovsk
  • 17e brigade GN 'Raid' : Ivanivka
  • 18e brigade GN 'Slovyansk' : Kostiantyinvka


3e corps

Secteur: Lyman
    • 3e brigade d'assaut : Lyman
    • 53e brigade mécanisée : Lyman
    • 60e brigade mécanisée : Lyman
    • 63e brigade mécanisée : Lyman
    • 21e régiment de drones : ???
    • 52e brigaded'artillerie : ???
    • 125e brigade fortement mécanisée : Kostiantyinvka

    7e corps (parachutistes)

    Secteur: Pokrovsk
      • 25e brigade de parachutistes : Pokrovsk
      • 77e brigade de parachutistes : Kupyansk
      • 78e régiment de parachutistes : Sumy
      • 79e brigade de parachutistes : Pokrovsk
      • 81e brigade de parachutistes : Lyman
      • 148e brigade d'artillerie : Ivanivka


      8e corps (parachutistes)

      Secteur: ???
        • 82e brigade de parachutistes : Pokrovsk
        • 46e brigade de parachutistes : Ivanivka
        • 71e brigade de chasseurs : Sumy
        • 80e brigade de parachutistes : Sumy
        • 95e brigade de parachutistes : Sumy
        • 147e brigade d'artillerie : ???


        9e corps

        Secteur: Pokrovsk
          • 32e brigade mécanisée : Pokrovsk
          • 68e brigade de chasseurs : Pokrovsk
          • 142e brigade mécanisée : Pokrovsk
          • 153e brigade mécanisée : Pokrovsk
          • 5e brigade fortement mécanisée : Ivanivka
          • 55e brigade d'artillerie : Pokrovsk


          10e corps

          Secteur: Kupyansk
            • 14e brigade mécanisée : Kupyansk
            • 43e brigade mécanisée : Kupyansk
            • 48e brigade d'artillerie : Ivanivka
            • 115e brigade mécanisée : Lyman
            • 116e brigade mécanisée : Kupyansk
            • 117e brigade fortement mécanisée : Kostiantynivka


            11e corps

            Secteur: entre Lyman et Kostiantynivka
              • 24e brigade mécanisée : Kostiantynivka
              • 30e brigade mécanisée : Kostiantynivka
              • 45e brigade d'artillerie : Lyman
              • 56e brigade motorisée : Kostiantynivka
              • 127e brigade fortement mécanisée: Kharkiv


              12e corps

              Secteur: Kiyv
                • brigade présidentielle : Kostiantynivka
                • 5e brigade d'assaut : Ivanivka
                • 19e brigade GN : Kyiv 
                • 25e brigade GN : Pokrovsk
                • 27e brigade GN :  Orikhiv
                • 27e brigade d'artillerie : Sumy
                • 28e régiment GN :  Pokrovsk
                • 31e régiment GN : Kupyansk
                • 67e brigade mécanisée : Ivanivka
                • 72e brigade mécanisée : Ivanivka
                • 112e brigade DT : Kupyansk
                • 118e brigade DT : Orikhiv
                • 120e brigade DT : Pokrovsk
                • 151e brigade mécanisée : Kupyansk

                14e corps

                Secteur: ???
                  • 22e brigade mécanisée : Sumy
                  • 58e brigade motorisée : Kharkiv
                  • 92e brigade d'assaut : Pokrovsk

                  15e corps

                  Secteur: Tchernihiv
                    • 10e brigade de montagne : Lyman
                    • 143e brigade mécanisée : Tchernihiv
                    • 144e brigade mécanisée : Tchernihiv
                    • 158e brigade mécanisée : Kupyansk
                    • 129e brigade fortement mécanisée : Sumy


                    16e corps

                    Secteur: Kupiansk
                      • 3e brigade fortement mécanisée : Kupyansk
                      • 26e brigade d'artillerie : Kostiantynivka
                      • 41e brigade mécanisée : Sumy
                      • 42e brigade mécanisée : Kupyansk
                      • 57e brigade motorisée : Kharkiv
                      • 154e brigade mécanisée : Kupyansk
                      • 113e brigade DT : Kharkiv


                      17e corps

                      Secteur: Orikhiv
                        • 65e brigade mécanisée : Orikhiv
                        • 44e brigade d'artillerie : Orikhiv
                        • 108e brigade DT : Orikhiv
                        • 110e brigade mécanisée :  Ivanivka
                        • 118e brigade mécanisée : Orikhiv
                        • 128e brigade de montagne: Orikhiv
                        • 241e brigade DT : Orikhiv
                        • 411e régiment de drones : Ivanivka
                        • 128e brigade fortement mécanisée : Orikhiv


                        18e corps

                          Secteur : Sumy
                          • 1ère brigade fortement méchanisée : Sumy
                          • 21e brigade mécanisée : Sumy
                          • 47e brigade mécanisée : Sumy
                          • 47e brigade d'artillerie  : Pokrovsk
                          • 66e brigade mécanisée : Lyman
                          • 156e brigade mécanisée : Sumy

                          19e corps

                          Secteur: Kostiantynivka
                            • 28e brigade mécanisée : Kostiantynivka
                            • 40e brigade d'artillerie : Lyman
                            • 44e brigade mécanisée : Kostiantynivka
                            • 100e brigade mécanisée Kostiantynivka


                            20e corps

                            Secteur: Ivanivka
                              • 17e brigade fortement mécanisée : Pokrovsk
                              • 23e brigade mécanisée : Ivanivka
                              • 31e brigade mécanisée : Ivanivka
                              • 33e brigade mécanisée : Ivanivka
                              • 141e brigade mécanisée : Ivanivka


                              21e corps 

                              Secteur: ???
                                • 93e brigade mécanisée : Pokrovsk
                                • 152e brigade de chasseurs : Pokrovsk
                                • 155e brigade mécanisée "Anne de Kiev" : Pokrovsk
                                • 159e brigade mécanisée : Orikiv
                                • 4e brigade fortement mécanisée : Kupyansk


                                30e corps (Marines)

                                Secteur: Kherson
                                  • 32e brigade d'artillerie : Orikhiv
                                  • 34e brigade de défense côtière : Kherson
                                  • 35e brigade de Marine : Pokrovsk
                                  • 36e brigade de Marine : Kostiantynivka
                                  • 37e brigade de Marine : Ivanivka
                                  • 38e brigade de Marine : Pokrovsk
                                  • 39e brigade de défense côtière : Kherson
                                  • 40e brigade de défense côtière : Kherson
                                  • 406e brigade d'artillerie : Kherson


                                  Conclusion

                                  Le système Corps-brigades se met en place, mais lentement, très lentement. Par rapport à il y a deux mois, les principaux progrès sont:
                                  • la transformation de suffisamment de brigades (blindées et de défense territoriales) pour que la plupart des corps dispose d'une de ces brigades; il y en a actuellement 10, déjà réparties dans les corps d'armées
                                  • la créations de plusieurs brigades d'artillerie, là encore pour que chaque corps en ait une; la répartition n'est pas contre pas encore faite
                                  • chaque corps d'armée va aussi avoir un bataillon de reconnaissance; certains sont en cours de création ou de restructuration (passant de bataillon de fusiliers à bataillon de reconnaissance)
                                  • la composition de la plupart des corps est maintenant connue
                                  • le front a été découpé en secteurs attribués à un corps
                                  • malheureusement, les corps sont dispersés et doivent commander, sur leur secteur, des unités qui ne leur sont pas rattachées ce qui nuit fortement à leur efficacité, voire même annule tout l'intérêt de cette réforme
                                  Sur ce dernier point, il y a quand même quelques progrès. Il y a deux mois, seuls 5 corps (3e, 11e, 16e, 17e, 20e) étaient regroupés, les autres étant très dispersés. Dans cette nouvelle synthèse, le 16e corps est considéré comme dispersé car les critères que j'ai adopté ont changé. En revanche, les 9e et 19e corps sont considérés comme regroupés, et 3 autres corps sont en voie de regroupement.

                                  On remarque aussi qu'entre Konstiantynivka et Pokrovsk, il y a beaucoup de corps (1er, 7e, 9e, 11e et 19e) et leurs zones de responsabilités ne sont pas très claires pour le moment.

                                  La lenteur de cette réforme qui est pourtant attendue depuis près d'un an est quand même surprenante dans un pays en guerre, qui lutte pour sa survie. Je continue à penser qu'il y a de fortes réticences internes à cette réforme, parmi les haut gradés. Et ce sont les simples soldats qui font les frais de cette réticence au changement, hélas.

                                  mardi 2 septembre 2025

                                  Guerre en Ukraine: bilan du mois d'août 2025

                                  Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois d'août 2025, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2023 ainsi que fin janvier, fin février, fin mars, fin avril, fin mai, fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2024, et puis fin janvier, fin févrierfin marsfin avrilfin maifin juin et fin juillet 2025.


                                  Une fois de plus, les Russes ont continué leur grignotage des défenses ukrainiennes, et menacent très sérieusement d'encercler trois villes clefs de la ligne de défense ukrainienne: Kupyansk, Pokrovsk et Kostiantynivka. En particulier, il y a eu près de Pokrovsk une "percée" qui a fait couler beaucoup d'encre. Les Ukrainiens, de leur côté, ont mené de petites contre-attaques, non seulement sur le front de Sumy (comme en juillet), mais un peu partout sur le front est, de Kupyansk à Ivanska. Cependant, malgré ces contre-attaques, les Ukrainiens perdent dans l'ensemble du terrain (environ 500km2 sur le mois d'août). De plus, les attaques aériennes ont continué, avec régulièrement des centaines de drones russes frappant les villes ukrainiennes pour y semer la terreur tandis que les Ukrainiens ont concentré leurs attaques à longue distance sur les raffineries russes.

                                  Raffinerie russe en flamme, 28 août 2025


                                  Pertes russes et ukrainiennes

                                  Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les moyennes pour la première année (mars 2022 à février 2023), la deuxième année (mars 2023 à février 2024) et la troisième année (mars 2024 à février 2025) puis les chiffres de mars, avril, mai, juin, juillet et août 2025.

                                  • Artillerie 
                                    • moyenne 1ere année: 190/mois
                                    • moyenne 2e année: 650/mois
                                    • moyenne 3e année: 1150/mois
                                    • 1690 (mars), 1554 (avril), 1384 (mai), 1243 (juin), 1193 (juillet), 1288 (août)
                                  • MLRS
                                    • moyenne 1ere année: 40/mois
                                    • moyenne 2e année: 43/mois
                                    • moyenne 3e année: 25/mois
                                    • 44 (mars), 27 (avril), 26 (mai), 27 (juin), 24 (juillet), 25 (août)
                                  • DCA
                                    • moyenne 1ere année: 21/mois
                                    • moyenne 2e année: 37/mois
                                    • moyenne 3e année: 30/mois
                                    • 37 (mars), 23 (avril), 27 (mai), 17 (juin), 13 (juillet), 10 (août)
                                  • Équipements spéciaux
                                    • moyenne 1ere année: 19/mois
                                    • moyenne 2e année: 114/mois
                                    • moyenne 3e année: 181/mois
                                    • 24 (mars), 82 (avril), 33 (mai), 19 (juin), 14 (juillet), 17 (août)

                                  Comparé au mois précédent, les chiffres sont relativement stables, avec une légère remontée des chiffres concernant l'artillerie. Plus généralement, il y a à la fois une augmentation des pertes matérielles  (5053) et une baisse des pertes humaines (28 880), selon le comptage réalisé par l'analyste Ragnar Bjartur Gudmundsson. En ce qui concerne les pertes visuellement confirmées, selon Oryx on en est à un ratio de 1:1, avec 201 pertes russes et 197 pertes ukrainiennes. C'est la troisième fois de suite que les pertes ukrainiennes sont "normales" (autour de 200/mois) et les pertes russes qui sont anormalement basses. Pourquoi ? Comme toujours, il peut y avoir deux explications (au moins), qui sont mutuellement exclusives.

                                  La première est que les chiffres donnés par les Ukrainiens sont fantaisistes et que, effectivement les pertes russes ont fortement diminué ces derniers mois, car ils sont en train de gagner la guerre d'attrition et ont changé leurs tactiques pour minimiser leurs pertes tout en continuant de grignoter du terrain. Il faut d'ailleurs noter que l'essentiel des pertes revendiquées par les Ukrainiens relève de deux catégories: artillerie et camions, qui ont toutes deux un taux de confirmation par Oryx très faible.

                                  La seconde explication est que les chiffres donnés par les Ukrainiens sont relativement fiables et que les Ukrainiens ne publient tout simplement plus beaucoup de vidéos montrant les destructions qu'ils causent, peut-être délibérément avec l'intention de faire croire aux Russes qu'ils sont sur le point de gagner. Il faut reconnaître que cette seconde explication est moins probable que la première, mais on aurait tort de l'écarter a priori.


                                  La "percée" de Pokrovsk

                                  La principale nouvelle, sur la ligne de front est la "percée" de Pokrovsk. Du moins, c'est celle qui a eu le plus d'écho médiatique. D'ailleurs, le colonel et historien Michel Goya a repris la plume sur son blog pour en parler, après 6 mois de silence. Que s'est-il passé ? Le 11 août, des milblogers ukrainiens dont Bohdan Krotevych (ancien commandant de la brigade Azov) et le site DeepStateMap ont alerté sur une percée russe au nord-est de Pokrovsk: plus de 14km de long, perçant même la ligne défensive que les Ukrainiens sont en train de construire derrières les lignes de front actuelles. Quelques jours plus tard, les Ukrainiens ont réagi, envoyé des renforts et repris en partie ce terrain.

                                  Trois semaines plus tard, il n'y a pas d'évolution sur la carte DeepStateMap, comme si des unités russes étaient encerclées derrières les lignes ukrainiennes. Or, cette situation devrait être instable: soit parce que les Ukrainiens anéantissent les unités encerclées, soit parce que les Russes réussissent à consolider leur avancées. Mais cela peut simplement être le fait que la carte, dans le secteur, n'est plus mise à jour, et que c'est toujours dans une zone grise.

                                  Je constate d'ailleurs que ce que je disais le mois dernier sur l'état de la "ligne de front" est maintenant, peu ou prou, l'explication donnée par la plupart des analystes pour expliquer cette percée:

                                  En 2025, s'il y a des tranchées, elles sont plutôt des petites positions dans une large "zone grise", avec seulement un petit groupe de soldats les gardant, ou se réfugiant dans la cave d'une maison détruite. Les assauts se font aussi en petits groupes, une dizaine de soldats tout au plus, qui essaient de progresser et occuper plus de terrain. Il arrive donc qu'un groupe arrive à avancer plus avant de se faire éliminer, souvent par les drones FPV.

                                  NB1: ce n'est pas moi qui a fait cette observation en premier, c'est ce qui découle de nombreux témoignages et analyses de milblogger ukrainiens (et OSINTers). Mais il est notable que, jusqu'en août, les grands médias occidentaux ne présentaient pas souvent les choses de cette manière.

                                  NB2: il y a une "percée" similaire" du côté de Kupyansk, dont je parlais déjà dans mon précédent bilan mensuel. Il semble que, là aussi, les Ukrainiens ont contre-attaqué et réduit la dangerosité de l'avancée russe même si la situation reste préoccupante.

                                  J'ai déjà parlé des incertitudes qu'on a sur l'état du rapport de force actuel, et sur le fait que les Russes progressent lentement mais surement depuis maintenant plus de 22 mois. Le plus probable (scénario par défaut) est que les deux armées sont toutes deux épuisées, l'armée russe ayant juste un léger avantage, mais il existe deux scénarios possibles mais peu probables, l'un supposant que l'armée ukrainienne contrôle la situation ("grande feinte ukrainienne"), l'autre au contraire que l'armée russe contrôle la situation ("futur assaut sur l'OTAN"). Or, cette "percée" de Pokrovsk a une interprétation radicalement différente selon ces 3 scénarios, et il est pour le moment impossible de savoir quelle interprétation est la bonne.
                                  1. scénario "par défaut": les Ukrainiens manquent d'hommes, ce qui laisse des trous béants dans leur défenses et les Russes ont pu s’infiltrer. Cependant, ces derniers manquent maintenant de matériel mécanisé (qu'ils peuvent difficilement emmener jusqu'à la ligne de contact) et sont eux-même en trop mauvaise position pour exploiter correctement la percée, ce qui laisse le temps à l'Ukraine de ramener des renforts faits de bataillons pris un peu partout sur le front. La contre-attaque colmate tant bien que mal la brèche, mais l'Ukraine reste dans une situation très précaire
                                  2. scénario "grande feinte ukrainienne": les Ukrainiens minimisent délibérément le nombre d'hommes placés en première ligne, et privilégient une défense active. Les Russes ont poussé (pour avoir des résultats à montrer avant le sommet d'Anchorage) mais les Ukrainiens ont réagi conformément à leurs plans et ont éliminés les Russes infiltrés.
                                  3. scénario "futur assaut sur l'OTAN": les Ukrainiens manquent d'hommes, ce qui laisse des trous béants dans leur défenses et les Russes ont pu s’infiltrer. Ils auraient pu exploiter et faire s'effondrer les défenses ukrainiennes, mais ont délibérément choisi de ne pas le faire car une victoire trope rapide desservirait leur stratégie à plus long terme.


                                  Campagnes aériennes

                                  Après un calme relatif durant les 15 premiers jours d'août, durant lesquels les attaques aériennes russes ont été réduite en volume (en général, de 50 à 100 drones par nuit), les Russes ont repris leur bombardements de terreur sur les villes ukrainiennes avec d'autant plus de force qu'ils ont accumulé du stock, avec 4 attaques massives (plus de 200 drones par nuit). Voici les chiffres donnés par les Ukrainiens:
                                  • 19 août: 270 drones + 10 missiles
                                  • 21 août: 574 drones + 40 missiles
                                  • 28 août: 598 drones + 31 missiles
                                  • 30 août: 537 drones + 45 missiles
                                  Concernant les dégâts causés, il s'agit principalement d'immeubles d'habitations (avec leur triste lot de victimes civiles), mais il y a eu aussi des attaques contre des entrepôts, des infrastructures énergétiques et même quelques cibles de hautes valeur comme l'usine Bayraktar et un système de lancement de missiles Neptune.


                                  Les Ukrainiens ont eux aussi intensifié leurs attaques aériennes, notamment contre les raffineries russes, ce qui a eu pour conséquence de réduire la production russe de 17%. La Russie souffre aussi d'une pénurie d'essence dans certaines régions, ainsi que d'une augmentation des prix de l'essence.

                                  Outre les raffineries, plusieurs autres cibles de valeurs ont été touchées par les Ukrainiens dont:
                                  Surtout, les Ukrainiens ont développés de nouvelles capacités d'attaque à longue distance, dont le missile "flamant rose". Celui-ci, s'il tient ses promesses en terme de capacités opérationnelles, de coût et de rythme de production, pourrait devenir une sérieuse épine dans le pieds des Russes. Mais pour le moment, cela reste surtout de la spéculation, il faut que les Ukrainiens concrétisent durant les mois de septembre et d'octobre ce qu'ils ont esquissés en août. S'ils arrivent à détruire les capacités de raffinage russe, ce serait pour le coup quelque chose de stratégique (mot employé à tort par les journalistes pour parler de la moindre prise d'un village).



                                  La trahison de Trump


                                  Quel contraste avec le mois précédent ! Enfin, dans les média. Car Trump n'a jamais changé. Il a toujours été pour Poutine, quels que soient ses tweets rageurs, ses menaces sans effets, ses mensonges politiques. Oh, pas ouvertement, il doit composer avec une opinion américaine très majoritairement anti-Poutine, il doit donc faire semblant de s'opposer à Poutine et de soutenir l'Ukraine. Mais pas question de sanctions supplémentaires, ou de continuation de l'aide. Tout au plus il veut bien que les Américains vendent ce qu'avant ils donnaient et continuer les sanctions existantes. 

                                  J'ai analysé le sommet d'Anchorage. Qui a été suivi d'un sommet où les Européens se sont déplacés en masse à Washington pour une rencontre "historique" .... qui n'a strictement rien donné. Je ne sais pas si tout cela fait partie d'un plan machiavélique de Trump et Poutine, ou bien si Trump est juste très con (ou les deux) mais voici ce que l'ordure a fait, ou exige:
                                  • pas de retrait russe, et en revanche, l'Ukraine doit abandonner des territoires très importants
                                  • aucune sanctions supplémentaires contre la Russie; par contre, menaces de sanctions contre l'Ukraine, l'Europe, et le reste du monde
                                  • plus rien sur le retour des enfants ukrainiens, les dommages de guerre, l'arrestation des criminels de guerre etc
                                  • les Européens sont priés d'acheter américains plutôt que de développer leurs industries.
                                  • ils sont aussi censés offrir des "garanties de sécurités" qui n'ont rien de dissuasives.
                                  • et aussi offrir le prix Nobel de la Paix à Trump (comment ça, ils n'ont pas ce pouvoir ?)
                                  • et lui dire merci, sinon JD Vance leur crie dessus.
                                  Et le pire, c'est que ça marche. Les Européens ne parlent que de "garanties de sécurité" à mettre en place lorsque le cessez-le-feu sera mis en place, mais plus de COMMENT imposer ce cessez-le feu puisque Poutine n'en veut pas. Ils attendent juste le bon vouloir de Trump qui peut mettre en place des sanctions efficaces (ce qui n'arrivera pas, Trump roulant pour Poutine). Ou bien ils s'imaginent, comme Trump, qu'en faisant suffisamment de concessions à Poutine celui-ci finira par accepter un "cessez-le-feu" et la promesse de ne plus attaquer de nouveau.


                                  L'aveuglement servile des Européens

                                  Et ce n'est pas que sur l'Ukraine que les Européens ne prennent aucune mesure concrète pour contrer Trump. Ils n'ont pas osé répondre aux droits de douane imposés par Trump. Ils sont "sonnés" par l'assaut de Trump contre les régulations européennes. Ils semblent incapables de comprendre quelque chose qui est pourtant évident: Trump est du côté des dictateurs, de Poutine, et contre l'Union EuropéenneSeul le président portugais a osé dire que Trump est un agent d'influence russe. Il n'y a rien à attendre de lui et, s'il peut être utile de le flatter et de manipuler son égo gigantesque, il ne faut pas espérer obtenir autre chose que des broutilles. Face à Trump, les Européens devraient se mettre en ordre de bataille. Et non préparer l'ordre du jour de la prochaine réunion pour tenter d'amadouer Trump pour la 357e fois.

                                  Il en est de même face à Poutine. Macron a beau dire clairement les choses sur Poutine, ça ne reste que des mots creux, non suivis d'effets. Les Européens s'indignent des frappes russes sur Kyiv, mais ne font rien. Ah si, ils convoquent l'ambassadeur russe car un bâtiment appartenant à l'UE a été visé. Une telle attaque justifierait pourtant des représailles autrement plus conséquentes, y compris une réponse militaire directe contre la Russie, si les dirigeants européens n'étaient pas des mollusques apeurés à l'idée même de "l'escalade".

                                  J'aimerais croire que tout cela n'est qu'une ruse, que nos dirigeants agissent discrètement pour contrer Trump et armer l'Ukraine, mais on ne voit rien dans ce sens. Et surtout, je n'ai jamais été surpris positivement par Macron & co. Les seules fois où ils agissent discrètement, c'est pour faire passer leurs mesures fiscales impopulaires. Concernant Macron, j'ai vu sa gestion du covid19: il a pris certaines bonnes décisions, mais souvent trop tard, sans aucune anticipation, et compensant par un excès de communication son manque de préparation. Je me souviens encore de sa sortie au théâtre, début mars 2020, deux semaines avant le premier confinement, et de son explication comme quoi rien ne nous empêchera de sortir et profiter de la vie... avant que la réalité de l'épidémie et des services d'urgences débordés ne le rattrape. Je me souviens de sa dissolution, l'an dernier, persuadé qu'elle lui apporterait une nouvelle majorité alors qu'elle n'a fait que fractionner encore plus l'assemblée nationale. Bref, je l'ai vu se planter, agir trop peu ou trop tard, mais je ne l'ai jamais vu anticiper, agir discrètement et efficacement pour résoudre un problème. 

                                  Alors certes, Macron n'est pas le seul dirigeant européen. Mais les autres sont, à de rares exceptions près, faits du même bois. Alors que la montée des dangers exige une Europe forte, avec des dirigeants qui ne se contentent pas de parler mais agissent réellement, on a toute une génération d'hommes et femmes qui semblent incapables de faire autre chose que de la communication, une génération de "dirigeants" tous plus lâches et incapables les uns que les autres, et qui hypothèquent l'avenir de l'Europe par pure médiocrité.


                                  Quo vadimus ?

                                  Trois ans et demi de cette guerre de haute intensité, qui a probablement fait plus de 1,5 million de morts et blessés. Trois ans et demi que les Ukrainiens luttent pour leur survie tandis que les Européens blablattent et que les Américains sabotent leur démocratie. Et la couverture médiatique est de plus en plus mauvaise, dans le sens où les journalistes sont incapables d'expliquer ce qui se passe, ils s'imaginent que la guerre va bientôt s'arrêter et retombent le lendemain dans leur routine habituelle. Éternel cirque médiatique qui souffre d'amnésie chronique. Mais surtout, ce qui perturbe la compréhension, c'est que tous les acteurs disent que pour eux, tout va bien.

                                  L'Ukraine dit que tout va bien: ils détruisent les Russes à la chaîne, ils communiquent à tout va sur la mise en place de tel ou tel équipement (comme les missiles flamingo) et ne semblent pas remarquer que leurs alliés ne parlent plus d'aider l'Ukraine à gagner la guerre, juste à la perdre dans des conditions "acceptables". Ils n'ont toujours pas de réponse aux bombes planantes et à la supériorité numérique des Russes, leur réforme des corps d'armée tant nécessaire se fait mais les corps ne commandent pas leurs unités et Sirsky reste commandant-en-chef malgré tous les échecs accumulés depuis février 2024.

                                  La Russie dit que tout va bien: l'opération militaire spéciale se déroule comme prévu, l'économie russe ne s'est jamais mieux portée et la Russie peut encore tenir mille ans comme ça, en tous cas bien plus longtemps que cet occident décadent. L'épuisement des stocks soviétiques, la destruction de toute leur économie hors secteur militaire, leur vassalisation par la Chine ne sont que des broutilles sans intérêt.

                                  Trump dit que tout va bien: il est le plus grand président de l'univers, grâce à lui il y aura la paix en Ukraine dans deux semaines (Si seulement Zelensky voulait bien céder la moitié de l'Ukraine en échange d'une vague promesse), et le comité Nobel ferait mieux de lui donné le prix Nobel de la Paix s'il ne veut pas que Trump envahisse la Norvège.

                                  L'Union Européenne dit que tout va bien: on soutiendra l'Ukraine jusqu'au bout, on a annoncé une nouvelle aide de 500 millions (pour acheter des armes américaines destinées à l'Ukraine), la prochaine réunion sur les garanties de sécurité est prévue pour bientôt et d'ailleurs Trump est de notre côté et ne va pas nous trahir. On oublie l'indépendance stratégique et les efforts de réindustrialisation, on ne se soucie pas de la montée des populismes aidés par les Russes.

                                  On a donc 4 acteurs (Ukraine, Russie, Union Européenne, USA) et chacun se répète: "jusqu'ici, tout va bien. jusqu'ici, tout va bien." Comme le disait déjà si bien le filme La Haine, il y a trente ans: l'important, ce n'est pas la chute, c'est l'atterrissage. Logiquement, ce n'est pas possible que les 4 aient raison en même temps. Il y a au moins un des quatre acteurs qui a tort et qui finira sur le carreau. Lequel ou lesquels ?

                                  On ne le saura pas tout de suite. Même si les journalistes spéculent sur la fin prochaine de la guerre, sur une hypothétique rencontre entre Zelensky et Poutine, comme souvent depuis novembre dernier, ce sont juste des nouvelles qui font l'actualité mais sont oubliées deux semaines plus tard, cala ne change rien au fait que les exigences russes sont inacceptables, et que l'Ukraine tient encore debout.  Je maintiens donc ce que je disais en janvier dernier: cette guerre va encore durer un an ou plus, hélas. Ce n'est qu'en 2026 ou 2027 qu'on saura, probablement trop tard, quel chemin a été pris et ce vers quoi on s'achemine.

                                  Les Russes combattant pour l'Ukraine

                                  En 2022 et 2023, les Ukrainiens ont mis en avant, dans les média, certaines unités composées de Russes (et/ou Biélorusses) combattant pour l...