Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois de juillet 2024, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2023 ainsi que fin janvier, fin février, fin mars, fin avril, fin mai et fin juin 2024.
Une fois de plus, l'armée russe grignote du terrain au prix de pertes considérables. Les avancées russes ont eu lieu sur tout le front (sauf à Kharkiv) et deviennent préoccupantes pour les Ukrainiens, car elles menacent plusieurs points stratégiques très importants: Siversk, Chassiv Yar, Toretsk, Pokrovsk et même Vuhledar.
En particulier, le secteur au nord et à l'ouest d'Avdiivka a vu des gains territoriaux russes importants car ils menacent l'ensemble des lignes de défense ukrainiennes dans la région.
Avancées russes au mois de juillet (carte @pouletvolant3) |
EDIT: Pour plus d'information sur les territoires conquis par les Russes, je renvoie au très complet bilan du mois de juillet, par Militaryland.net.
Pertes russes
Je
rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels
Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: Artillerie, MLRS, DCA et
équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les chiffres mensuels
habituels ces derniers mois, ainsi que les moyennes pour la première
année (mars 2022 à février 2023) et la deuxième année (mars 2023 à
février 2024) puis les chiffres de mars
>
avril > mai > juin > juillet 2024
- Artillerie
- moyenne 1ere année: 190/mois
- moyenne 2e année: 650/mois
- 980 (mars) > 961 (avril) > 1129 (mai) > 1393 (juin) > 1553 (juillet)
- MLRS
- moyenne 1ere année: 40/mois
- moyenne 2e année: 43/mois
- 23 (mars) > 30 (avril) > 35 (mai) > 22 (juin) > 21 (juillet)
- DCA
- moyenne 1ere année: 21/mois
- moyenne 2e année: 37/mois
- 53 (mars) > 36 (avril) > 36 (mai) > 58 (juin) > 34 (juillet)
- Équipements spéciaux
- moyenne 1ere année: 19/mois
- moyenne 2e année: 114/mois
- 228 (mars) > 148 (avril) > 187 (mai) > 284 (juin) > 249 (juillet)
C'est donc un niveau record en matière d'artillerie.
Selon les chiffres mensuels, compilés par Ragnar Bjartur Gudmundsson, les pertes humaines (35 420) sont équivalentes à celles de juin et un peu moins importantes qu'en mai, mais largement au dessus de tous les autres mois. Les pertes matérielles (4 900) sont largement au dessus de celles du mois de juin et constituent donc un nouveau record. A noter que, pour les équipements, la très grande majorité concerne l'artillerie et les véhicules de logistique (souvent des véhicules civils), ce qui explique pourquoi les chiffres Oryx sont bien plus bas.
En ce qui concerne les frappes à longue distance, je conseille ce récapitulatif fait par Tom Cooper/ Sarcastosaurus.
Les défenses ukrainiennes menacées
On aurait pu croire que, avec l'arrivée des obus de l'initiative tchèque et la reprise des livraisons américaines, les Ukrainiens auraient eu de quoi stopper ou du moins fortement ralentir les offensives russes. Il n'en a rien été. Au contraire, les Russes ont obtenu certains succès tactiques, notamment vers Pokrovsk et Toretsk.
Vers Toretsk, les Russes ont rapidement pris des fortifications qui tenaient pourtant depuis 2014. Il semble que la raison de ce succès russe est une erreur du commandant ukrainien du secteur qui, pour renforcer les défenses de Chassiv Yar, a permuté la 24e brigade (qui défendait Toretsk) avec la 41e brigade, qui était épuisée par des mois de combat à Chassiv Yar. De plus, la 41e brigade mécanisée est sous équipée et ne vaut guère mieux qu'une unité de défense territoriale. Ce qui fait que cette dernière n'a pu résister aux assauts russes vers Toretsk et la petite ville voisine de New-York. Les Russes se sont engouffrés dans la brèche et maintenant, les Ukrainiens ont le plus grand mal à les contenir malgré le renfort de 5 brigades (24e, 32e, 53e, 100e brigades mécanisées, 95e brigade d'assaut aérien).
Comme lors de la percée d'Ocheretyne fin avril, le commandement ukrainien a fait l'erreur de faire défendre une position stratégique par une unité fatiguée et sous-équipée, les Russes ont immédiatement profité de cette faiblesse ukrainienne pour prendre un point défensif vital et les Ukrainiens se trouvent incapable de contre-attaquer et dépensent beaucoup d'hommes et de matériel simplement pour essayer de colmater les brèches.
Il en est de même dans le secteur de Pokrovsk où les brigades ukrainiennes défendant la région semblent complètement épuisées, en manque d'hommes et de matériel. Les Russes progressent relativement rapidement dans le secteur et ne sont plus qu'à une quinzaine de km de Pokrovsk et seulement 5km de l'autoroute qui relie Pokrovsk à Kostiantynivka (la grande ville juste derrière Chassiv Yar) qui est une ligne de ravitaillement importante pour l'armée Ukrainienne. Deux bataillons de la 31e brigade ukrainienne ont même été temporairement encerclés car le commandant de cette brigade a ordonné à ses hommes de ne pas reculer alors qu'autour d'eux les défenses ukrainiennes cédaient. Les hommes ont ensuite désobéit à leur commandant et se sont échappés avec l'aide de la 47e brigade mécanisée.
Pire: il semble que les Ukrainiens ne renforcent pas cette région, alors même que c'est la principale direction des attaques russes. Est-ce parce qu'ils n'ont plus aucune réserve ? Ou bien est-ce que ça fait partie d'un plan et qu'ils préparent un contre dévastateur ? J'aimerais croire à la seconde hypothèse; hélas, les derniers mois passés laissent penser que la première hypothèse est bien plus probable.
Au cours du mois de juillet, les positions défensives ukrainiennes se sont considérablement dégradées, notamment du fait d'erreurs de commandement ukrainien tant au niveau opérationnel que stratégique. L'Ukraine a besoin urgemment d'hommes et de matériel; malheureusement, du fait des retards de la mobilisation ukrainienne et des livraisons occidentales très insuffisantes, les 14 nouvelles brigades que l'Ukraine tente de constituer depuis plusieurs mois ne sont ni entraînées, ni équipées correctement, et ne sont donc pas prêtes au combat.
Situation internationale
Pendant ce temps, l'Occident est surtout occupé à ne rien faire. C'est l'été, et c'est les élections. Au Royaume-Uni, ce sont les travaillistes qui ont remporté les législatives et ont formé un nouveau gouvernement, mais comme ils sont aussi pro-Ukraine, ça ne change rien au soutien britannique. En France, Macron a perdu les élections mais entend maintenir le gouvernement démissionnaire jusqu'à la mi-aout, voire jusqu'en septembre: c'est les JO, et c'est les vacances, et puis la gauche n'a qu'une majorité très relative. Du coup, tout est paralysé. Alors, l'Ukraine... pschitt, disparu des radars.
Mais c'est surtout aux USA qu'on a eu le droit à une série de rebondissements qui pourraient bien décider du sort de l'Ukraine. Le 16 juillet, Donald Trump s'est fait tiré dessus par un jeune homme qui a raté sa grosse cible. Sur ce, le criminel (pas le tireur, l'autre) bénéficie d'une aura de "miraculé" et la présidentielle américaine semble pliée en faveur de Trump. Quelques jours plus tard, ce dernier choisit comme colistier J.D. Vance, très fortement hostile à l'Ukraine. Poutine triomphe.
Le 23 juillet, nouveau rebondissement: Joe Biden se désiste, et Kamala Harris prend rapidement le relais, insuffle une énergie nouvelle dans la campagne et rattrape rapidement le retard sur Trump et Vance, alors que ces derniers enchaînent les gaffes. S'il est encore trop tôt pour savoir qui gagnera en novembre, le match semble désormais bien plus équilibré. Les démocrates ont maintenant une chance de remporter les élections. Si cela se produit, cela signifiera un échec énorme pour Poutine qui mise tout sur l'élection de Trump.
A part ça, les tous premiers F16 sont arrivés en Ukraine, plus d'un an après avoir été promis.
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