dimanche 21 janvier 2024

Le mystérieux commandement ukrainien

Aujourd'hui, je voudrais parler d'un sujet qui trotte dans ma tête depuis bien longtemps (depuis l'été 2023), mais sur lequel je n'arrive pas à trouver les informations que je veux et qui reste, du moins pour moi, un mystère: la structure de commandement de l'armée ukrainienne.



Le trou au centre du donut

Alors, certes, il y a tout un article wikipedia sur la question.  On connaît le nom du commandant en chef (le général Zaluzhny), du commandant des forces terrestres (le général Syrsky), le chef du renseignement (le général Budanov). Tous trois font régulièrement des déclarations dans les médias. Et la plupart des autres responsables de haut niveau sont aussi connus (Zelensky, Dannilov, Umerov, etc).

On connaît aussi les commandants de la plupart des brigades. Le site militaryland.net recense chaque brigade ukrainienne et indique, pour la plupart d'entre elles, quel officier la commande. The ORBAT Cave détaille aussi l'ordre de bataille de certaines brigades ukrainiennes. Plusieurs cartes mentionnent le déploiement des différentes brigades ukrainiennes. Il semble donc qu'on a toutes les informations très facilement disponibles. Mais non.

Car ce qui reste un mystère pour moi, c'est de savoir comment sont organisés les échelons entre les brigades et le haut-commandement (qui correspondraient à des divisions et/ou des corps d'armée). Et sur ces échelons intermédiaires, les Ukrainiens (et les sites que j'ai pu consulter) sont beaucoup moins diserts. Il y a comme un "trou informationnel" au milieu de cette structure de commandement.

Je vais néanmoins donner les informations disponibles (en particulier grâce au site militaryland.net) sur cette structure de commandement, et les questions qu'elle pose.



L'organisation avant guerre

Avant guerre, on sait comment était organisée l'armée ukrainienne. L'Ukraine était divisée en quatre secteurs militaires (Nord, Sud, Est, Ouest), chaque secteur commandant 5 brigades blindées/mécanisées et 1 brigade d'artillerie:

  • Nord: 1ère et 4e brigades blindées, 30e, 58e et 72e brigades mécanisées + 26e brigade d'artillerie
  • Ouest: 3e brigade blindée, 14e et 24e brigade mécanisées, 10e et 128e brigades de montagne + 44e brigade d'artillerie
  • Sud: 28e, 56e, 57e, 59e brigades mécanisées + 40e brigade d'artillerie
  • Est: 17e brigade blindée, 53e, 54e, 92e, 93e brigades mécanisées + 55e brigade d'artillerie

Autrement dit, chacun commandait l'équivalent d'un corps d'armée.

En outre, il y avait :

  • les troupes de Marine: 2 brigades (35e et 36e) + 1 brigade d'artillerie (406e)
  • les troupes d'assaut aérien: 6 brigades (25e, 46e, 79e, 80e, 81e et 95e) + 1 brigade d'artillerie (148e)

Là encore, c'était plus ou moins l'équivalent de deux corps d'armée supplémentaires, même s'ils n'en portaient pas le nom. C'était donc une structure de commandement bien organisée et logique. D'une certaine manière, l'armée ukrainienne n'avait alors pas besoin de divisions/corps d'armée car sa structure de commandement avait la bonne taille pour s'y substituer.



Extension du domaine de la lutte

Mais avec l'invasion de 2022, l'Ukraine a dû considérablement augmenter la taille de son armée. Une trentaine de "brigades de défenses territoriales" furent créées. L'armée et la garde nationale augmentèrent leurs effectifs autant que possible (l'entraînement et l'équipement étant ce qui limite le plus la constitution de nouvelles brigades), si bien qu'il y a maintenant plus de 120 brigades de tout type dans l'armée ukrainienne (contre ~40 avant 2022). Or, du moins officiellement, l'armée ukrainienne n'a pas changé sa structure de commandement. Il n'y a (à quelques exceptions près dont je parlerai plus tard) aucune division ni corps d'armée créés comme échelon de commandement au dessus de ces brigades.

De fait, ce sont plutôt des groupes ad hoc qui ont étés créés pour superviser divers secteurs du front: des "groupes stratégiques" et des "groupes tactiques". Or, les groupes stratégiques recouvrent des zones très larges, puisqu'il n'y a que 4 groupes stratégiques, dont seulement 2 couvrent les secteurs actifs du front:

  • le groupe "Tavria" (ou Tavrisk), dirigé par le Major-Général Tarnavksy, en charge de tout le front sud, de Zaporijja à Avdivka
  • le groupe "Khortezya", dirigé par le Colonel-Général Syrski (qui est aussi le chef de toutes les forces terrestres), en charge du front est, de Bakhmut à Kupyansk
  • le groupe nord qui ne couvre pas de zones de combat actives
  • le groupe "Odessa" qui supervise aussi la zone de Kherson

Les "groupes tactiques" qui sont plus petits, peuvent néanmoins regrouper 10 à 20 brigades, comme c'était le cas du groupe tactique "Bakhmut" début 2023. Aussi ces groupements ad hoc semblent bien trop gros pour pouvoir être gérés efficacement.

D'autant plus qu'il semble que les zones affectées à chaque brigades semblent "un peu floues". Ainsi, dans le village Stepove (dans le secteur d'Avdiivka), ont été géolocalisés:
- le 02/12: un Bradley de la 47e brigade mécanisée
- le 04/12: un tank de la 116e brigade mécanisée

 
On pourrait se dire que ce village marque la limite entre le déploiement de ces deux brigades, la 47e au sud et la 116e au nord. Mais, quelques jour plus tard, la 116e est aussi intervenue à l'est de l'usine d'Avdiivka (défendue par la 47e). Il y a donc bien une certaine souplesse, au niveau local, dans le déploiement des brigades, et un chevauchement de leurs zones de déploiement.

De même, en août et en septembre et à proximité du village de Robotyne, opéraient à la fois les 46e (aéromobile), 47e (mécanisée) et 82e (assaut aérien) brigades dans des zones qui semblaient interchangeables.

De fait, il semble que les unités ukrainiennes sont déployées non au niveau de la brigade, mais du bataillon. Ainsi, au mois de mars 2023, un bataillon de la 92e brigade mécanisée a été envoyé pour défendre le secteur de Bakhmut alors que le reste de la brigade était 300 km plus au nord. Plus récemment, des éléments de la 93e brigade mécanisée opèrent du côté de Kupyansk, alors que d'autres sont au sud de Bakhmut. Les brigades ukrainiennes serait-elles plus des entités administratives que des unités de combat ?

Si cela est vrai, cela implique que les "groupes tactiques" n'ont pas à gérer 10 ou 20 brigades (ce qui est déjà difficile) mais une cinquantaine de bataillons (au moins). Comment font-ils pour gérer tout ça ? Je n'en ai pas la moindre idée. Il semble invraisemblable que les Ukrainiens arrivent à gérer leurs troupes sans avoir de réel échelon "brigade", "division" ou "corps d'armée".



Le problème des trois corps

Cependant, il y a bien eu la création de deux, et même trois corps supplémentaires:

  • le 9e corps
  • le 10e corps
  • le corps des marines

Pour ce dernier, il s'agit de regrouper sous un même commandement toutes les troupes "de Marine" 4 brigades d'infanterie (35e, 36e, 37e et 38e), 1 brigade d'artillerie (406e) plus quelques autres unités supplémentaires. De fait, la composition de ce corps de Marine correspond, tant par sa taille que par le type de brigade, à ce qu'on pourrait attendre d'un corps d'armée opérationnel. D'autant plus qu'il semble que ce corps soit déployé exclusivement dans la région de Kherson.

Mais pour les deux autres corps, qui semblent avoir été créés pour mener la contre-offensive à l'été 2023, c'est une toute autre histoire. D'abord, si la création de ces deux corps a été annoncée publiquement, leur composition semble en revanche être un mystère qui n'a été percé que graduellement.

Concernant le 10e corps, sa composition a été indirectement révélée lors d'une visite de Zelensky:

  • Bataillon "Skala"
  • 46e brigade aéromobile
  • 116e brigade mécanisée
  • 117e brigade mécanisée
  • 118e brigade mécanisée

Plus tard, on a aussi appris que la 5e brigade blindée (une unité de réserve, qui semble avoir été réactivée récemment) et la 33e brigade mécanisée font également partie de ce corps. Dans l'ensemble, c'est une composition cohérente. La taille (4-6 brigades) correspond à la taille d'un corps d'armée, il y a un mélange d'unité anciennes et de nouvelles unités. Il manque une brigade d'artillerie, mais à part ça, cette formation fait sens. Pendant la contre attaque Ukrainienne, toutes ces unités étaient concentrées du côté de Robotyne. Depuis octobre, les 116e et 118e brigades ont été redéployées près d'Avdiivka, tandis que la 46e brigade aéromobile défend Mariinka et les 33e et 117e brigades mécanisées semblent être toujours près de Robotyne.


Concernant le 9e corps, sa composition est bien plus bizarre:

  • 1ère brigade "but spécial"
  • 3e brigade d'assaut
  • 4e brigade de tanks
  • 33e brigade mécanisée (transférée ensuite au 10e corps)
  • 47e brigade mécanisée
  • 58e brigade mécanisée (pour remplacer la 33e)
  • 67e brigade mécanisée
  • 47e brigade d'artillerie

Le problème, c'est que ces brigades sont dispersées un peu partout sur le front:

  • les  1ère brigade "but spécial" et 67e brigade mécanisée sont du côté de Lyman/Kremina
  • les 3e brigade d'assaut et 58e brigade mécanisée combattent du côté de Bakhmut
  • la  4e brigade de tanks est quelque part (je n'ai jamais su où: des fois on la dit à Kupyansk, d'autre fois dans le sud ou à Bakhmut)
  • les 33e, 47e brigades mécanisées et 47e brigade d'artillerie étaient du côté de Robotyne, avant que la 47e brigade mécanisée ne soit envoyée à Avdiivka

Dans ces conditions, il est impossible que ce 9e corps soit une unité opérationnelle. On peut même s'interroger sur l'utilité de regrouper dans un corps d'armée des brigades qui ne sont pas et n'ont jamais été groupées sur le terrain. En effet, la situation actuelle est que le 9e et 10e corps sont écartelés entre deux secteurs (Avdiivka et Robotyne), avec en plus des unités du 9e corps qui combattent plus au nord (Bakhmut et Lyman). Le 9e corps est donc "coupé en deux" entre les deux "groupes stratégiques" qui sont pourtant déjà très vastes.

Ce constat m'amène à me poser de nombreuses questions: à quoi servent ces deux corps, et pourquoi l'Ukraine les a-t-elle créés ? Pourquoi créer seulement deux corps, alors que la plupart des brigades restent indépendantes? Pourquoi ces corps n'ont pas la charge des opérations dans un secteur ? Pourquoi cette superposition hiérarchiques entre corps d'armée, groupes "tactiques" et groupes "stratégiques" qui semblent a priori jouer un même rôle ?

Je n'ai pas de réponses satisfaisantes à ces questions. En revanche, on a souvent entendu, dans la presse occidentale, que les 9e et 10e corps étaient les 9 brigades formées dans les pays de l'OTAN et que l'Ukraine avait attaqué avec le 9e corps, puis que le 10e, initialement en réserve, avait été appelé en renfort. Les choses sont bien plus nuancées, comme nous allons le voir.



Le rôle de ces corps lors de la contre-offensive ukrainienne

Déjà, il est très exagéré de dire que les 9e et 10e corps étaient les 9 brigades formées dans les pays de l'OTAN. Ils ont effectivement composés en partie de ces brigades entraînées en occident, mais pas que. Certaines sont des brigades plus anciennes (46e aéromobile, 67e mécanisée, 1ere brigade but spécial, 3e et 4e brigades blindées). Inversement, certaines brigades formées en occident n'ont été rattachées à aucun des deux corps d'armées (37e, 82e), voire même n'ont pas du tout participé aux offensives et étaient déployées dans le nord (21e, 32e). Au final, il n'y a donc eu que 5 des 9 brigades entraînées en occident qui ont intégré le 9e corps (2 brigades) et le 10e corps (3 brigades).

Si on prend l'offensive du côté de Robotyne, on peut constater:

  • qu'en juin/juillet, l'Ukraine a attaqué avec des unités du 9e corps (33e et 47e brigade mécanisées, 47e brigade artillerie) mais aussi d'autres unités non rattachées ni au 9e corps, ni au 10e corps: 128e brigade de montagne, 65e brigade mécanisée, ainsi que plusieurs unités de la garde nationale.
  • qu'à partir de fin juillet/ début août, le 10e corps a effectivement été appelé en renfort, ainsi que certaines autres brigades (82e aéroportée, 71e jaeger, etc)

Il semble donc que le commandement ukrainien responsable de cette offensive (le groupe stratégique "Tavria") a utilisé les brigades des 9e et 10e corps pour l'offensive, mais il est peu probable qu'ils ont utilisé également les 9e et 10e corps en tant que structure de commandement. Comme je l'ai dit plus haut, le déploiement de ces brigades à Robotyne était "souple", les brigades intervenant un peu partout dans le secteur sans tenir compte de leur affiliation au 9e ou 10e corps.

De plus, l'attaque du côté de Robotyne n'était qu'un des quatre axes d'attaque de la contre-offensive. Un peu plus à l'ouest, la 128e brigade de montage avait libéré deux petit villages. A l'est, un groupe d'attaque a libéré 8 villages au sud-ouest de Vuhledar (ce que l'Ukraine nommait "la direction Berdiansk"), mais ces deux axes n'ont plus mené d'offensive après juin 2023. Enfin, il y avait un groupe d'attaque autour de Bakhmut, auquel participaient certaines unités du 9e corps (notamment la 3e brigade d'assaut).

A noter que, pour la direction Berdiansk, aucune unité des 9e et 10e corps n'était impliquée. Inversement, certaines unités du 9e corps n'ont tout simplement pas participé à la contre offensive. Tout cela laisse penser que les 9e et 10e corps, en tant que structure de commandement, n'ont pas étés utilisés pour la contre offensive.

 

 

Retour à la case départ

En résumé, les 9e et 10e corps d'armée ne sont pas responsables d'une zone du front, leurs unités sont maintenant dispersées un peu partout sur le front et même si certaines de leurs brigades ont participé à la contre-offensive, il est probable que c'était le "groupe stratégique Tavria" qui coordonnait l'offensive en tant que structure de commandement. Ces deux corps ne semblent donc servir à rien. Donc pourquoi les avoir créé ?

Au vu des éléments que j'ai déjà donnés, je ne peux apporter qu'une réponse spéculative à cette question. J'émets l'hypothèse que l'OTAN avait effectivement prévu d'organiser les 9 brigades qu'elle avait entraînées en 2 corps d'armée mais que, pour une raison ou une autre, l'armée ukrainienne n'a pas voulu de cette organisation et à préféré donner la direction des opérations aux deux "groupes stratégiques" qui existaient déjà, et faisant donc des 9e et 10e corps des "coquilles vides".

De fait, l'armée ukrainienne semble s'appuyer uniquement sur ces "groupes stratégiques" à l'exclusion des autres structures existantes comme les quatre "secteurs" qui existaient avant guerre. Notons que ces 4 secteurs ont grossit (chaque nouvelle brigade des forces terrestres est rattachée à un des 4 secteurs), mais que les unités sont dispersées sur tout le front. Pour les 24 brigades existant avant-guerre, voici leur localisation approximative (d'après les cartes militaryland.net):

  • Nord: 1ère (Vuhledar) et 4e (Svatove) brigades blindées, 30e (Bakhmut), 58e (Bakhmut) et 72e (Vuhedar) brigades mécanisées + 26e brigade d'artillerie(Bakhmut)
  • Ouest: 3e brigade blindée (Kupyansk), 14e (Kupyansk) et 24e (Toresk) brigade mécanisées, 10e (Siversk) et 128e (Zaporijja) brigades de montagne + 44e brigade d'artillerie (Orikhiv)
  • Sud: 28e (Bakhmut), 56e (Bakhmut), 57e (Bakhmut), 59e brigades mécanisées (Avdiivka) + 40e brigade d'artillerie (Kupyansk)
  • Est: 17e brigade blindée (Bakhmut), 53e (Avdiivka), 54e (Kupyansk), 92e (Bakhmut), 93e (Bakhmut) brigades mécanisées + 55e brigade d'artillerie (Vuhledar)

Ces structures de commandement ne sont donc pas utilisées pour commander tel ou tel secteur du front, contrairement à ce que fait la Russie par exemple. Ainsi, début 2022, la Russie a attaqué en laissant à chacun de ses districts militaires la responsabilité d'une partie de front:

  • le district militaire "Est" avait pour responsabilité l'attaque de Kyiv à partir de la Biélorussie (35e et 36e armées)
  • le district militaire "Ouest" attaquait du côté de Sumy, Kharkiv et au nord de Luhansk
  • le district militaire "Sud" attaquait vers Kherson et Mélitopol, Mariupol, etc

C'est une organisation qui avait une certaine logique, contrairement à l'organisation du commandement ukrainien dont je peine à comprendre la structure exacte.

 


Conclusion

Loin de simplifier la hiérarchie ukrainienne, les deux corps créés en 2023 la compliquent. D'après les informations disponibles publiquement, l'Ukraine n'a pas eu de structures dédiées au commandement des troupes pour la contre-offensive, à part les fameux deux "groupes stratégiques" qui semblent être bien trop vastes pour pouvoir être efficaces. Ce qui pourrait expliquer son incapacité à coordonner les actions de plusieurs brigades, qui est une des raisons des difficultés ukrainiennes selon Michael Kofman.

Pourtant, ce problème du commandement des "échelons intermédiaires" semble assez peu pointé du doigt par les analystes militaires. Il faut dire que, au moins pour les phases défensives, les faiblesses du commandement ukrainiens passent au second plan. En tous cas, c'est un problème bien moins important que le fait que les USA coupent tout approvisionnement en armes et en munitions. Mais c'est un problème que les Ukrainiens devront résoudre un jour ou l'autre s'ils comptent libérer le territoire actuellement occupé par les Russes.


mardi 2 janvier 2024

Contre-offensive ukrainienne : bilan du mois de décembre

Bonne année 2024 !

Et pour commencer la nouvelle année, voici un petit bilan du mois de décembre, à mettre en perspective avec les constats que j'avais fait fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre et fin novembre.

Une fois de plus, le front n'a quasiment pas bougé malgré l'intensité des combats (une phrase que je continue à répéter chaque mois ou presque). Les avancées russes sont toujours faibles. Avdiivka, où Zelensky s'est récemment rendu, semble un peu moins menacée. En revanche, la bataille de Marinka dont j'annonçais la fin le mois dernier est officiellement terminée (et ne procure aucun avantage aux russes). 

 

Annus horribilis pour l'armée russe

 

Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: Artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les chiffres mensuels habituels (c'est-à-dire jusqu'à février 2023) puis les chiffres de mars > avril > mai > juin > juillet > août > septembre > octobre  > novembre > décembre 2023

  • Artillerie (de 100 à 200/mois): 290 (mars) > 238 (avril) > 553 (mai) > 688 (juin) > 677 (juillet) > 691 (août) > 947 (septembre) > 873 (octobre) > 682 (novembre) > 555 (décembre)
  • MLRS (de 10 à 65/mois): 48 (mars) > 17 (avril) > 31 (mai) > 57 (juin) > 67 (juillet) > 36 (août) > 63 (septembre) > 47 (octobre) > 66 (novembre) > 33 (décembre)
  • DCA (de 5 à 40/mois): 32 (mars) > 16 (avril) > 38 (mai) > 56 (juin) > 73 (juillet) > 38 (août) > 37 (septembre) > 25 (octobre) > 39 (novembre) > 23 (décembre)
  • Équipement Spécial (de 10 à 30/mois): 66 (mars) > 63 (avril) > 99 (mai) > 122 (juin) > 138 (juillet)  > 113 (août) > 102 (septembre) > 84 (octobre) > 108 (novembre) > 144 (décembre)

Ces chiffres sont encore en baisse (encore que, pour les équipements spéciaux, décembre est le mois de tous les records) et on retombe à des niveaux comparable à mai pour l'artillerie. On peut supposer que la cause de cette baisse est le manque de munitions côté ukrainien, et qui les contraint à diminuer voir stopper leurs actions offensives, les tires de contre-batteries, etc, pour se concentrer sur la défensive.

D'un autre côté, les offensives russes (toujours menées avec des chars/BMP) continuent et engendrent des pertes colossales tant en hommes qu'en matériel. Au mois de décembre, 30 000 soldats russes sont morts et 2 800 pièces d'équipement terrestres ont été perdus par les Russes, selon les chiffres communiqués par les Ukrainiens. Cela constitue un record absolu pour les pertes humaine et le 2e mois le plus destructeur pour le matériel russe. Bien sûr, ces chiffres sont surestimés (il faut retirer 1/3, voire la moitié, pour avoir une estimation réaliste des pertes russes), ils n'en donnent pas moins la tendance générale (une forte augmentation).

Parmi ces pertes, certaines ont fait très mal à l'armée russe, en particulier:

  • plusieurs Su-34 ont été abattus (probablement par une batterie Patriot, même si cela reste à confirmer): ces pertes signifient que les Ukrainiens ont de quoi répliquer aux "bombes planantes" lancées par les Russes
  • le navire de transport Novocherkassk détruit dans le port de Féodossia; la détonation de sa cargaison (il devait transporter certainement des explosifs ou autres types de munitions) a secoué la ville et endommagé/détruits plusieurs autres navires aux alentours

Autrement dit: le mois de décembre a été une hécatombe pour l'armée, la marine et l'aviation russe, concluant une année désastreuses pour toutes les branches de l'appareil militaire russe.



L'avenir ukrainien toujours compromis


Malgré ces succès, l'armée ukrainienne ne peut pas crier victoire. En effet, si elle tient bon sur le terrain malgré la pression russe, c'est l'arrière et le "grand arrière" qui sont menacés par les Russes.

Fin décembre, les Russes ont recommencé leurs attaques aériennes massives à coup de missile et de drones Shahed. Deux attaques ont déjà eu lieu, séparées seulement d'une semaine, impliquant à chaque fois près de 150 missiles et drones. Pour le moment, la défense aérienne tient bon, mais combien de salves peuvent-ils encaisser avant de craquer ?

Cela est d'autant plus critique que l'aide militaire à l'Ukraine est maintenant bloquée depuis 4 mois aux USA par les Trumpists qui préfèrent trahir les Ukrainiens (et les intérêts des USA) simplement parce que la grosse merde orange admire Poutine et déteste l'Ukraine (et la démocratie, et tout un tas d'autres choses).

Les Européens promettent d'augmenter leur aide, mais celle-ci est loin d'être suffisante et le manque d'anticipation de beaucoup de gouvernements (notamment le gouvernement français) fait que nous sommes bien nus pour nous défendre et pour défendre les Ukrainiens.

Il est possible que d'autres pays augmentent également leur aide, y compris leur aide militaire (notamment le Japon et la Corée du Sud) mais le flottement au sommet des USA compromet toutes les alliances de défenses étables depuis 75 ans: car que vaut la parole des USA (en tant qu'allié) s'il suffit qu'un idiot narcissique bloque tout par simple caprice ? Que faut la démocratie US si un traitre séditieux peut remporter l'élection présidentielle ? Ce sont deux questions auxquelles 2024 apportera une réponse. En bien ou en mal.


 

L'armée ukrainienne manque-t-elle d'hommes ?

Ces derniers temps, on lit souvent, dans la presse, que l'armée russe est "en supériorité numérique" et que l'armée ukrain...