dimanche 9 juillet 2023

Contre-offensive ukrainienne: un bilan mitigé (3)

La première partie est ici, la deuxième est ici. Je rappelle qu'il s'agit d'une réaction à la série de billets du Colonel Michel Goya: L'offensive ukrainienne est-elle un échec ? (1) et (2) et que le titre (comme celui du billet de Michel Goya) ne reflète pas la conclusion de mon analyse, il n'est là que tromper ceux qui ne lisent que les titres. C'est aussi une référence à l'excellent sketch d'Alexandre Astier: Physique quantique : un bilan mitigé.

NB: du fait des changements dans la politique de Twitter, il y a moins de liens que d'habitude
 
 
 
Dans la première partie, j'avais émis l'idée que l'Ukraine a une stratégie à long terme, et qu'à chaque "phase" de cette guerre elle a cherché à éroder ce qui faisait la force des Russes (actuellement l'artillerie) et à taper la logistique.
Dans la seconde, j'ai pointé un certains nombre de problèmes dans l'offensive ukrainienne qui font qu'on s'interroge sur ce que les Ukrainiens cherchent à faire avec leur contre-offensive qui semble voué à l'échec.

Ici, je vais montrer que la stratégie d'attrition à long terme donne du sens à ce qui nous apparaît comme une contre-offensive ratée, et que les opérations offensives actuelles sont juste une préparation intensive de ce qui pourrait être la "véritable contre-offensive" ukrainienne.


Les chiffres ukrainiens sont-ils fiables ?


Dans cette troisième partie, je vais beaucoup m'appuyer sur les pertes russes telles que déclarées chaque jour par le Ministère de la Défense ukrainien. Comme ce sont des annonces purement déclaratives (sans aucune preuve apportée) faite par un des deux belligérants, la question de la fiabilité de ces chiffres se pose évidemment. Et le meilleur moyen d'évaluer la fiabilité de ces chiffres, c'est de les comparer aux chiffres d'Oryx qui répertorie les pertes visuellement confirmées. C'est ce que fait Ragnar Bjartur, un analyste de données islandais, sur son site où il donne beaucoup de statistiques.

Globalement, les pertes matérielles recensées par Oryx sont environ moitié moindre que celles annoncées par les Ukrainiens. Sachant que les chiffres d'Oryx sont probablement sous-estimées d'au moins 30%, j'applique la règle suivante aux chiffres des Ukrainiens pour avoir une "bonne" estimation: je retire 1/3 au total annoncé par les Ukrainiens. En effet, supposons que les Ukrainiens annoncent 100 pertes et que Oryx n'en recense que 50. On a oryx+30% = 65 pertes. ukrainiens -1/3 (33%) = 67 pertes. On retrouve donc sensiblement la même estimation.

Cependant, il faut signaler que ce ratio d'environ 50% est désormais plus bas: il est actuellement de 38% (selon les calculs de Ragnar Bjartur). On peut bien sûr imaginer que les Ukrainiens ont décidé, il y a 3 mois, de "gonfler" soudainement les chiffres qu'ils annoncent, mais je n'y crois pas trop (pourquoi un tel changement abrupte?) et surtout, il y a des explications plus rationnelles. Une première explication possible à cette baisse récente (ca date de moins de 3 mois) est que Oryx a fait une pause en avril et que, même s'ils essaient de maintenir le rythme, il est clair qu'ils ont trop de pain sur la planche et qu'ils ont peut-être un "backlog" (ensemble d'images non traitées faute de temps) qui augmente chaque jour en ce moment. Autrement dit: il y a beaucoup plus de pertes récentes (depuis avril) que ce que comptabilise oryx.  Mais surtout, cette baisse s'explique parce que les ukrainiens annoncent depuis mai d'importantes pertes en artillerie.


Or, si j'ai dit que les pertes matérielles recensées par Oryx sont environ moitié moindre que celles annoncées par les Ukrainiens, cela varie beaucoup en fonction des catégories. Le ratio est plus élevé pour les bateaux (65% des pertes confirmées), il est d'environ 50% pour les chars, blindés et camions, mais seulement 25-30% pour les avions et hélicoptères, 15% pour l'artillerie et moins de 10% pour les drones. Comment interpréter ces différences ? Pour les avions et hélicoptères, la différence vient essentiellement des 3 premiers mois (février-mars-avril 2022); si on exclut ces trois mois, on en revient à un ratio proche de 50%. On peut imaginer que, dans la confusion des premières semaines, les Ukrainiens ont largement surestimé les pertes aériennes russes (plus difficile à estimer que les pertes terrestres). Mais il est aussi possible que Oryx a manqué beaucoup de pertes russes: en effet, pour avoir une preuve visuelle de ces pertes, il faut retrouver l'épave de l'avion, qui peut tomber littéralement n'importe où (y compris dans des endroits peu voir pas fréquentés, ou en Russie). Au contraire des épaves de chars, blindés et camions qui ont tendance à s'accumuler le long de route nécessairement plus fréquentées. Le problème est pire pour les drones: combien sont abattus sans que les Ukrainiens se donnent ensuite la peine de retrouver leurs épaves ? Pour les premiers Shahed-131/136 abattus, il y avait un intérêt à retrouver l'épave. Pour les centaines de Shahed suivant, l'intérêt devait être bien moindre. On peut penser que les Ukrainiens comptent également des drones plus petits, qui ne sont pas comptabilisés par Oryx


Pour l'artillerie, c'est pareil: il y a de bonnes raisons de penser que ces pertes sont moins souvent documentées, et donc que la sous-estimation oryx est plus forte:
  • les pièces d'artillerie peuvent être repérées par des radars de contre-batteries et détruites sans laisser aucune preuve visuelle
  • idem si elles sont repérées par l'action, derrière les lignes ennemis, de partisans ou d'unités des forces spéciales; ceux-ci ne vont certainement pas publier des vidéo qui pourraient compromettre leur mission principale
  • les pièces détruites sont loin de la ligne de front. Plus difficile de les photographier. Surtout qu'elles vont plutôt être positionnées à des endroits où il est plus facile de se camoufler, pas nécessairement les coins les plus fréquentés.
  • les pièces endommagées peuvent facilement être évacuées, contrairement aux tanks endommagés sur le champ de bataille et qui sont souvent abandonnés sur place (et peuvent donc être plus facilement photographiés).
  • il est également possible que les ukrainiens compte dans la catégorie "artillerie" certaines pièces qu'Oryx ne répertorie pas, comme de petits mortiers, ce qui peut là encore expliquer les différences entre les deux chiffres


Notons que ces taux de confirmation entre les différentes catégories ne datent pas d'avril dernier, et qu'ils suivent une certaine logique: plus un équipement est facilement photographiable, plus il y a d'accord entre les chiffres Oryx et les chiffres des officiels ukrainiens. Alors certes, on peut penser que les estimations ukrainiennes sont un peu moins fiables pour ces catégories, mais qu'on peut quand même se baser sur ces annonces ukrainiennes (en leur appliquant une décote de 1/3 voire 1/2) pour estimer les pertes russes, plutôt que sur les chiffres d'Oryx. Je fais également l'hypothèse que cette fiabilité n'a pas diminué ces trois derniers mois et reste dans la même fourchette. Avec ces hypothèse, voyons à quoi ressemble la "contre-offensive ukrainienne" quand on se base sur ces données.


Des pertes russes significatives


En se basant sur les chiffres du ministère de la défense Ukrainiens (synthèses mensuelles) on remarque les tendances suivantes:
  • concernant les équipements spéciaux, alors que les pertes mensuelles oscillait entre 10 et 30 jusqu'en février 2023, les pertes augmentent considérablement: 66 en mars, 63 en avril, 99 en mai, 122 en juin. Or, cette catégorie regroupe les radars, les équipements EW, les équipements d'ingénierie, bref ce qu'il faut pour ériger des positions défensives et se protéger des drones. Il y a donc une volonté ukrainienne de cibler spécifiquement ces équipements, qui étaient jusque là relativement peu touchés
  • concernant la DCA et les MLRS, l'évolution est moins marquée, mais les pertes (depuis mars 2023) sont supérieures à la moyenne. Les pertes en camions en juin sont aussi très supérieures à la moyenne
  • l'évolution de l'artillerie est impressionnante: 553 pièces en mai, 688 pièces en juin, ce sont des chiffres conséquents, au delà du double de la moyenne mensuelle.

On voit donc que, si la stratégie des Ukrainiens est bien de taper sur ce qui fait la force de l'armée russe actuelle, le mois de juin n'est certainement pas un échec. L'attrition des équipements russes s'accélère. Et les premiers chiffres de juillet semblent montrer que ce mois verra également des pertes russes très importantes. Le fait que certaines catégories (artillerie, équipement spéciaux) sont particulièrement touchées indiquent qu'il y a une stratégie générale de "chasse aux équipements spécifiques" qui est faite depuis maintenant le mois de mars 2023 et qui s'est accélérée en mai et juin. Cette chasse se fait à l'aide de l'artillerie et des drones, avec en particulier des milliers de drones "FPS" qui sont envoyés chaque mois détruire de l'équipement et des positions russes. On parle beaucoup des drones russes "Lancet" qui arrivent à détruire des pièces d'équipement précieuses. Mais pour chaque vidéo de Lancet russe faisant mouche, il y a 10 vidéos de drones FPS ukrainiens qui détruisent leur cible. Pour mesurer le succès actuel, la surface du terrain repris est moins importante que le nombre de pièces d'équipement perdues par les Russes (en particulier l'artillerie/MLRS, la DCA et les équipements spéciaux).

Mais si la stratégie ukrainienne est de détruire les équipements russes à distance, pourquoi avoir lancer des contre-offensives qui augmentent mécaniquement les pertes ukrainiennes ? Si la bonne mesure des progrès ukrainiens est le nombre de pièces d'artillerie russes détruites, pourquoi s'être lancé dans ces trois opérations de libération dans le sud, qui sont coûteuses tant en hommes qu'en matériel et qui, comme nous l'avons vue dans la seconde partie de l'analyse, ne vont très probablement pas percer le front russe ? Pourquoi avoir attaqué début juin, alors qu'il reste encore beaucoup de pièces d'artillerie russes à détruire avant de pouvoir avancer sur le terrain ?


Les véritables buts de la "contre-offensive"


On peut penser qu'il y avait une certaine impatience, en occident mais aussi peut-être dans l'opinion ukrainienne, à ce que l'Ukraine repasse à l'offensive alors que l'offensive d'hiver russe avait été stoppée début avril dans la plupart des secteurs et le 20 mai pour Bakhmut. Certains avaient cru voir dans les contre-attaques ukrainiennes autour de Bakhmut le début de cette fameuse contre-offensive tant attendue. Mais je doute que les Ukrainiens ont lancer des opérations offensives dans 3 secteurs du front sud juste pour répondre à cette impatience. Je pense que ces attaques avaient en fait quatre buts:
  1. Tenter de percer par surprise: Le front sud était calme, sans grande opération offensive de part et d'autre, depuis plus d'un an. La qualité des troupes russes qui le garnissent n'avait donc pas été testée, ni en attaque, ni en défense. Les satellite permettent de cartographier le réseaux de tranchées, mais pas le moral des troupes russes. Il fallait donc tester ces défenses, voir si tout n'allait pas s'écrouler au premier coup, avant de procéder à de longues attaques plus méthodiques. C'est le principe "avant de se lancer dans le crochetage d'une serrure, vérifier d'abord si la porte est verrouillée". D'où la série d'attaques début juin. Il y a eu quelques mouvements de panique, mais dans l'ensemble les troupes russes ont passé le test avec succès et ont bien tenu la ligne.
  2. Dénicher les pièces d'artillerie: c'est sans doute la principale raison de ces attaques. Le but est de faciliter la destruction de l'artillerie russe en les forçant à utiliser l'artillerie en défense, révélant ses position et exposant à des tirs de contre-batterie. A noter que, pour réaliser cet objectif, les Ukrainiens ont tout intérêt à ne pas trop s'avancer dans les lignes russes. Cela leur permet de ne pas avoir a exposer trop leurs propres pièces tout en forçant les Russes à utiliser les leurs. Autrement dit : le rythme de progression actuel, aussi lent soit-il est parfait pour ce travail de contre-batterie. D'autant plus que les Russes facilitent le travail en envoyant toujours plus de troupes et d'équipement sur la ligne de front plutôt que de se replier sur leur ligne de fortification.
  3. Maintenir la pression, y compris sur les lignes logistiques russes. Comme pour la contre-offensive de Kherson, les Ukrainiens cherchent à créer des problèmes logistiques aux Russes, avec les bombardement longue distance grâce aux SCALP/StormShadows. Le goulot d'étranglement sera forcément moins efficace qu'à Kherson, car il y a plus de voies d'approvisionnement. De ce point de vue, le fait de lancer trois axes d'attaque dans le sud a du sens, car ce sont les mêmes lignes logistiques qui sont sollicitées. De plus, forcer les Russes à réapprovisionner leurs premières lignes permet à la fois de cibler les camions ravitailleurs. Observer ces camions (sans nécessairement les détruire) permet également de trouver quelles sont les chemins qui ne sont pas minés et de mieux cartographier le terrain occupé par l'ennemi.
  4. Expérimenter et apprendre. Si "War never changes", il semble que l'introduction massive des drones d'observation nécessite quelque adaptation des doctrines militaires, y compris de la doctrine OTAN. De fait, les Ukrainiens doivent apprendre à attaquer des positions bien défendues dans ce nouveau contexte et avec le (peu de) matériel qu'ils ont.

En fait, ces attaques semblent moins destinées à percer les lignes russes qu'à préparer une "vraie" contre-offensive à plus grande échelle, en affaiblissant l'armée russe et en renforçant l'armée ukrainienne. On peut même imaginer que les Ukrainiens privilégient une action lente et méthodique pour attirer les Russes hors de leur première ligne de fortification et les user ainsi d'avantage. Est-ce que tout cela "vaut" les pertes générées par ces actions offensives préparatoires (et le temps passé)? Je l'espère, mais c'est difficile de juger avec le peu d'informations disponibles en sources ouvertes.


Une armée apprenante


L'armée ukrainienne diffuse régulièrement des vidéo d'assauts sur les tranchées russes, surtout dans le secteur de Bakhmut (par exemple par la 3e brigade d'assaut). Ces assauts sont menés à petite échelle (section/compagnie) par des soldats expérimentés. Bien sûr, les vidéos qui sont publiés montrent des assauts réussis et presque "parfaits", où les Russes sont écrasés et les Ukrainiens font les choses bien comme il faut. Il y a forcément un biais de sélection dans les vidéos qui sont publiées pour les besoins de la propagande ukrainienne, et il est probable que les choses ne se passent pas toujours aussi parfaitement. Il doit aussi y avoir des vidéos "contre-exemple" qui sont enregistrées lors d'assauts qui se passent mal mais ne sont pas diffusées. Du moins au grand public.

Car ces vidéos peuvent être un excellent moyen de former les brigades moins expérimentées. On parle beaucoup de la révolution des drones dans la correction des tirs d'artillerie, mais le fait que les drones (et camera go pro des fantassins) génèrent autant d'images peut amener à une autre révolution: celle de la formation des soldats, montrant aux novices de vraies situations de combat, les choses à faire et à ne pas faire. Certes, ça ne remplace pas l'expérience du terrain, mais c'est un retour d'expérience qui n'était pas disponible aux soldats des générations précédentes (du moins pas à cette échelle). On sait, dans les unités, l'importance de la "transmission de connaissance" entre les vétérans et les novices. La documentation constante des combats en Ukraine permet accélérer cette transmission et de donner une première "expérience" à ceux qui vont ensuite aller au front pour la première fois. Les Ukrainiens exploitent-ils ces images pour la formation de leurs soldats ? On ne le sait pas, mais ce serait intelligent de leur part.

Et comme le souligne le colonel Goya, l'armée ukrainienne a maintenant une soixantaine de brigades d'un bon niveau tactique. C'est probablement plus que n'importe quelle autre armée au monde, excepté, peut-être, les USA. Ces derniers mois, j'ai vu des vidéos d'assauts brillamment menés par les brigades suivantes: 3e et 5e brigades d'assaut; 10e et 128e brigades de montagne; 28e, 30e, 53e, 54e, 56e, 57e, 59e, 67e, 92e, 93e et 110e brigades mécanisées, plus quelques brigades territoriales appuyés par les chars de la 3e brigade blindée. Alors certes, il y a toujours un biais de sélection. Et comme ce sont des assauts menés à petites échelles (section, peloton ou compagnie), il est possible (et même probable) que tous les soldats de ces brigades ne soient pas au niveau tactique démontré dans ces vidéos. Mais ça renforce l'idée que l'Ukraine dispose de nombreuses brigades capables de mener des assauts efficaces contre des positions retranchées russes.

Et les Ukrainiens semblent vouloir encore augmenter ce nombre, en particulier en élevant le niveau des brigades nouvellement formées. Cela fait du sens s'ils se préparent non à percer le front à un endroit (ce qui nécessiterait 20-30 brigades bien formées et bien équipées) mais qu'ils sont dans une stratégie d'attrition généralisée où ils usent les Russes partout sur le front. De plus, si cette phase d'attrition réussi, les Ukrainiens auront suffisamment de brigades de manoeuvre pour menacer le front russe à plusieurs endroits et garder une réserve capable d'exploiter là où le front craquera (ce que Michel Goya appelle "MA1 : le torrent lent").


De même, concernant les 3 actions offensives dans le sud, on peut remarquer qu'elles semblent être menées chacune à un échelon différent:
  • dans le secteur Dnipro, ce serait l'échelon "bataillon" (au plus un bataillon impliqué en attaque comme en défense)
  • dans le secteur Orikhiv, ce serait l'échelon "brigade" (plusieurs bataillons impliqués en attaque comme en défense)
  • dans le secteur Velyka Novosilka, ce serait l'échelon "division" ou "corps d'armée" (plusieurs brigades impliquées en attaque comme en défense)

C'est sans doute un peu tiré par les cheveux, mais si on suppose que les actions actuelles dans le sud ont pour but de préparer la "véritable contre-offensive", cela fait du sens de ne pas concentrer les moyens à un seul endroit, mais de varier les situations de combat (et les échelons) pour mieux pouvoir en tirer des leçons.


Cette stratégie peut-elle réussir ?


On imagine souvent les réserves russes comme contenant un nombre quasi-infini de pièces d'artillerie, et que toute tentative de détruire assez de pièces d'artillerie au point que les Russes ne puissent plus les remplacer est aussi vaine que l'idée de vider la mer à la petite cuillère. Mais rien n'est infini (à part la connerie humaine et l'Univers, encore que pour ce dernier, il y a un doute). Les Russes ont certes des dizaines de milliers de pièces d'artilleries qui rouillent un peu partout sur leur immense territoire, mais combien sont encore utilisables ? 10000 ? 5000 ? Moins peut-être ? Difficile à dire.

Une chose est en revanche certaine: une pièce d'artillerie détruire sera remplacée, au mieux, par une pièce d'artillerie plus ancienne. Voire pas remplacée du tout. De même, si les artilleurs se font tuer lorsque la pièce est détruite, ils seront remplacés, au mieux, que par des conscrits sans expérience. Donc la stratégie d'attrition ukrainienne aura pour résultat une baisse qualitative (et probablement aussi quantitative) de l'artillerie russe. De plus, le remplacement n'est pas instantané. Il faut sortir la pièce de la réserve. Changer certaines pièces. L'amener au front. Tout cela impose des contraintes supplémentaires sur la logistique, qui reste le point faible des Russes.

Mais cela va-t-il réussir ? Difficile à dire avec les données imprécises que nous avons. Il faudrait connaître le nombre exact de pièces que les Russes ont actuellement sur le front, leur production (que ce soit des pièces neuves ou des pièces sorties des réserves), et bien sûr le nombre de pièces détruites par les Ukrainiens. Quoi qu'il en soit, on n'arrivera jamais à un point où les Russes n'auront plus de pièces d'artillerie en Ukraine. Mais on peut arriver à un point où l'artillerie russe, par manque de pièces modernes et d'hommes formés, n'est plus capable de repousser les assauts ukrainiens. Est-ce possible d'atteindre ce point avant l'hiver prochain ? Je ne me risquerai pas à faire une prédiction.

Et si je parle beaucoup d'artillerie, il faut noter que les Ukrainiens visent aussi les MLRS, les systèmes anti-aériens, les camions et les "équipements spéciaux", pour reprendre ainsi les catégories des chiffres publiés quotidiennement par les Ukrainiens. Or, cette dernière catégorie, si elle est "fourre-tout" au point qu'on ne sait pas vraiment ce qui est détruit, englobe des équipements cruciaux et plus difficilement remplaçables que les pièces d'artillerie: radars, équipements de brouillage électronique, etc. Le rapport RUSI notait que les Russes ont 1 système majeur de brouillage tous les 10km. Ce qui veut dire: en tout, 100 systèmes sur tout le front de 1000km. Or, les Ukrainiens disent détruire plus de 100 équipements spéciaux par mois depuis Mai. Alors certes, il faut "corriger" les chiffres annoncés (en réduisant d'un tiers, voire de la moitié), et tous les équipements spéciaux détruits ne sont pas des systèmes de brouillage. Mais l'attrition semble suffisamment forte pour que progressivement, il y aura de plus en plus de "trous" dans la défense anti-drones des Russes. Et cela ouvrira autant de possibilités d'attaque pour les Ukrainiens.

Enfin, il y a un dernier facteur, très important, à prendre en compte, dans la réussite possible de cette stratégie d'attrition: sa discrétion. Contrairement à la reprise de territoire, qui est très "visible" au point que le moindre changement (prise d'un village ou d'une colline) fait désormais l'objet de dizaines de vidéos Youtube et d'articles dans les journaux, l'attrition passe presque inaperçue. Alors certes, les militaires ont les rapports de terrains, où ces pertes apparaissent. Mais compte tenu de la "culture du mensonge" très présente en Russie, ces rapports sont souvent exagérés voire carrément faux. Un commandant sur le terrain va peut-être ne pas déclarer de pertes pour faire apparaître un bilan plus positif. A l'inverse, si le commandant fait remonter l'information, les échelons supérieurs vont peut-être penser qu'il ment ou exagère le problème pour obtenir d'avantage d'équipement.

Autrement dit, il est possible que les Ukrainiens vont parvenir à un point où les Russes, sans avoir perdu beaucoup de terrain, seront tellement affaiblis qu'ils seront dans un état de "KO debout" et que l'état-major russe ne s'en rend compte que trop tardivement. Que se passera-t-il si on arrive à ce point ?


Les buts de la "véritable contre offensive"



Admettons que la stratégie d'attrition réussisse et que, début septembre, l'Ukraine dispose de 60 brigades bien entraînées, capables de mener des actions offensives efficaces, y compris contre un ennemi retranché, et que en face les Russes ont bien moins de pièces d'artillerie, de DCA, etc. NB: Je me place ici dans un cadre idéal, hypothétique. Ce n'est probablement pas ainsi que ça se passera réellement.

Cela changera-t-il fondamentalement la donne ? Les champs de mines et les fortifications russes seront toujours là (et peut-être même plus abouties que maintenant). L'aviation russe sera toujours une menace. Il y aura toujours autant de chaire à canon dans les tranchées. La nécessité de percer les lignes russes sera d'autant plus pressante qu'il y aura moins de temps pour attendre les objectifs opérationnels avant le retour de la saison des pluies.

Mais cette percée se fera face à des forces russes affaiblies, et les Ukrainiens disposeront de quelques avantages, en premier lieu la "supériorité des feux". Non seulement ils disposeront d'un avantage quantitatif en artillerie, mais surtout, l'avantage qualitatif leur permet de neutraliser facilement l'artillerie russe restante: si celle-ci ouvre le feu, il lui faut 10 coups avant d'ajuster sa cible, tandis que le tir de contre-batterie (CAESAR ou autre pièce de précision) n'a besoin que d'un coup ou deux pour neutraliser la pièce russe. Et l'efficacité de l'artillerie ukrainienne est démultipliée par l'usage de drones permis par le manque d'équipement anti-drones chez les Russes.

Or, les drones ont une utilité qui dépasse largement la simple correction des tirs d'artillerie. Des vidéos et témoignages ont montré que les Ukrainiens (et aussi Wagner) utilisent les drones pour guider l'infanterie d'assaut, les prévenir de la position de chaque fantassin ennemi. On a vu aussi les Ukrainiens utiliser des drones pour larguer des grenades pile au milieu d'une tranchée qu'ils attaquaient aussi avec de l'infanterie. De fait, si on en juge par ces exemples, les tranchées semblent n'offrir qu'une protection faible quand l'attaquant dispose de drones pour appuyer l'infanterie d'assaut.

Ce qui ne signifie pas que l'attaque des positions retranchées se fera sans problème: il reste à régler le problème des mines (les Ukrainiens savent se montrer inventifs), de l'aviation (comme le dit Michel Goya, il faudra probablement dégarnir les ville pour défendre le front), etc. Mais si l'artillerie russe est neutralisée et si les tranchées peuvent être nettoyées rapidement grâce aux drones, le reste des fortifications ne sera plus "battu par les feux" et pourra être franchi bien plus rapidement, d'autant plus rapidement que les troupes d'assaut auront appris les bonnes pratiques (cf plus haut).

Maintenant, la question est : où attaquer ? Et c'est là tout l'intérêt de la stratégie d'attrition: elle affaiblit globalement tout le front russe. Même si j'imagine que les buts principaux resteront les mêmes (couper les axes logistiques russes), on peut imaginer aussi d'autres choses, mais qui dépendront au final du succès de la campagne d'attrition:
  • si elle est totale, les Ukrainiens pourraient même imaginer prendre des objectifs qui semblent actuellement hors de leur portée, comme Donetsk (la ville)
  • si elle est partielle, les Ukrainiens devront se contenter d'attaquer là où les Russes sont faibles, si possible avec pour objectifs de couper au moins un axe logistique
  • si c'est un échec, alors il n'y aura pas d'attaque, ou alors une attaque pour prendre un seul objectif, moins ambitieux militairement mais très symbolique : Bakhmut


Une dissonance cognitive ?


Je m'arrête une seconde. Je suis en train de dire, sans aucune preuve, que (je caricature ici mes propos, ce n'est pas un résumé):
  1. Les Ukrainiens ont une stratégie d'attrition à long terme qui est en train de réussir
  2. Les attaques menées actuellement dans le sud et à Bakhmut ne sont pas destinées à percer le front (et ne cherchent même pas à le faire), mais à accroître l'attrition en attirant les Russes hors de leurs lignes les mieux fortifiées et à expérimenter de nouvelles techniques d'assaut qui (grâce notamment aux enregistrements vidéos) peuvent être enseignées aux brigades tenues en réserve
  3. Le véritable potentiel d'assaut ukrainien est toujours à l'arrière et, le moment venu, se mettra en action pour balayer les lignes russes.

Cela ressemble très fortement à ce que les pro-russes disaient pendant l'offensive d'hiver: "Les Russes grignotent les Ukrainiens qui ont des pertes considérables" "500 000 Russes s’entraînent à l'arrière et balayeront ensuite les Ukrainiens". On sait ce qu'il est advenu: échec de l'offensive, pertes russes gigantesques, et, comme on l'a vu avec les incursions en Russie de Wagner et des anti-poutine, les forces russes qui sont encore en Russie sont squelettiques. Ne suis-je pas en train de reproduire les mêmes erreurs que les pro-russes ?

C'est possible. J'ai quand même, à défaut de preuves, quelques raisons de croire ce que je dis:
  1. la stratégie d'attrition est visible sur les chiffres donnés par le ministère de la défense ukrainien, avec une tendance qui remonte à mars 2023; et ces chiffres ont été, pendant plus d'un an, relativement fiables
  2. si le 1) est vrai, alors le 2) fait sens et explique ce qui semble être une erreur grossière du commandement ukrainien
  3. on a quand même des preuves de l'existence des brigades ukrainiennes qui sont à l'arrière (liste d'équipements fournis par l'OTAN, images d'entraînement, etc) tandis que les pro-russes se fondaient uniquement sur des notions comme le "nombre théorique d'hommes mobilisables en Russie" ou sur les déclarations (notoirement mensongères) des officiels russes

Mais j'admets que je suis peut-être en pleine dissonance cognitive: comme je ne peux pas admettre que les Ukrainiens reproduisent les mêmes erreurs que les Russes (dispersion des forces, stratégie basée sur l'attrition, erreurs tactiques), je suis en train d'imaginer toute une théorie qui "prouve" qu'en fait tout se déroule selon un plan génial du haut commandement ukrainien. C'est même probable qu'il s'agit d'une erreur ukrainienne plutôt qu'un coup de génie, car l'erreur est bien plus banale que le génie.

Mais jusqu'à présent, le haut-commandement ukrainien s'est montré plutôt bon, et même ce qui a pu apparaître comme "mauvais" et/ou "coûteux en vies humaine (comme la défense de Bakhmut et de Severodonetsk) ont eu au final des effets stratégiques bénéfiques. De même, quand à l'été 2022 Zelenski annonçait la contre offensive dans le sud, ce qui pouvait paraître comme une erreur que d'annoncer ses plans à l'avance s'est révélé être une ruse qui a permis la percée de Kupyansk.

Est-ce vraiment délirant d'imaginer que, une fois de plus, ce qui nous apparaît comme une erreur grossière est en fait un plan stratégique mûrement réfléchi ?


Conclusion: vers un effondrement généralisé de l'armée russe ?



En résumé, je pense que les actions offensives que les Ukrainiens mènent actuellement font partie d'une "préparation active" et ont pour buts, à défaut de percer les lignes russes:
  1. de favoriser le travail de contre-batterie et s’inscrivent donc dans une stratégie d'attrition à long terme (qui a commencé en mars 2023) visant spécifiquement certains types d'équipement
  2. d'expérimenter de nouvelles méthodes d'assaut adaptées à l'environnement de cette guerre (notamment la présence des drones) et d'améliorer la formation des nouvelles brigades en fournissant des exemples (vidéos) de choses à faire / à ne pas faire

C'est pourquoi les progrès ne sont pas visibles sur les cartes (peu de terrain repris); le but de cette phase de préparation est de lancer une "véritable" offensive au moment où les Russes seront dans une situation de "KO debout": c'est à dire que leur défense, en apparence solide (peu de terrain cédé, toujours du monde dans les tranchées, toujours des blindés etc) sera considérablement affaiblie par manque d'artillerie précise, de radars et d'équipement de guerre électronique).  Pour mesurer les progrès ukrainiens, il ne faut pas compter les km2 repris mais plutôt surveiller, dans les chiffres du ministères de la défense ukrainiens, les catégories suivantes: artillerie/MLRS, DCA, équipements spéciaux. Cette dernière catégorie, bien qu'étant fourre-tout et donc difficilement interprétable, regroupe l'équipement qui est le plus critique.

Cette stratégie peut échouer: tout dépend de la vitesse de remplacement du matériel par les Russes. Mais si elle réussit, l'armée ukrainienne sera en mesure de percer le front, potentiellement à plusieurs endroits à la fois, et de remporter une victoire décisive. Je rejoins donc un peu l'avis de Guillaume Ancel et Michel Goya, à quelques nuances près:
  • je pense que c'était la stratégie prévue dès le départ, pas un "plan B, faute de percer"
  • je pense que cette stratégie vise des équipements spécifiques: il y aura toujours des soldats, des blindés, et même des pièces d'artillerie (bien que plus anciennes et moins précises) côté russe; seulement, les défenses seront affaiblies par manque de radar, stations de brouillage etc, permettant aux Ukrainiens d'utiliser notamment l'appui tactique des drones pour mener des attaques efficaces
Et comme le dit le Colonel Goya: il faudra des obus. Beaucoup d'obus. Déjà pour tenir le rythme jusqu'au point du "KO debout". Ensuite pour pouvoir exploiter pleinement les faiblesses russes.


Mais dans l'ensemble, je pense qu'une victoire est possible et que l'offensive se déroule plus ou moins comme les Ukrainiens l'avait prévu. Cela ne veut pas dire que tout se passe bien et que les Ukrainiens n'ont commis aucune erreur: par exemple ils se seraient bien passés du "fiasco des Bradleys" dans les premiers jours. Mais je pense (du moins je l'espère) qu'ils apprennent de leurs erreurs et seront en mesure, d'ici septembre, de lancer toutes leurs forces dans la bataille pour remporter la victoire.

Je précise que ceci n'est que mon opinion (qui n'est visiblement pas partagée par les experts militaires, ce qui veut probablement dire que j'ai tort, n'en déplaise au syndrome de Galilée), que je n'ai que peu de preuves pour appuyer ma théorie. Peut-être que je suis simplement en train de chercher à donner du sens à un plan d'attaque ukrainien qui est absurde. Peut-être que les Ukrainiens ont simplement précipité leur attaque et qu'ils se montrent actuellement incapables de réviser leur plans voués à l'échec. Mais les Ukrainiens nous ont suffisamment surpris durant cette guerre pour qu'on leur fasse confiance pour avoir raison envers et contre tout.


Je fais donc un pari: je parie sur l'intelligence et la compétence du haut-commandement ukrainien, je parie sur la capacité d'adaptation des Ukrainiens, je parie au final sur leur victoire. Désolé d'avoir été si long, merci de m'avoir lu jusqu'au bout. Slava Ukraini !

12 commentaires:

  1. J'ai enfin pu lire votre analyse. Je ne partage pas vos conclusions, et je vais vous dire pourquoi, mais au moins vous dites clairement quelle sont les étapes de votre raisonnement, et exposez les critiques que l'on pourrait y apporter. Votre idée est que les Ukrainiens cherchent l'attrition des forces russes. Il est fort possible que vous ayez raison, mais il me semble que ce serait une erreur de la part du commandement ukrainien.

    Le col BAUD dit depuis le début que le but des Russes n'est pas de conquérir, du moins au début, des territoires, mais de miner la capacité militaire ukrainienne en laminant son potentiel humain. Un autre expert suisse, WICHT, dit la même chose en rappelant que c'est une constante de la pensée militaire russe. Il est possible que, les cadres ukrainiens ayant culturellement baigné dans des conceptions russes, appliquent le même schéma mental. Et donc que vous voyez correctement percé la manière de penser de l'armée ukrainienne.

    Mais je ne partage pas votre conclusion. L'Ukraine est un pays plus petit et moins industrialisé, surtout depuis la perte du Dombass, que la Russie (https://www.csis.org/analysis/russia-isnt-going-run-out-missiles). A priori, je ne vois pas que le faible puisse gagner à long terme en visant l'attrition du fort. Cela me semble, à première vue et sous réserve d'explications convaincantes, une stratégie fort risquée. Je rappelle aussi que l'Ukraine a reçu de l'armement dont la valeur totale fait que cette armée dispose du troisième budget militaire du monde entier, après les USA et la Chine... Je ne suis pas certain qu'après un tel effort financier, les sponsors vont apprécier qu'on leur dise: merci de nous avoir donné tant de moyens aussi formidables, mais en fait, on va scier la branche russe avec une lime à ongles à deux balles !

    Dernier point, le col GOYA entrevoit la possibilité, mais pas encore la certitude, d'un échec ukrainien sur les défenses russes d'ici la prochaine rasputitza, ce qui renverrait le prochain round à l'été 2024. Cela me rappelle la situation de pat stratégique créé par Périclès face aux Spartiates. Les armées spartiates ne pouvaient sortir du Péloponnèse que pendant six semaines en été. Les Athéniens avaient construit les Longs Murs entre Athènes et son port le Pirée, un ouvrage inexpugnable pour les moyens de l'époque. Conclusion: faute de pouvoir prendre d'assaut la ville, les Spartiates, se contentaient de ravager les campagnes d'Attique, abandonnées par la population réfugiée dans l'enceinte athénienne. Les Spartiates ont dû répéter trois ou quatre fois le mouvement avant de changer de tactique. Re-piège de Thucydide ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne vois pas bien l'intérêt d'opposer le Col Baud aux réflexions de l'auteur, puisque, précisément c'est le but de l'article d'indiquer qu'il est en contradiction avec certains analystes et de dire en quoi. D'autant plus quand l'analyste cité est connu pour sa médiocrité.

      Mais c'est juste une remarque en passant.

      Je voulais relever une contradiction. On ne peut pas soutenir à la fois que "...que le faible puisse gagner à long terme en visant l'attrition du fort." en précisant que "l'Ukraine a reçu de l'armement dont la valeur totale fait que cette armée dispose du troisième budget militaire du monde entier, après les USA et la Chine..." (affirmation discutable par ailleurs).

      Que l'Ukraine soit moins peuplée et industrialisée que la Russie est une évidence. Que l'aide alliée, que vous reconnaissez massive, ne la dote que "d'une lime à ongle à deux balles" demande à être argumenté.

      Supprimer
    2. Comme je l'ai précisé y compris dans la conclusion, il est possible, et même probable que je me trompe. Cela dit, si Baud, un type qui s'est trompé de À à Z sur ce conflit, n'est pas d'accord avec moi, c'est plutôt bon signe.

      Quant à l'aide militaire à l'Ukraine, les Ukrainiens font des merveilles avec le peu d'armes qu'on leur donne, pour les occidentaux c'est l'usage le plus "rentable" de leur budget. Si vous voulez des exemples de dépenses militaires qui n'ont servi à rien, regardez plutôt du côté de l'Irak ou l'Afghanistan.

      Mais tout ça, vous le savez déjà, car vous avez déjà employé cet argument, qui a déjà été réfuté. Plusieurs fois même. Je n'ai pas envie de passer mon temps à réfuter encore et encore les arguments fallacieux auxquels on a déjà répondu ailleurs, ni à vous voir justifier les pires saloperies. Donc à partir de maintenant, si vous persistez dans votre entreprise de désinformation, ce sera la suppression directe. A commencer par votre message où vous donnez votre avis sur les armes à sous munitions.

      A bon entendeur, salut.

      Supprimer
  2. Bonjour,
    Je ne dispose d'aucune compétence militaire donc mon opinion ne vaut pas plus que ce qu'elle est mais je partage votre analyse et je salue votre travail d'analyse et de synthèse
    Comme vous avez pu le lire je suis très écoeurée de cette décision sur les armes à sous munitions. Je ne reviendrais pas dessus mais par contre j'essaie de comprendre le sens de cette décision et du discours qui l'accompagne, notamment sur le manque d'obus. Il ne me paraît pas crédible faute de données chiffrées. Finalement la seule explication plausible que j'ai entendu (sur LCI de mémoire hier) serait que les ukrainiens craignent une contre attaque russe par le nord ce qui ne serait pas stupide car c'est un front qui devrait être plus facile à ravitailler car contigu au territoire russe ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

      Supprimer
    2. Bonjour,

      Sur le principe, je suis d'accord avec vous. Les armes à sous munitions sont vraiment des saloperies qui devraient être interdites.

      Mais en pratique, le terrain où les Ukrainiens les emploiront est déjà fortement miné. Donc ça ne changera pas grand chose à une situation déjà horrible.

      Et si ça permet d'écourter, ne serait-ce que d'un mois, un conflit où chaque jour les Russes posent plus de mines et envoient des missiles sur les civils, alors la position humaniste est d'approuver l'usage de ces armes terribles.

      Supprimer
  3. @TLG: je n'ai rien contre l'utilisation d'armes terribles. Il me semble que les Russes les utilisent déjà. Ma remarque portait sur un autre point: la montée aux extrêmes ou l'expression anglaise a tit for a tat. Tu m'ennuies avec tes fortifications, donc je t'envoie des obus à sous-munitions en réponse, pour accélérer la fin de la guerre. Sauf que le gars en face ne veut pas céder, et augmente la pression de son côté (avec quoi, je n'en ai aucune idée,mais je fais confiance aux Russes pour trouver quelque chose dans leur arsenal). La question n'est donc plus celle de l'éthique, mais de la logique: qui le premier va cligner des yeux et poser les cartes sur la table, et quel est le niveau de violence nécessaire pour y parvenir ? On n'a as encore atteint ce point.

    RépondreSupprimer
  4. Aucune confiance dans les Suisses sur la stratégie militaire … par définition leur neutralité les conduisent à n avoir aucune expérience du réel des combats. Ah oui également leur aviation sera bientôt composée essentiellement de simulateurs de F35. Je leur concède à la limite qu en terme de guérilla défensive sur leur pays ils pourraient éventuellement faire le job.

    RépondreSupprimer
  5. C'est un des "défauts" de l'armée suisse, même si ici le terme défaut peut se discuter, de n'avoir pas d'expérience pratique du combat. Cela dit, le vrai but d'une armée défensive est de dissuader une autre armée de l'attaquer, non de servir sur le terrain (même si en dernière analyse elle doit effectivement servir à cela). Cela dit, l'armée française, depuis 1918, n'a plus vraiment gagné de guerre, si je ne m'abuse. Elle a participé au second conflit mondial avec une armée de poche représentant moins de 1% des effectifs alliés, perdu l'Indochine et l'Algérie. Elle a participé comme supplétive à la première guerre d'Irak, gagnée, mais contre son ancien allié arabe (donc, plutôt une défaite politique...) et elle a dû quitter le Mali et l'Afghanistan, dans les bagages de l'armée US. Donc, je ne suis pas certain que d'avoir des contingents sous le feu rende une armée plus efficace. Mais peut-être me détromperez-vous ?

    Pur le reste, je ne suis pas certain que le F35 soit la meilleure acquisition possible pour notre armée de l'air, je vous le concède.

    RépondreSupprimer
  6. Quelques explication techniques sur la traversée des lignes de fortification russes: https://www.wsj.com/video/why-ukraine-is-struggling-to-puncture-russias-formidable-defenses/8ADA4C1F-0418-43CF-B08A-6EBE0A657F3A.html?mod=hp_lead_pos7

    RépondreSupprimer
  7. Un article intéressant de François HEISSBOURG sur une "option ADENAUER" pour modeler la fin du conflit: https://www.iiss.org/online-analysis/survival-online/2023/072/how-to-end-a-war-some-historical-lessons-for-ukraine/

    RépondreSupprimer
  8. Un autre article de M. AUDRAND sur le duel d'artillerie en cours: https://theatrum-belli.com/centre-de-gravite-reflexions-autour-de-loffensive-ukrainienne-de-2023-episode-2/ Je ne suis pas certain qu'une guerre d'attrition menée du faible au fort soit une bonne stratégie, mais on verra bien.

    RépondreSupprimer

L'armée ukrainienne manque-t-elle d'hommes ?

Ces derniers temps, on lit souvent, dans la presse, que l'armée russe est "en supériorité numérique" et que l'armée ukrain...