samedi 18 novembre 2023

Le sabotage de NordStream

Ceci est une réaction à l'article d'Arret sur Image, qui commente lui-même la publication de l'enquête publiée dans le Spiegel et dans le Washington Post.


Allons bon. Ce serait les Ukrainiens, maintenant ? Et dire que Seymour-le-mytho nous avait juré que c'était les Américains et les Norvégiens (bobard gobé par pas mal d'asinautes au passage).


Cette histoire de 6 personnes à bord d'un voilier qui sabotent des pipeline à 80m sous l'eau, comment dire... Si vous vous connaissez un peu en plongée sous-marine, vous vous dites que ce n'est pas très vraisemblable. Quand cette histoire était sortie dans le Spiegel, les experts pointaient du doigt tout ce qui mettait à mal cette histoire: pas de chambre de décompression, quantité d'explosif nécessaire bien trop important, etc.

Donc, maintenant que l'histoire est republiée par le Washington Post, y a-t-il des éléments nouveaux qui lui donnerait un minimum de crédit ? ASI n'en dit pas un mot. Et, d'après ce que j'en ai lu, il n'y en a pas. Que l'histoire soit publiée dans le Washington Post ne la rend pas plus crédible, une histoire bidon reste une histoire bidon, où qu'elle soit publiée.


Mais si vous voulez savoir qui a fait le coup, disons que toutes les pistes vont dans une certaine direction.


Rappelons les faits:

En août-septembre 2022, Poutine était encore persuadé qu'il pourrait faire plier les Européens en leur coupant le gaz. Gazprom multipliait donc les prétextes bidons pour procéder à des coupures "techniques" de Nord Stream. Cependant, le contrat les obligeait à livrer le gaz, et par exemple Uniper réclame 11 milliards à Gazprom pour non-livraison de gaz. Il fallait donc au Russes un moyen "indépendant de leur volonté" pour couper la fourniture de gaz. Genre, la destruction des tuyaux par un acteur inconnu.


Les saboteurs n'ont d'ailleurs pas fait les choses au hasard. En effet, il y a 4 tuyaux: 2 pour Nord Stream 1, 2 pour Nord Stream 2. Les deux tuyaux de NS1 fonctionnaient. Les 2 tuyaux de NS2 étaient fonctionnels mais non utilisés en raison du blocage administratif par l'Allemagne, qui a refusé leur mise en service après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022.

Il y a eu 4 explosions; mais seulement 3 des 4 canaux ont été sabotés: les deux de NS1 et un de NS2. Autrement dit, les saboteurs auraient pu tout détruire, mais ont délibérément laissé un tuyaux de NS2 fonctionnel. Pourquoi ? En gardant un des tuyaux ouvert, ils disent à l'Allemagne: "C'est votre dernière chance d'avoir notre gaz, mais pour ça il faudra vous humilier et revenir sur votre décision de ne pas utiliser NS2". Une bonne grosse méthode de mafieux.


Poutine voulait donc couper le gaz aux européens, les menacer (en montrant que leurs autres gazoduc pourraient être vulnérables) et forcer les allemands à rouvrir NordStream2. Voilà les raisons, pour Poutine, de faire sauter les gazoducs.


Voilà pour les motivations. Qu'en est-il des moyens ? Vu la profondeur de l'eau aux endroits sabotés, ce devait être fait par des spécialistes disposant de moyens conséquents. Or, un navire de guerre russe a été photographié sur les lieux 4 jours avant les explosions. Le navire photographié, c'est le SS-750, un navire militaire spécialisé dans les opérations sous-marines. Il a non seulement une grue, mais aussi un mini-sous marin, bref tout ce qu'il faut pour effectuer le sabotage. C'est autre chose que 6 personnes sur un voilier...


Maintenant, il y a une, ou plutôt 3 enquêtes en cours (Allemagne, Danemark, Suède, et si les résultats ne sont pas publics, on peut penser qu'ils ont une idée du coupable et regarder ce qu'ont fait les trois pays concernés depuis septembre 2022:


  • l'Allemagne a considérablement augmenté son aide militaire à l'Ukraine et est désormais le 2ème plus gros contributeur (derrière les USA, devant la GB). Cette semaine, ils ont encore annoncé un doublement de leur aide, passant à 8 milliards pour l'an prochain.
  • le Danemark triple son aide militaire à l'Ukraine et a pris la tête (avec les Pays-Bas, qui n'ont pas oublié l'attentat contre le MH17) de la coalition pour fournir des F16 à l'Ukraine
  • la Suède a équipé et entrainé une brigade complète ukrainienne (alors qu'elle ne fait pas encore partie de l'OTAN et est théoriquement neutre)


Il semble que tous les pays concernés par ce sabotage ont une dent contre la Russie. Pas contre les Etats-Unis, ni contre l'Ukraine. Ca en dit long sur qui ils soupçonnent réellement d'être responsable du sabotage.

jeudi 2 novembre 2023

Contre-offensive ukrainienne : bilan du mois d'octobre

Comme précédemment, voici un petit bilan du mois d'octobre, à mettre en perspective avec les constats que j'avais fait fin juin, fin juillet, fin août et fin septembre.

Une fois de plus, le front n'a quasiment pas bougé malgré l'intensité des combats. Mais surtout, ce qui a marqué le mois d'octobre est la reprise de l'offensive Russe, notamment dans le secteur d'Avdivka. Avec comme principale conséquence un niveau record des pertes russes.

 

Des pertes record


Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: Artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les chiffres mensuels habituels (c'est-à-dire jusqu'à février 2023) puis les chiffres de mars > avril > mai > juin > juillet > août > septembre > octobre 2023

  • Artillerie (de 100 à 200/mois): 290 (mars) > 238 (avril) > 553 (mai) > 688 (juin) > 677 (juillet) > 691 (août) > 947 (septembre) > 873 (octobre)
  • MLRS (de 10 à 65/mois): 48 (mars) > 17 (avril) > 31 (mai) > 57 (juin) > 67 (juillet) > 36 (août) > 63 (septembre) > 47 (octobre)
  • DCA (de 5 à 40/mois): 32 (mars) > 16 (avril) > 38 (mai) > 56 (juin) > 73 (juillet) > 38 (août) > 37 (septembre) > 25 (octobre)
  • Équipement Spécial (de 10 à 30/mois): 66 (mars) > 63 (avril) > 99 (mai) > 122 (juin) > 138 (juillet)  > 113 (août) > 102 (septembre) > 84 (octobre)

 

On voit donc que ces chiffres sont en légère baisse. Mais cette baisse est plus que compensée par les pertes russes en blindés et chars qui atteignent un niveau stratosphérique (ce qui doit être aussi l'altitude atteinte par leurs tourelles de chars), en particulier autour d'Avdivka. Septembre 2023 avait déjà été largement un record en terme de matériel terrestre (tous types confondu): 2600 équipements perdus en septembre, loin des 2200 du mois de mars 2022. Octobre 2023 affiche plus de 3000 équipements terrestres détruits et pulvérise ce record qui n'a donc duré qu'un mois. Ce sont des pertes énormes, et qui sont (du moins pour ce qui concerne les blindés et les chars) en grande partie  confirmées par Oryx. Si bien que, si on compte depuis début juin, on est remonté à un rapport de 2:1 pour les pertes confirmées, et même à du 3,5:1 si on ne tient compte que du mois d'octobre.

De plus, l'arrivée des ATACMS en Ukraine a finalement permis aux ukrainiens de taper efficacement les aéroports d'où partent les hélicoptères russes, et la première utilisation de ces ATACMS a fait un carnage: on parle d'une quarantaine d'hélicoptères détruits/ endommagés, au minimum. Cela prive l'armée russe d'une des armes qui lui avaient permis de repousser les blindés ukrainiens cet été.

Les pertes humaines russes sont elles aussi catastrophiques du fait des "assauts de viandes" lancés par les Russes pour avancer un peu. Le résultat est une boucherie, mais Poutine est content: ses troupes ont pris du terrain et les Ukrainiens sont sur la défensive. Et c'est là tout le paradoxe de ce mois d'octobre: alors que ce mois montre que l'Ukraine gagne la guerre d'attrition, la quasi totalité des commentaires sont pessimistes sur les chances de l'Ukraine, voire même défaitistes. Pourquoi ?


Avdivka = nouveau Vuhledar ou nouveau Bakhmut ?


La première raison est que, malgré les pertes, les Russes ont quand même réussi à avancer autour d'Avdivka, et menacent sérieusement la seule ligne d'approvisionnement de la ville. Or cette ville-forteresse est un des verrous qui tiennent le front du Donbas, et sa perte serait douloureuse pour l'Ukraine.

La situation n'est cependant pas désespérée, et les Ukrainiens peuvent encore rétablir la situation à condition qu'ils disposent de réserves de troupes et surtout de munitions. Mais les ont-ils ? Le fait que la 47e brigade (bien démolie par ses assauts dans le sud) aient été rappelée en renfort n'est pas de bon augure. Les Ukrainiens manquent-ils de réserves à ce point ?

Toujours est-il qu'à l'heure actuelle, les Russes n'ont pas réussi leur attaque et on laissé sur le carreau des milliers d'hommes et de véhicules blindés. S'ils peuvent continuer leurs assauts sans que les Ukrainiens ne puissent riposter, alors Avdivka deviendra un nouveau Bakhlut (en pire); mais si les Ukrainiens arrivent à rétablir la situation, alors Avdivka sera une défaite russe bien pire que leur précédente défaite à Vuhledar.

Surtout, outre le sort de la ville, c'est le fait que les Russes semblent avoir assez de ressources à gaspiller qui est déprimant. Les ressources russes sont-elles infinies ? Sur ce dernier point, la réponse est clairement : "non". Et s'ils ont perdus autant de troupes et de matériel, ça ne veut pas dire qu'ils en disposent encore beaucoup en réserve, il ne faut pas supposer que les Russes utilisent leurs ressources de manière rationnelle. De fait, une telle quantité d'hommes et de munitions auraient posé beaucoup plus de problèmes aux Ukrainiens si les Russes s'étaient contentés de rester sur la défensive.


Le soutien international faiblit

 

Le plus préoccupant, plus que les offensives russes, ce sont des évènements indépendants de la volonté des Ukrainiens mais qui assombrissent néanmoins leur avenir:

  1. la reprise du conflit israelo/palestinien qui détourne l'attention médiatique, et possiblement les fonds et les munitions, de l'Ukraine
  2. la victoire de Robert Fico (un populiste poutiniste) en Slovaquie
  3. les manoeuvres des trumpistes aux USA

 

Ces trois événements mettent en danger le soutien international à l'Ukraine, alors qu'il est plus que jamais nécessaire. Les USA et l'UE semblent ne pas être à la hauteur des enjeux de cette guerre, et les dirigeants politiques occidentaux ne semblent pas à la hauteur. Il est triste de voir que dans les faits, la Corée du nord apporte un soutient plus massif à la Russie (on parle de plusieurs centaine de milliers d'obus, de canons, etc) que l'Occident ne le fait à l'Ukraine.

C'est sur ce dernier point qu'il faut insister: l'occident doit passer à la vitesse supérieure. Il en va de l'avenir des Ukrainiens, mais aussi du notre. Tout le monde dit qu'il ne faut pas laisser la Russie gagner. Mais personne ou presque n'ose prendre les mesures qui s'imposent: décupler la production militaire, augmenter tant en quantité qu'en qualité les livraisons de matériels, quitte à accepter d'affaiblir nos armées actives. Mais surtout, il faut des obus, des munitions,  des drones FPV, etc dans un volume proportionné aux besoins des Ukrainiens et à l'importance de cette guerre.






L'armée ukrainienne manque-t-elle d'hommes ?

Ces derniers temps, on lit souvent, dans la presse, que l'armée russe est "en supériorité numérique" et que l'armée ukrain...