lundi 4 décembre 2023

Contre-offensive ukrainienne : bilan du mois de novembre

Comme précédemment, voici un petit bilan du mois de novembre, à mettre en perspective avec les constats que j'avais fait fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre et fin octobre.

Une fois de plus, le front n'a quasiment pas bougé malgré l'intensité des combats (une phrase qu'il faut hélas répéter chaque mois ou presque). Les avancées russes sont faibles, mais menacent Avdiivka et il semble aussi que la longue bataille pour la ville de Marinka touche à sa fin (les Russes occupant les dernières ruines de ce cette ville entièrement rasée). Les avancées ukrainiennes (sur la rive gauche du Dnipro, et devant Horlivka) restent anecdotiques.

 

 

Des pertes russes, encore des pertes russes, toujours des pertes russes

Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: Artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les chiffres mensuels habituels (c'est-à-dire jusqu'à février 2023) puis les chiffres de mars > avril > mai > juin > juillet > août > septembre > octobre  > novembre 2023

  • Artillerie (de 100 à 200/mois): 290 (mars) > 238 (avril) > 553 (mai) > 688 (juin) > 677 (juillet) > 691 (août) > 947 (septembre) > 873 (octobre) > 682 (novembre)
  • MLRS (de 10 à 65/mois): 48 (mars) > 17 (avril) > 31 (mai) > 57 (juin) > 67 (juillet) > 36 (août) > 63 (septembre) > 47 (octobre) > 66 (novembre)
  • DCA (de 5 à 40/mois): 32 (mars) > 16 (avril) > 38 (mai) > 56 (juin) > 73 (juillet) > 38 (août) > 37 (septembre) > 25 (octobre) > 39 (novembre)
  • Équipement Spécial (de 10 à 30/mois): 66 (mars) > 63 (avril) > 99 (mai) > 122 (juin) > 138 (juillet)  > 113 (août) > 102 (septembre) > 84 (octobre) > 108 (novembre)

Il y a donc une petite baisse (notamment en artillerie, les trois autres catégories étant en  augmentation), mais ces chiffres restent considérables. Si, question matériel, les Russes ont perdu légèrement moins qu'en septembre et octobre (mais plus que durant chaque autre mois de 2023), en revanche, pour les pertes humaines, c'est un record: 28 550 Russes éliminés pour le seul mois de novembre. Il faut bien entendu prendre les chiffres ukrainiens avec quelques pincettes (je considère  qu'une estimation raisonnable se situe approximativement entre 50 et 65% des chiffres annoncés par l'Ukraine), mais les pertes matérielles recensées par Oryx continuent d'afficher un ratio favorable aux Ukrainiens:  2,2:1 pour les pertes depuis le début de la contre-offensive, et même près de 4:1 si on ne tient compte que du mois de novembre.

Globalement, cela reste un très mauvais mois pour les Russes en ce qui concernent leur pertes. Les Ukrainiens poursuivent donc avec succès leur stratégie d'attrition des forces russes pour les priver de leurs moyens de résister à la contre-offensive ukrainienne.



Faut-il toujours parler de contre-offensive ukrainienne ?

Je parle de contre-offensive ukrainienne. Or, la quasi-totalité des analystes militaires affirment que celle-ci est terminée: l'Ukraine n'avance quasiment plus (notamment là où elle avançait cet été), l'initiative semble être revenue à la Russie, et le haut-commandement ukrainien reconnaît qu'ils ne peuvent pas avancer pour le moment. Je suis d'accord avec ce constat. Seulement, je ferais remarquer que, à part début juin, l'armée ukrainienne n'a quasiment pas repris de terrain. Depuis juillet, l'armée russe est autant voir plus à l'offensive que l'armée ukrainienne. D'où la question: qu'est-ce que la contre-offensive ukrainienne ? Est-elle finie ?

En mars, j'argumentais que, vu le peu de moyens matériels donnés officiellement à l'Ukraine:

  • soit l'Ukraine est vraiment mal et n'aura pas les moyens de contre-attaquer à grande échelle
  • soit les Occidentaux et les Ukrainiens se sont secrètement entendus pour maximiser les chances d'une contre-offensive victorieuse; auquel cas non seulement l'opération "X" sera un succès mais verra probablement la défaite de l'armée russe.

Le second point n'a pas eu lieu: les occidentaux se sont contentés d'un saupoudrage de moyens. Et, d'une certaine manière, le premier point s'est réalisé. Il n'y a pas eu de contre-offensive à grande échelle. Quelques brigades attaquant vers Bakhmut, quelques brigade vers Robotyne, quelques brigades dans la direction "de Berdiansk". Moins de la moitié des nouvelles brigades furent employées durant la contre offensive, le reste étant plutôt dans un rôle défensif, notamment vers Liman et Kupyansk. Soit par manque de moyens, soit par stratégie, et probablement pour ces deux raisons à la fois, le haut commandement ukrainien a mené une contre offensive "a minima" qui n'a guère permis de regagner du terrain.

Mais comme je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises, ce n'était pas le but de la contre-offensive. Le but de l'Ukraine n'est pas de grignoter du terrain, mais de détruire l'armée russe, et en particulier l'artillerie et les moyens de protection contre les drones (systèmes de guerre électronique, radars, systèmes anti aériens etc). C'est une stratégie qu'ils mettent en œuvre depuis  mars 2023 (cf les chiffres plus haut). Cette stratégie a-t-elle cessé ? Les chiffres de destruction du matériel russe sont-ils revenus au niveau de mars 2023 ? Absolument pas! Bien au contraire, ces trois derniers mois ont vu des pertes russes encore plus fortes qu'en juin-juillet-août. De même, les frappes stratégiques, en Crimée et jusqu'au cœur de la Russie, continuent et même ce sont intensifiés ces trois derniers mois (là encore, comparé à juin-juillet-août). Tout indique donc que, malgré les difficultés rencontrées sur le terrain, l'armée ukrainienne tient le cap et continue sa stratégie de contre-offensive.

Aussi, oui, il faut continuer à parler de contre-offensive ukrainienne, car celle-ci est toujours en cours. Et il faut en parler d'autant plus que ça énerve Poutine & compagnie qui décrètent (depuis le 10 juin) que la contre-offensive ukrainienne est terminée.




Pourvu qu'ils tiennent



Cependant, tout n'est pas rose pour l'Ukraine. Comme le mois précédent, c'est hors d'Ukraine que Poutine obtient ses meilleurs succès, sans avoir à tirer un coup de feu:

  • la guerre Israel-Hamas se poursuit, attirant l'attention médiatique (et les financements, et les armes) hors d'Ukraine
  • l'aide militaire des USA est toujours bloquée au congrès, et le speaker de la chambre des représentants fait tout pour la faire passer à la trappe
  • la frontière ouest de l'Ukraine est bloquée par des routiers (soutenus par les gouvernement pro-russe de Hongrie et Slovaquie)
  • le parti arrivé en tête des élections aux Pays-Bas est dirigé par un facho pro-Poutine 
  • l'Europe ne fournit pas autant de munitions qu'annoncées (et ne semble pas faire assez d'efforts pour combler rapidement le manque)

Tout cela est très préoccupant pour l'Ukraine, bien plus que ce que fait l'armée russe. Comme l'explique Perun dans sa dernière vidéo (video fortement recommandée, comme toutes ses autres vidéos), la stratégie (potentiellement gagnante) de Poutine est de pousser les occidentaux à abandonner l'Ukraine. C'est sa seule chance de "gagner" (ou du moins ne pas trop perdre) cette guerre. Son armée se fait massacrer en Ukraine, son économie flanche, mais Poutine pense que s'il tient jusqu'en novembre 2024 et que Trump est élu aux USA, il gagnera. Il compte sur le fatalisme (et la bêtise de certains occidentaux) pour qu'on lui offre sur un plateau ce qu'il est incapable d'obtenir militairement. A nous de lui prouver qu'il a tort.



 

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