dimanche 4 mai 2025

Guerre en Ukraine: bilan du mois d'avril 2025

Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois d'avril 2025, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2023 ainsi que fin janvier, fin février, fin mars, fin avril, fin mai, fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2024, fin janvier, fin février et fin mars 2025.

Une fois de plus, les Russes ont continué leur grignotage des défenses ukrainiennes, mais à un rythme toujours plus faible. Les lignes n'ont quasiment pas bougé tant dans Toretsk et Chassiv Yar, que vers Pokrovsk, et vers Kupyansk. C'est surtout dans le sud, et le sud-est que les Russes ont un peu progressé. De leur côté, les Ukrainiens ont parfois regagné un peu de terrain, mais ça reste souvent anecdotique. Ce mois ci, c'est surtout sur les frappes à longues distance et sur le plan diplomatique que les choses ont été notables.



Explosion dans le 51e arsenal du GRAU, 22 avril 2025


Pertes russes et ukrainiennes

Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: Artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les chiffres mensuels habituels ces derniers mois, ainsi que les moyennes pour la première année (mars 2022 à février 2023), la deuxième année (mars 2023 à février 2024) et la troisième année (mars 2024 à février 2025) puis les chiffres de mars et avril 2025

  • Artillerie 
    • moyenne 1ere année: 190/mois
    • moyenne 2e année: 650/mois
    • moyenne 3e année: 1150/mois
    • 1690 (mars), 1554 (avril)
  • MLRS
    • moyenne 1ere année: 40/mois
    • moyenne 2e année: 43/mois
    • moyenne 3e année: 25/mois
    • 44 (mars), 27 (avril)
  • DCA
    • moyenne 1ere année: 21/mois
    • moyenne 2e année: 37/mois
    • moyenne 3e année: 30/mois
    • 37 (mars), 23 (avril) 
  • Équipements spéciaux
    • moyenne 1ere année: 19/mois
    • moyenne 2e année: 114/mois
    • moyenne 3e année: 181/mois
    • 24 (mars), 82 (avril)
Une fois de plus, ces chiffres sont hallucinants, en particulier ceux concernant l'artillerie. Ces chiffres élevés peuvent s'expliquer par l'évolution des techniques de repérage de l'artillerie russe. D'après le site de Ragnar Gudmundsson, les pertes russes pour le mois de février 2025 se chiffrent à 6 464 véhicules (nouveau record mensuel) et 36 570 hommes.
 
Pour les pertes visuellement confirmées, Oryx compte plus de pertes russes que d'habitude (606 équipements comptabilisé), tandis que les pertes ukrainiennes sont au même niveau que le mois précédent (391 équipements comptabilisés). Même s'il y a de l'amélioration par rapport au mois de mars, c'est loin d'être un ratio favorable à l'Ukraine. Cependant, ces chiffres dépendent beaucoup de ce qui a été publié. Par exemple, ce mois-ci les Magyar's Birds ont publié une vidéo illustrant leurs destructions sur une seule semaine. Résultats: 18 tanks, 29 blindés, 3 MLRS, 38 pièces d'artilleries, 1 système de défense anti-aérienne, et bien d'autres équipements. En plus des très nombreux hommes / abris/ etc attaqués. Si Magyar dit vrai et cette vidéo ne compte que les pertes sur une semaine, cela donne du crédit aux chiffres des pertes russes rapportées par l'Ukraine.

Un des événements les plus spectaculaires ce mois-ci (et une belle réussite des Ukrainiens) a été l'énorme explosion survenue au 51e arsenal du GRAU (direction des arsenaux d'artillerie et de missile) situé à 70 km de Moscou. Ce complexe, pouvant accueillir jusqu'à 260 000 tonnes de munitions, a été détruit à  environ 50% (la moitié des bâtiments détruits d'après les images satellites).  Même s'il est difficile de savoir quelle quantité de munition a explosé, c'est un énorme coup dur pour la Russie. Ce dépôt était en effet le plus gros dépôt de munitions de toute la partie "européenne" de la Russie.


NB: dans ces bilans mensuels, je ne parle que de la situation militaire et diplomatique. Je ne parle pas, ou très peu, des multiples crimes de guerre russes. Ceux-ci, hélas, continuent, comme par exemple deux missiles balistiques envoyés sur Sumy le 13 avril.



Manœuvres diplomatiques, encore et encore


Traitor Trump veut toujours obtenir la "paix en Ukraine" (enfin, un simple cessez-le-feu) à n'importe quel prix... du moment que ce sont les Ukrainiens qui paient ce prix. Lui qui s'était vanté de pouvoir ramener la paix en 24H explique maintenant que c'était une grosse blague. Le délai de 100 jours qu'il s'était fixé était légèrement plus réaliste, mais n'a pas non plus été tenu. Maintenant, ils parlent d'un nouveau délai de 100 jours, pas pour conclure une paix ni même un cessez-le-feu, mais simplement pour "rapprocher" l'Ukraine et la Russie.

Et pourtant, ces tractations ont fait les titres des journaux quasiment tous les jours. L'agitation diplomatique a été commenté dans tous les sens et en les commentant moi aussi je risque surtout de n'ajouter que du bruit au bruit ambiant. Je ne commenterai donc pas l'épisode de la "trêve de Pâques" qui n'en était pas une, ni sur les menaces de tout laisser tomber de la part des USA, ni sur l'entretien de 15 minutes entre Trump et Zelensky, ni toute la propagande pro-russe régurgitée par Trump et Witkoff, ni tous les autres "moments médiatiques" auxquels la presse a accordé son attention un jour pour mieux les oublier le lendemain. En revanche, je vais commenter trois accords ou plan d'accord qui me semblent important pour le long terme.

1) La trêve sur les infrastructures énergétique: annoncée fin mars pour une durée de 30 jours, cet accord informel semble avoir été plus ou moins tenu, malgré quelques violations par les Russes; ces derniers semblent depuis plus se concentrer sur les attaques de terreurs, ciblant les résidences civiles, et il y a bien moins de "blackout" énergétique en Ukraine. Réciproquement, alors que jusqu'en mars, les raffineries russes flambaient les unes après les autres, à de rares exceptions elles n'ont pas été attaquées en avril. Le statut de cette trêve semble flou (est-elle prolongée ?) mais il semble que, peut-être de peur de déplaire à Trump, les belligérants n'osent pas la violer trop ouvertement. 

2) L'accord sur les minerais. Après plus de deux mois de négociations, de rebondissements et de pièges, le fameux accord entre les USA et l'Ukraine sur l'exploitation des ressources minières a été signé le 30 avril. Notons que, peut-être par peur d'un nouveau guet-apens, c'était la vice-première ministre ukrainienne qui est allé à Washington signer l'accord, et non Zelensky. Zelensky avait au départ envisagé cet accord comme un moyen de continuer à acheter des équipement américains et/ou d'obtenir des garanties de sécurité; en d'autres mots, d'assurer la protection future de l'Ukraire. Trump a voulu en faire quelque chose de complètement différent: un paiement (d'un montant exorbitant de 500 milliards de $) de l'aide passée (qui atteint péniblement 120 milliards de $). Vu par Trump, ce n'était qu'un plan de prédation de l'Ukraine, qui n'obtiendrait rien mais devrait payer un max . Trump a mis une pression maximale pour que l'Ukraine signe cet accord inique, mais ils ont refusé, et l'accord signé au final est plus proche de ce que Zelensky envisageait que ce que le mafieux Trump exigeait. Cela montre qu'on peut résister à Trump et obtenir de lui des accords plus équitables que ce que celui-ci propose. Certes, comme le souligne Philips O'Brien, cela reste un accord de prédation qui n'accorde aucune garantie de sécurité à l'Ukraine. Mais au moins l'Ukraine paie pour plus d'aide américaine, et non pour l'aide passée, et la durée est de 10 ans (reconductible) là où Trump voulait un accord ad vitam aeternam. Cela pourrait même aider indirectement l'Ukraine, car maintenant les USA ont un intérêt à ce que l'Ukraine conserve ses ressources minières (pour mieux les piller ensuite). De plus, le fait d'avoir signé "quelque chose" va peut-être inciter Trump a être mieux disposé envers l'Ukraine, même si à mon avis c'est un espoir assez vain.

3) Le "plan de Trump pour la paix" et la contre-proposition européenne/ukrainienne: ce plan et cette contre-proposition n'ont pas été dévoilé officiellement, mais ont fuité dans les journaux. Et le moins qu'on puisse dire est que Trump a pris fait et cause pour les Russes. Trump ne demande strictement rien aux Russes, à part de cessez les combats. Il lui offre la levée des sanctions et la reconnaissance, par les USA, de l'annexion de la Crimée. En revanche, Trump demande aux Ukrainiens:
  • d'abandonner de facto ou de jure tous les territoires occupés par les Russes
  • de renoncer à l'OTAN
en échange de ... strictement rien du tout. Bref, les Ukrainiens paient tout et n'obtiennent rien en échange (décidément une constante, chez Trump). Comme l'ont résumé de nombreux commentateurs: Trump manie la carotte et le bâton; la carotte pour les Russes, le bâton pour les Ukrainiens. Ce plan est tellement pro-russe qu'on se demande pourquoi Poutine dit le refuser. La raison est que Poutine estime:
  • soit que militairement, il peut encore gagner du terrain et s'emparer des 4 oblasts qu'il revendique et/ou qu'il y aura un effondrement de l'armée ukrainienne qui lui permettra de revendiquer encore plus
  • soit, ce qui est plus probable, c'est qu'il est en fait d'accord avec ce plan, mais qu'il exprime publiquement des demandes plus élevées pour maintenir la pression et/ou donner l'impression que le plan de Trump est équilibré.
Naturellement, les Ukrainiens (et au moins une partie des européens) sont contre. Ils ont donc fait une contre-proposition, un peu plus équilibrée. Cyrille Amoursky a fait une comparaison de ces deux plans. Ce qui me frappe, dans cette contre-proposition, c'est qu'elle est en apparence assez proche de celle des américains (même si des différences fondamentales apparaissent dans les détails) et qu'elle reste très favorable aux Russes. Le plan européen ne demande pas aux Russes de reculer, entérinant de facto le contrôle russe sur près de 20% de l'Ukraine, et n'offre pas aux Ukrainiens de garanties de sécurité suffisantes pour dissuader les Russes de remettre le couvert dans quelques années, une fois leur armée reconstituée. En fait, ce plan européen ressemble beaucoup à ce que Pete Hegseth avait présenté aux européen en février, et qui semblait alors une trahison aux yeux des Européens. Je vois donc deux interprétation possibles pour cette contre-proposition:
  1. La résignation: les Européens et Ukrainiens savent qu'ils n'obtiendront rien de plus et essaie simplement de sauver les apparences, et d'obtenir quelque chose de légèrement plus favorable. C'est ce que pense Guillaume Ancel, qui estime que l'Ukraine sera obligée d'accepter ce plan désavantageux faute d'alternative.
  2. La ruse: la contre-proposition est calculée pour être inacceptable pour les Russes tout en étant suffisamment proche de la proposition de Trump pour que ce dernier ne comprenne pas que les Européens refusent sa proposition. Si cela est vrai, cela signifient qu'ils essaient juste de maintenir l'aide américaine aussi longtemps que possible, sans réelle intention de céder à Trump/Poutine.

J'espère que la seconde interprétation est la bonne, sans en avoir la certitude.

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