mardi 3 juin 2025

Guerre en Ukraine: bilan du mois de mai 2025

Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois de mai 2025, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2023 ainsi que fin janvier, fin février, fin mars, fin avril, fin mai, fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2024, fin janvier, fin févrierfin mars et fin avril 2025.

Une fois de plus, les Russes ont continué leur grignotage des défenses ukrainiennes. La principale poussée russe a eu lieu entre Pokrovsk et Toretsk, et menace tout le dispositif de défense ukrainien dans le secteur. Mais les Russes, comme d'habitude, ont aussi attaqué un peu partout ailleurs. Et, une fois de plus, c'est surtout sur les frappes à longues distance et sur le plan diplomatique que les choses ont été notables.

Explosions suite aux attaques aériennes russes du 26 mai 2025



Pertes russes et attaques aériennes

Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les moyennes pour la première année (mars 2022 à février 2023), la deuxième année (mars 2023 à février 2024) et la troisième année (mars 2024 à février 2025) puis les chiffres de mars, avril et mai 2025

  • Artillerie 
    • moyenne 1ere année: 190/mois
    • moyenne 2e année: 650/mois
    • moyenne 3e année: 1150/mois
    • 1690 (mars), 1554 (avril), 1384 (mai)
  • MLRS
    • moyenne 1ere année: 40/mois
    • moyenne 2e année: 43/mois
    • moyenne 3e année: 25/mois
    • 44 (mars), 27 (avril), 26 (mai)
  • DCA
    • moyenne 1ere année: 21/mois
    • moyenne 2e année: 37/mois
    • moyenne 3e année: 30/mois
    • 37 (mars), 23 (avril), 27 (mai)
  • Équipements spéciaux
    • moyenne 1ere année: 19/mois
    • moyenne 2e année: 114/mois
    • moyenne 3e année: 181/mois
    • 24 (mars), 82 (avril), 33 (mai)

On constate une fois de plus une baisse des pertes russes (principalement l'artillerie), même si les chiffres sont toujours impressionnants. Plus généralement sur l'ensemble des équipements terrestres (5431) et des pertes humaines (35 370), il y a une légère baisse des chiffres par rapport au mois d'avril. Les pertes d'équipements visuellement confirmées sont elles aussi en baisse selon Oryx: 435 pertes russes et 289 pertes ukrainiennes, avec toujours un ratio d'environ 1,5:1 en faveur des Ukrainiens.

En revanche, les attaques aériennes à longue distance se sont intensifiées. Les Russes envoient de plus en plus de drones de type Shahed contre l'Ukraine. En mai, cela a culminé du 24 au 26 mai, avec plus de 900 drones employés durant ces trois jours. Ces attaques massives, qui visent principalement la population civile ukrainienne, ont été rendues possible par l'augmentation de la production russe, qui a ouvert de nouvelles usines et agrandi les usines existantes.

De leur côté, les Ukrainiens ont surtout frappé des usines russes liées à la production d'armes. Ainsi, l'usine NPO Splav à Tula a été touchée trois fois au mois de mai. Même si ces frappes sur les usines sont nécessaires, je ne sais pas à quel point elles sont efficaces. Les charges explosives portées par les drones restent modestes, aussi deux ou trois explosions sont probablement insuffisantes pour mettre l'usine hors service. La campagne contre les raffineries était plus logique, car les cibles étaient bien plus vulnérables. Mais il semble que la trêve informelle sur les infrastructures énergétiques, demandée par les USA, a été prolongée au delà des 30 jours et plus ou moins respectée.


Foutage de gueule planétaire

Plus que la situation sur le terrain, c'est le grand "truc" diplomatique qui a occupé les journaux au mois de mai. Je dis "truc" car je ne sais comment qualifier ce qui s'est passé, à part dire que c'était du foutage de gueule de la part de ces deux escrocs planétaires que sont Trump et Poutine, avec la complicité (active ou passive) de beaucoup d'autres dirigeants, et de quasiment tous les journalistes et analystes qui laissent ses deux guignols dérouler leurs mensonges sans aucune contradiction. Donc, désolé pour ce petit coup de gueule, mais il faut remettre les pendule à l'heure: ce qui compte, ce n'est pas ce que Poutine et Trump disent qui compte, mais ce qu'ils font. Donc j'aimerais bien que les journalistes arrêtent d'écrire que Trump ou Poutine "veulent la paix" et autres formules du même genre quand leur actions montrent que ce n'est visiblement pas le cas. Car toute la séquence qui s'est passée au mois de mai est on ne peut plus claire (sauf, visiblement, pour la quasi-totalité des journalistes):

  • Poutine décrète unilatéralement une trêve de 3 jours pour pouvoir organiser son défilé du 9 mai. Les Ukrainiens contre-proposent un cessez-le-feu de 30 jours, refusé par Poutine.
  • le 10 mai, 4 dirigeants européens (le français Macron, l'allemand Merz, l'anglais Krammer et le polonais Tusk) se rendent à Kyiv et, au téléphone avec Trump, posent un ultimatum à Poutine: accepter un cessez-le-feu de 30 jours, où subir des sanctions sans précédent.
  • Poutine, exceptionnellement, répond (indirectement): pas de cessez-le-feu, mais des négociations directes à Istanbul. Trump trahit immédiatement les Européens et soutient la proposition de Poutine.
  • Zelensky saisit la balle au bond, propose une rencontre avec Poutine, qui bien entendu a la trouille et refuse. A la place, il envoie des sous-fifre et la grosse "négociation" finit en eau de boudin
  • Trump déclare que seul lui peut régler la situation. Puis, après un coup de fil avec Poutine, renonce à imposer les sanctions qu'il avait pourtant promises.
  • L'Estonie tente d'arraisonner un pétrolier russe suspect, qui navigue dans ses eaux territoriales, mais doit renoncer quand un chasseur russe viole son espace aérien pour escorter le pétrolier; l'OTAN ne fait rien pour punir cette agression russe
  • Les Européens se contentent de voter un 17e paquet de sanctions, qui sont loin d'être les sanctions dévastatrices qu'ils avaient promises
Que retenir de tout ce cirque ? 

D'abord, que Poutine ne veut pas la paix, ni même d'un cessez-le-feu. Il ne veut pas négocier de bonne foi, et entend imposer ses conditions iniques aux Ukrainiens et aux Européens. Le fait qu'il refuse un "plan Trump" pourtant extrêmement favorable aux Russes signifie qu'il croit (à tort ou à raison) pouvoir s'imposer militairement, malgré les pertes énormes que son armée subit chaque jour.

Ensuite, que Trump laissera Poutine faire ce qu'il veut. Comme je le dis depuis novembre 2024, il ne faut absolument pas s'attendre à ce que Trump aide massivement l'Ukraine, ni ne sanctionne vraiment la Russie. Au mieux on aura une continuation de l'aide existante et le maintien des sanctions actuelles. Et même ça, c'est loin d'être gagné. Trump n'a pas de plan et est coincé entre son désir personnel de faire des affaires avec Poutine et le désir de l'opinion publique américaine, toujours hostile à Poutine. D'où ses pathétiques tweets "VLADIMIR STOP" et sa manie de toujours repousser l'échéance de 2 semaines, toutes les deux semaines. Et ce n'est pas parce qu'il traite Poutine de "fou" que ça va changer quoi que ce soit, toutes ces paroles ne sont qu'enfumage pour masquer le fait qu'il ne fait rien contre Poutine.

Enfin, que les Européens semblent impuissants, et les Ukrainiens ballottés au gré des humeurs trumpiennes. L'ultimatum des Européens a fait "pschitt" car ils avaient besoin de Trump pour le mettre en oeuvre, et les Ukrainiens semblent maintenant vouloir accepter  ce qu'ils refusaient encore en janvier. Il est notable que les trolls pro-Poutine qui, jusqu'à peu prétendaient "simplement vouloir la paix" ont changé leur discours, et exigent maintenant la capitulation de l'Ukraine. Preuve, s'il en était besoin, de leur mauvaise foi et de leur alignement pro-Kremlin. Et c'est quelque part une signe inquiétant. Je me disais "tant que les trolls demandent la paix, ça veut dire que ça ne va pas si mal pour l'Ukraine". Mais maintenant, l'Ukraine semble être au bout du rouleau ... et c'est peut-être très exactement ce que veulent les Ukrainiens.

Comme je le disais le mois dernier, l'attitude des Européens et des Ukrainiens peut s'expliquer soit par la résignation (le plus probable), soit par la ruse (le moins probable), et l'interprétation de ce qui s'est passé ce mois-ci dépend fortement de savoir laquelle des deux explications est la bonne:
  • hypothèse de la résignation: les Européens sont incapables de prendre des sanctions significatives sans l'accord de Trump, que celui-ci n'est pas prêt de donner. Les Ukrainiens sont terrifié à l'idée de perdre le soutien américain (même réduit au minimum) et disent oui à toutes les demandes de Trump. Selon cette interprétation, la Russie poursuit son plan sans entrave et renforce sa position.
  • hypothèse de la ruse: Trump se fait berner non seulement par les Russes, mais aussi par les Européens et les Ukrainiens. Ceux-ci ne veulent surtout pas d'un cessez-le-feu qui consoliderait les gains territoriaux russes, et espèrent toujours un effondrement russe (que ce soit militaire ou économique). Ils n'acceptent des demandes de Trump que parce qu'ils savent que les Ruses vont eux les refuser. Ils montent en cadence pour se réarmer et armer l'Ukraine, et le font plus discrètement (et sans restriction). Bilan du mois de mai: le renseignement USA et les sanctions sont toujours en place (et ont même été légèrement renforcées), le cours du pétrole est bas, la Roumanie ne bascule pas dans le camp pro-russe, et la Russie se précipite vers sa chute.
Pour le moment, il n'est pas possible de savoir quelle hypothèse est la bonne. Et quelque chose me dit qu'on n'aura pas de réponses avant encore quelques mois.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Anch-ô rage, ô désespoir

ô vieillesse ennemie ! Deux vieillards (Poutine 72 ans, Trump 79 ans), qui sont nos ennemis, viennent donc de se rencontrer à Anchorage, en ...