lundi 4 août 2025

Guerre en Ukraine: bilan du mois de juillet 2025

Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois de juillet 2025, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2023 ainsi que fin janvier, fin février, fin mars, fin avril, fin mai, fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2024, et puis fin janvier, fin févrierfin marsfin avrilfin mai et fin juin 2025.


Une fois de plus, les Russes ont continué leur grignotage des défenses ukrainiennes, et menacent très sérieusement d'encercler trois villes clefs de la lignes de défense ukrainienne: Kupyansk, Porkovsk et Kostiantynivka. Les Ukrainiens, de leur côté, ont mené de petites contre-attaques sur le front de Sumy. De plus, les attaques aériennes ont encore augmenté d'intensité, avec chaque nuit ou presque des centaines de drones russes frappant les villes ukrainiennes pour y semer la terreur.

Note: ceci est mon centième billet publié sur ce blog (en un peu moins de deux ans et demi d'existence). Il sera plus long que mes habituels résumés mensuels.

Magyar (en bas à gauche), Drapatyi (en haut à droite), montage Ukraina Pravda





Situation sur la ligne de front

Généralement, je ne commente guère les changements sur la ligne de front et je me contente de la phrase maintenant habituelle: "Une fois de plus, les Russes ont continué leur grignotage des défenses ukrainiennes."  

La principale raison est que les avancées russes, si elles peuvent sembler importantes quand on les compare à la situation globalement stable de décembre 2022 à avril 2024, n'en reste pas moins minuscules comparées à la taille de l'Ukraine. Et, comme je l'ai déjà dit, la guerre ne sera pas gagnée (ou perdue) par le contrôle de telle ou telle ville du Donbas, mais bien par la capacité (ou non) de poursuivre l'effort de guerre.

De plus, le concept même de "ligne de front" est trompeur à l'ère des drones capables de frapper 10, 20, 30 km ou plus en profondeur. Le front est moins une ligne qu'une zone de 30-40 km de large où il n'y a plus de sécurité, où les drones peuvent frapper à tout moment n'importe qui, et que vu la largeur de cette zone, les avancées dans un sens ou dans l'autres sont presque insignifiantes, et les lignes sur les cartes donnent une fausse impression de précision.

Enfin, beaucoup de gens s'imaginent que cette guerre est un peu comme la première guerre mondiale, d'autant plus qu'on la décrit comme une guerre de tranchée, et s'il y a certaines similarités, il y a quelque chose de très différent: la densité des troupes. On a tous en tête les films sur la première guerre mondiale, avec des dizaines voire des centaines de soldats tassés dans les tranchées, à quelques centaines de mètres de la tranchée adverse, et entre les deux, le no man's land dans lequel les soldats s’élancent en masse pour un assaut. En 2025, s'il y a des tranchées, elles sont plutôt des petites positions dans une large "zone grise", avec seulement un petit groupe de soldats les gardant, ou se réfugiant dans la cave d'une maison détruite. Les assaut se font aussi en petits groupes, une dizaine de soldats tout au plus, qui essaient de progresser et occuper plus de terrain. Il arrive donc qu'un groupe arrive à avancer plus avant de se faire éliminer, souvent par les drones FPV. Là encore, les lignes sur les cartes, même celles qui incluent des zones grises, sont encore loin de refléter la complexité de la situation sur le terrain.

Cela dit, je vais faire une exception ce mois-ci. Dans mon bilan du mois de septembre 2024, j'écrivais déjà: "La situation reste très préoccupante vers Pokrovsk, Toretsk, Vuhledar (sur le point de tomber aux mains des Russes) et à l'est de Kupyansk." Dix mois plus tard, Vuhledar est effectivement tombée peu après que j'ai écrit ces lignes, Toretsk a été difficilement conquise par les Russes. Par contre Pokrovsk et Kupyansk tiennent toujours. Mais pour combien de temps ? Les avancées russes ont beau être lentes, trois villes ukrainiennes sont très menacées: d'une part Kupyansk, d'autre part Porkovsk et Kostiantynivka. Les trois villes ont été des nœuds logistiques importants, même si elles ont perdu ce statut quand le front s'est rapproché, et sont sur le point d'être encerclées.


Kupyansk

Front de Kupyansk, fin juillet 2025 (carte DeepStateMap)


Commençons par Kupyansk, dont la position, sur la rivière Oskil, verrouille tout le nord de la ligne de front. Kupyansk avait été rapidement prise par les Russes dès le premier jour de l'invasion, en février 2022. Sa libération, tout aussi rapide en septembre 2022, avait coupé la logistique russe ravitaillant tout le front au nord-est de Kharkiv, ce qui avait contraint la première armée blindée de la garde, la plus prestigieuse armée russe, à une piteuse retraite d'Izium en abandonnant tout son équipement lourd. Ensuite, les Ukrainiens avaient poussé vers l'est, sur environ 20-30 km, avant d'être stoppés en décembre 2022. Et depuis presque trois ans, les Russes tentent de repousser les Ukrainiens de leur "tête de pont" à l'est de l'Oskil et de reprendre Kupyansk. Ils s'étaient même fixé comme objectif de reprendre la ville à l'été 2023. Deux ans plus tard, la ville tient toujours.

Mais, depuis maintenant un an, les Russes ont progressé dans la région. D'abord, en atteignant l'Oskil au sud-est de Kupyansk, fin octobre 2024. Ce qui a "coupé en deux" la "tête de pont" ukrainienne à l'est de l'Oskil. Plus grave: début 2025 les Russes ont franchi l'Oskil au nord de Kupyansk, et ont entrepris d'encercler la ville par l'ouest. Cette "tête de pont" à l'ouest de l'Oskil, d'abord assez limitée, est maintenant large de 4km environ. Plus grave: d'après DeepStateMap, les Russes ont réussi à se frayer un "couloir" jusqu'à Myrne, juste au nord-ouest de Kupyansk, et la "zone grise" n'est plus qu'à 2km de la principale route ravitaillant Kupyansk. NB: d'autres cartes, comme UA control map ou LiveUAMap indiquent des avancées russes plus modestes, mais toutes disent qu'il y a bien une tête de pont russe au nord-ouest de Kupyansk.

Or, l'Oskil, si elle ne constitue pas une barrière infranchissable comme le Dniepr, constituait néanmoins une défense naturelle très solide. Comment les Russes l'ont-ils franchi ? Simplement car les unités ukrainiennes qui gardaient ce secteur sont de piètre qualité. Autant celles qui sont à l'est de Kupyansk (14e et 43e brigades mécanisées), sont plutôt solides, autant celles qui gardaient l'Oskil n'étaient que des brigades de défense territoriale. On a donc l'exemple typique des erreurs de commandement ukrainien: de "bonnes" brigades tiennent une partie du front mais sont menacées d'encerclement car leurs flancs sont gardés par de "mauvaises" brigades.

Et comment ce commandement ukrainien a réagi? D'abord, en ne faisant rien, ce qui a aggravé la situation. Puis en envoyant deux bataillons d'une bonne brigade (la 30e, qui combat normalement au nord-ouest de Bakhmut), et ce faisant morcelle cette brigade et donc diminue son efficacité, ainsi que 3 des 10 brigades "150" (les 151e, 154e et 158e brigades mécanisées), qui ont connu beaucoup de problèmes et ne sont probablement pas à la hauteur pour contenir l'offensive russe dans le secteur. Pire: plutôt que d'envoyer de quoi repousser les Russes jusqu'à l'Oskil et donc éliminer es risques d'encerclement de Kupyansk, le Haut-commandement ukrainien préfère envoyer ses bonnes unités contre-attaquer et reprendre quelques villages du côté de Sumy.

La mauvaise situation de Kupyansk est donc, à 90%, due aux erreurs de commandement ukrainien. Il est à noter que, dans la réforme en cours qui met en place des corps d'armée, ceux-ci sont chargés de contrôler chacun une partie du front, et que seuls Sumy et Kupyansk n'ont, pour le moment, pas de corps d'armée affectés à ces secteurs du front.


Pokrovsk et Kostiantynivka

Ces deux villes sont dans le viseur de l'armée russe depuis le printemps 2024. Elles tiennent toujours, mais sont encerclées au 3/4.


Front de Pokrovsk/Kostiantynivka, fin juillet 2025 (carte DeepStateMap)


Kostiantynivka n'est qu'à une dizaine de km de Bakhmut (qui elle-même n'était qu'à une dizaine de la ligne de front pré-2022), et les Russes ont d'abord essayé d'attaquer directement depuis le nord-est, par Chassiv Yar qu'ils ont atteint en mars 2024. Depuis, presque aucun progrès de ce côté là. Mais à partir de juillet 2024, les Russes attaquent également par le sud-est, en prenant Toretsk. Et, plus récemment, ils peuvent également attaquer par le sud-ouest. La ville est donc attaquée de 3 côté à la fois, les Russes se trouvant à un peu plus de 5 km dans chaque direction.

Pokrovsk est l'objectif des Russes depuis qu'ils ont pris Avdiivka en février 2024. Il y a 60 km entre les deux villes, mais les défenses ont été mal préparées, et certaines erreurs du commandement ukrainien ont permis aux Russes de progresser rapidement, si bien qu'ils n'étaient plus qu'à 15 km de Pokrovsk en septembre 2024. Comme leurs attaques directes échouaient, ils ont d'abord essayé de contourner la ville par le sud-ouest (fin 2024).  Les Ukrainiens ont réagi et ont réussi à repousser les attaques dans cette directions. Puis, en mars-avril 2025, les Russes ont alors attaqué au nord-est de Pokrovsk, qui était alors défendu par 5 brigades: 2 brigade de la gardes nationale, 2 brigades de défense territoriale et 1 brigade "150" (la 157e brigade mécanisée).  Les Ukrainiens ont bien envoyés quelques renforts de qualité (1ère brigade blindée, 36e et 38e brigade de Marine) mais ce ne fut pas suffisant et, au cours des mois de mai, juin et juillet, les Russes ont pris progressivement plus de terrain, au point qu'ils menacent maintenant à la fois Pokrvosk par le nord-est, et Kostiantynivka par le sud-ouest.

Le sort de Pokrovsk est donc de plus en plus précaire. Il semble que les Russes ont récemment infiltré la ville, illustrant ce que je disais sur la nature poreuse de la "zone grise" qu'est le front. Un excellent reportage a eu lieu dans cette ville. Et on voit mal ce qui permettrait aux Ukrainiens de conserver Pokrovsk et/ou Kostiantynivka à moyen terme. Sauf à imaginer, encore une fois, que tout cela n'est qu'une vaste ruse des Ukrainiens.


Pertes russes et ukrainiennes

Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les moyennes pour la première année (mars 2022 à février 2023), la deuxième année (mars 2023 à février 2024) et la troisième année (mars 2024 à février 2025) puis les chiffres de mars, avril, mai, juin et juillet 2025.

  • Artillerie 
    • moyenne 1ere année: 190/mois
    • moyenne 2e année: 650/mois
    • moyenne 3e année: 1150/mois
    • 1690 (mars), 1554 (avril), 1384 (mai), 1243 (juin), 1193 (juillet)
  • MLRS
    • moyenne 1ere année: 40/mois
    • moyenne 2e année: 43/mois
    • moyenne 3e année: 25/mois
    • 44 (mars), 27 (avril), 26 (mai), 27 (juin), 24 (juillet)
  • DCA
    • moyenne 1ere année: 21/mois
    • moyenne 2e année: 37/mois
    • moyenne 3e année: 30/mois
    • 37 (mars), 23 (avril), 27 (mai), 17 (juin), 13 (juillet)
  • Équipements spéciaux
    • moyenne 1ere année: 19/mois
    • moyenne 2e année: 114/mois
    • moyenne 3e année: 181/mois
    • 24 (mars), 82 (avril), 33 (mai), 19 (juin), 14 (juillet)

On constate une fois de plus une légère baisse des pertes russes dans les quatre catégories, même si les chiffres sont toujours impressionnants en ce qui concerne l'artillerie. Plus généralement sur l'ensemble des équipements terrestres (4704) et des pertes humaines (33 250), il y a une baisse des chiffres mensuels pour le 4e mois consécutif. La baisse concerne aussi les pertes d'équipements russes visuellement confirmées, qui sont ce mois-ci inférieures aux pertes ukrainiennes selon Oryx: 208 pertes russes et 248 pertes ukrainiennes. On a donc une prolongation de la tendance observée le mois dernier, qui est très défavorable à l'Ukraine. Les pertes ukrainiennes sont "normales", ce sont les pertes russes qui sont anormalement basses. Pourquoi ? Comme toujours, il peut y avoir deux explications (au moins), qui sont mutuellement exclusives.

La première est que les chiffres donnés par les Ukrainiens sont fantaisistes et que, effectivement les pertes russes ont fortement diminué ces derniers mois, car ils sont en train de gagner la guerre d'attrition et ont changé leurs tactiques pour minimiser leurs pertes tout en continuant de grignoter du terrain. Il faut d'ailleurs noter que l'essentiel des pertes revendiquées par les Ukrainiens relève de deux catégories: artillerie et camions, qui ont toutes deux un taux de confirmation par Oryx très faible.

La seconde explication est que les chiffres donnés par les Ukrainiens sont relativement fiables et que les Ukrainiens ne publient tout simplement plus beaucoup de vidéos montrant les destructions qu'ils causent, peut-être délibérément avec l'intention de faire croire aux Russes qu'ils sont sur le point de gagner. Il faut reconnaître que cette seconde explication est moins probable que la première, mais on aurait tort de l'écarter a priori.


Campagne aérienne russe

Les Russes ont poursuivi et même encore intensifié leurs frappes aériennes massives contre les villes ukrainiennes. Ils semblent avoir mis au point de nouvelles versions des Shaheds (plus rapides, plus résistants aux contre-mesures, etc). Au mois de juillet, les Russes ont employé plus de 5100 bombes planantes, 6400 drones dont environ 3800 Shaheds et près de 200 missiles. Il y a eu 8 nuits des attaques impliquant au moins 250 drones, et beaucoup d'attaques plus petites (de 30 à 100 drones). Du moins, si on en croit les chiffres ukrainiens.

Car s'il ne fait aucun doute que la Russie lance bien des attaques massives et presque quotidiennes, et qu'on a à chaque fois l'image de quelques coups au but avec des habitations détruites par ces frappes, il est bien plus surprenant que, quel que soit le nombre de drones lancés contre l'Ukraine (que ce soit 60 ou 600), le nombre de drones passant les mailles du filet ne varie guère, environ une vingtaine  ou une trentaine de drones et missiles non interceptés par nuit, et ce quel que soit le nombre de drones lancés. Ce qui, paradoxalement, fait que le taux d'interception est bien meilleur les nuits de frappes massives.

Alors, il peut y avoir de très bonnes explications à ça. Par exemple, les Ukrainiens mobilisent peut-être plus de ressources (par exemple les F-16 et Mirage 2000)  les nuits d'attaque massives, augmentant ainsi ponctuellement l'efficacité de leurs défenses anti-aériennes par rapport aux nuits "ordinaires". Il se peut aussi que, lors des attaques massives, les Russes envoient leurs drones un peu au hasard, pour découvrir les faiblesses de la défense ukrainiennes, et qu'ils exploitent ensuite ces faiblesses les jours suivants avant que les Ukrainiens ne puissent réagir.

Cependant, on ne peut pas non plus écarter l'hypothèse que les Ukrainiens mentent, en exagérant parfois le nombre de drones lancés par la Russie. En effet, on constate que chaque nuit, les Russes réussissent à frapper quelques cibles, et les dégâts qui sont montré dans les média sont compatibles avec les chiffres annoncés par les Ukrainiens d'une vingtaine de drones touchant leur cible. Mais qui nous dit qu'il y a vraiment eu 400 drones lancés dont 380 interceptés ? Et non, 50 drones dont 30 interceptés ? Les dégâts observés seraient les mêmes. Les pays de l'OTAN ont sans doute une idée du nombre de drones envoyés par les Russes, qui eux savent bien combien de drones ils ont envoyés, mais, si c'est bien le cas, personne n'a trop intérêt à minimiser le nombre de drones russes: les uns pour exagérer la menace, les autres pour faire croire à leur population qu'ils sont encore une puissance mondiale.



Changements et protestations en Ukraine

Pendant ce temps, l'Ukraine poursuit sa création de corps d'armées, mais la réforme semble mal engagée: trop lente à se mettre en place, probablement du fait de résistances internes. Seuls 3 des corps, sur les 18 annoncés, sont formés et regroupés dans un même secteur. Les autres sont soit dispersés sur l'ensemble de la ligne de front (ce qui fait de ces corps des structures inutiles et inefficaces), soit toujours au stade de la formation.

L'Ukraine transforme aussi ses brigades blindées (1ere, 3e, 4e, 5e, 17e) et les 4 brigades "de défenses territoriales" qui avaient été transférées aux forces terrestres il y a un an (125e, 127e, 128e, 129e) en "brigades fortement mécanisées". Ce que cette nouvelle dénomination implique comme changement n'est pas encore très clair. Avant 2022, les effectifs théoriques étaient les suivant: chaque brigade blindée avait 3 bataillons blindés et 1 bataillon mécanisé, chaque brigade mécanisée avait  1 bataillon blindé et 3 bataillons mécanisés et chaque brigade de défense territoriale avait 6 bataillons de défense territoriale (infanterie non mécanisée). Chaque brigade "fortement mécanisée" aura théoriquement 6 bataillons: 2 blindés, 2 mécanisés, 2 de fusiliers (infanterie non mécanisée). Reste à savoir si elles pourront avoir effectivement ces effectifs, et correctement équipées

Les Ukrainiens ont aussi formé une nouvelle brigade d'artillerie: la 147e, rattachée au 8e corps. Dans l'ensemble, on a l'impression que l'armée ukrainienne évolue, mais lentement, alors que le rythme de la guerre accélère. Est-ce parce que la situation sur le terrain est moins mauvaise que ce qu'on lit dans les journaux, ou bien est-ce parce que les généraux ukrainiens sont déconnectés de la réalité et continuent de mener les réformes comme des projets bureaucratiques sans lien avec la situation sur le terrain ? J'ai peur, hélas, qu'on soit dans ce dernier cas. J'espère me tromper.

Il y a eu aussi beaucoup de changement au gouvernement, avec notamment un changement de premier ministre, ainsi que du ministre de la défense. Pourtant, je ne crois pas que cela va changer quoi que ce soit concrètement. Le problème est que les personnes nouvellement nommées viennent du même cercle, Zelensky n'ayant pas constitué un gouvernement d'union nationale. Il manque à Zelensky, qui à bien des égards peut être comparé à Churchill, son Clement Attlee, un personnage maintenant un peu oublié mais qui a été tout aussi important que Churchill pour faire marcher le Royaume-Uni à la période la plus sombre de la seconde guerre mondiale.

Ce mois-ci a aussi vu une tentative de réforme, et pas une bonne. Le 22 juillet, le parlement ukrainien a voté une loi mettant fin à l'indépendance de deux organismes anti-corruption, la SAPO et le NABU, au profit d'un procureur nommé par le président. Cette loi est promulguée par Zelenski immédiatement après. La ou les raisons pour lesquelles Zelenski et son parti ont voulu reprendre la main sur ces deux organismes anti-corruption n'est pas très claire. Volonté de centraliser le pouvoir et/ou de museler des organismes pouvant attaquer Zelensky ? Ou, réponse à une possible "infiltration russe" (je n'y crois pas trop) comme le dit Zelensky? D'autres explications ont été données. Selon le chef du SBU, la garde nationale ukrainienne se serait rebellé quand le SAPO a perquisitionné le bureau de son commandant; certaines unités ont même menacé de marcher sur Kyiv. La loi serait alors une réponse à cette perquisition. Philips O'Brien remarque aussi que l'Ukraine a pu croire que la lutte anti-corruption n'était pas ou plus d'actualité dans les pays occidentaux, et que, avec les perspectives d'adhésion à l'Union Européenne s'éloignant, la motivation pour lutter contre la corruption faiblissait.

Quoi qu'il en soit, cette loi est très mal passée. Les dirigeants occidentaux l'ont désapprouvée, et surtout, la population ukrainienne a massivement manifesté contre cette loi, ce qui ne s'était jamais produit depuis 2022. Cette contestation a payé puisque Zelensky, au bout de quelques jours, a finalement annoncé revenir sur cette loi et garantir l'indépendance des deux organismes. Une nouvelle loi, votée le 31 juillet, a annulé la plupart des points de la loi controversée, et le SAPO et le NABU ont retrouvé leur indépendance.

Cet épisode montre que, malgré la guerre, la démocratie fonctionne encore en Ukraine et que Zelensky écoute les protestations populaires. Tous les pays ne peuvent pas en dire autant. Et surtout, cela démontre deux choses:
  1. contrairement à ce que disent les trolls russes, la révolution de Maidan a bien été déclenchée par les Ukrainiens, pour lutter contre la corruption du président d'alors. Les Ukrainiens n'ont besoin de personne pour se soulever et protester, ils viennent de le montrer une nouvelle fois
  2. les Ukrainiens sont vent debout contre la corruption qui gangrène leur pays; on peut en déduire qu'ils n'ont aucune envie de rejoindre un "monde russe" où la corruption est la règle. Malgré 3 ans de guerre, je crois que la volonté de se battre est toujours là.


Changement de cap diplomatique ?

Juillet a été le mois où Trump a enfin décidé de soutenir l'Ukraine. Enfin, c'est ce que les journaux ont écrit. Car en vérité, il n'y a guère de changements:
  • Trump a refusé de prendre de nouvelles sanctions contre la Russie, et leur a donné 50 jours de plus pour continuer leur guerre sans aucune représailles. Délai réduit ensuite à 10 jours... enfin, jusqu'à ce que Trump annonce encore un autre délai. Ou se contente d'un "VLADIMIR STOP !!!"
  • Trump a refusé d'accorder la moindre nouvelle aide directe (financière ou militaire) à l'Ukraine
  • Trump a autorisé la vente de certaines armes à des pays européens, qui arriveront peut-être début 2026, et qui représentent de toute manière un volume bien inférieur à ce que Biden envoyait. Or, Biden envoyait déjà trop peu d'arme pour répondre aux besoins des Ukrainiens... Mais comme Trump a, comme d'habitude, utilisé des superlatifs pour décrire ses actions, les journaleux ont repris tels quels ses mensonges.
En d'autres termes, Trump continue de favoriser la Russie, et tous les journaux ou presque se sont fait enfumés par ses déclarations tonitruantes. Ces journaux ont sans doute une bonne excuse: ce n'est pas comme si Trump faisait constamment ça depuis 10 ans. Non ? Après, même faible, cette "aide" est toujours mieux que rien. Mais les journalistes pourraient faire un petit effort de mise en contexte et de fact-checking, plutôt que de se contenter de relayer les paroles de l'ordure orange, ou, pire, d'en faire des tonnes sur un supposé "tournant", "pivot" ou autres termes similaires, qui trompent le lecteur.

Au moins, dans ses discours, Trump admet que la Russie ne veut pas la paix. Du moins c'est ce qu'il dit en ce moment, demain il peut très bien dire l'inverse. Et ça ne plait pas à Trump, qui s'était vanté de pouvoir obtenir la paix 24h après avoir été élu (soit le 3 novembre 2024). Donc, pour faire plaisir à Trump, les Russes font de nouveau semblant de négocier avec les Ukrainiens. Et les Européens, comme d'habitude, se contentent  de paroles creuses. Alors, certes, ils livrent du matériel militaire. Mais toujours trop peu, et toujours trop tard. L'Allemagne, en particulier, fait un gros effort pour aider les défenses anti-aériennes de l'Ukraine, mais refuse toujours de livrer les missiles Taurus. 

Malheureusement, je ne vois donc aucun changement de cap tant chez les Européens que les Américains, et les Ukrainiens font devoir surtout compter sur eux-même pour vaincre les Russes. En seront-ils capables ? 

Et, au delà de l'Ukraine, le monde s'enfonce dans le chaos. Gaza est affamée par l'armée israélienne, et les gouvernements occidentaux sont complices, par leur silence et leur inaction, de ce "génocide par la faim" (les Ukrainiens ont connu ça dans les années 30). Une nouvelle "non-guerre" (conflit armé entre deux états, sans déclaration de guerre) a eu lieu entre le Cambodge et la Thaïlande. C'est le troisième conflit armé de ce type en moins de 4 mois, après les "non-guerres" entre l'Inde et le Pakistan, et Israël et l'Iran. Et la seule question qui se pose est: où et quand aura lieu la prochaine  "non-guerre" ? Quelle sera l’étincelle qui embrasera le monde ?

Liens en vrac, 12/08/2025

Nouvelle fournée des liens intéressants que j'ai pu trouver depuis  la dernière fois . Analyses La nouvelle "théorie de la victoire...