vendredi 1 novembre 2024

Guerre en Ukraine: bilan du mois d'octobre 2024

Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois d'octobre 2024, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2023 ainsi que fin janvier, fin février, fin mars, fin avril, fin mai, fin juin, fin juillet, fin août et fin septembre 2024.

Une fois de plus, les Russes ont continué leur grignotage des défenses ukrainiennes, à un rythme encore plus soutenu que le mois précédent. Vuhledar est tombée au mains des Russes au début du mois, et ceux-ci ont ensuite continué une progression assez rapide dans le secteur. La situation reste très préoccupante aussi vers Pokrovsk, Toretsk et à l'est de Kupyansk où les Russes ont réussi à couper en deux le dispositif Ukrainien à l'est de la rivière Oskil. En ce qui concerne la région de Kursk, les Ukrainiens sont maintenant là aussi sur la défensive.
 
Pertes russes au 31/10/2024, selon les officiels ukrainiens

EDIT: Pour tous les changements sur la ligne de front, je renvoie au très complet bilan mensuel du site Militaryland.net.


Octobre rouge sang

Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: Artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les chiffres mensuels habituels ces derniers mois, ainsi que les moyennes pour la première année (mars 2022 à février 2023) et la deuxième année (mars 2023 à février 2024) puis les chiffres de mars > avril > mai > juin > juillet > août > septembre > octobre 2024

  • Artillerie 
    • moyenne 1ere année: 190/mois
    • moyenne 2e année: 650/mois
    • 980 (mars) > 961 (avril) > 1129 (mai) > 1393 (juin) > 1553 (juillet) > 1528 (août) > 1208 (septembre) > 1191 (octobre)
  • MLRS
    • moyenne 1ere année: 40/mois
    • moyenne 2e année: 43/mois
    • 23 (mars) > 30 (avril) > 35 (mai) > 22 (juin) > 21 (juillet) > 45 (août) > 28 (septembre) > 39 (octobre)
  • DCA
    • moyenne 1ere année: 21/mois
    • moyenne 2e année: 37/mois
    • 53 (mars) > 36 (avril) > 36 (mai) > 58 (juin) > 34 (juillet) > 33 (août) > 23 (septembre) > 31 (octobre)
  • Équipements spéciaux
    • moyenne 1ere année: 19/mois
    • moyenne 2e année: 114/mois
    • 228 (mars) > 148 (avril) > 187 (mai) > 284 (juin) > 249 (juillet) > 280 (août) > 336 (septembre) > 257 (octobre)

Ces chiffres sont donc toujours très élevés, sans être des records. Mais, de manière générale, les pertes annoncées sont de 41 890 hommes et 5 160 pièces d'équipement perdues par les Russes selon le comptage mensuel fait par Ragnar Bjartur Gudmundsson, ce qui constitue un record tant pour les pertes matérielles que pour les pertes humaines.

Comme toujours, il y a débat sur la fiabilité de ces chiffres ukrainiens, j'ai déjà dit plusieurs fois ce que j'en pensais. On peut bien sûr imaginer que les Ukrainiens, forcés de reculer notamment dans le Donbas, gonflent les chiffres pour "compenser" leurs pertes territoriales. Mais comme les Russes ont considérablement intensifié leurs attaques, il est très probable que leurs pertes atteignent des niveaux records, ce qui va dans le sens des chiffres ukrainiens.

 

 

Bilan de l'offensive de Koursk

Cela fait bientôt 3 mois que les Ukrainiens ont lancé leur offensive dans la région de Koursk, et il est temps de faire un bilan de ces trois mois. On peut diviser cette offensive en trois phases de durée inégales:

  1. l'attaque initiale (les 2-3 premiers jours): les Ukrainiens attaquent par surprises les Russes et percent leurs défenses. Ils avancent rapidement (jusqu'à 30km de profondeur) le long de quelques axes routiers. La confusion règne chez les Russes, qui tirent sur certains de leurs convois. A ce moment, il y a peut-être 5 à 10 000  hommes côté ukrainien, et quelques milliers côté russe. Durant cette première phase, les Ukrainiens ont clairement le dessus, faisant de nombreux prisonniers et occupant au moins 450km2 de territoire (probablement plus)
  2. la période de consolidation (les 3-4 semaines suivantes): Russes comme Ukrainiens envoient des renforts dans la région. Les Russes construisent des fortifications  loin de la "ligne de front", pour autant qu'elle puisse être définie tant il y a de flou et de brouillard de guerre. Il y a de nombreuses embuscades de part et d'autres. A ce moment, il y a peut-être 15 à 20 000  hommes de chaque côté. L'Ukraine augmente la taille du territoire qu'elle occupe, jusqu'à 1200 km2. Elle parvient à atteindre la rivière Seym tout en ayant détruit les ponts, ce qui piège les forces russes situées à Glushkovo. Cependant, l'Ukraine n'arrive ni à prendre le village de Korenevo, ni à détruire tout les ponts flottants sur la Seym.
  3. les contre-attaques russes (depuis mi-septembre). La Russie dégage Korenevo puis mène une contre-attaque réussie sur le flan ouest du territoire occupé par les Ukrainiens, ce qui sécurise l'approvisionnement de Glushkovo. Ce à quoi les Ukrainiens répondent en contre-attaquant la contre-attaque russe et tentent de prendre Glushkovo par le sud, mais échouent et sont ensuite contraints de se replier. Les Russes attaquent également au nord, est et sud-est du territoire occupé par les Ukrainiens, et arrivent à reconquérir environ le tiers du territoire occupé par l'Ukraine.  En ce moment, il y a peut-être 30 000  hommes côté ukrainien et 50 000 hommes côté russe (d'après les Ukrainiens) 

En résumé, les Ukrainiens n'ont pas su exploiter correctement leur succès initial et sécuriser une ligne défensive solide (ce qui aurait nécessité de prendre Korenevo et Glushkovo). Si bien que maintenant, ils sont dans la région de Koursk dans la même situation qu'ailleurs sur le front: obligés de reculer face à des Russes plus nombreux et disposant de la supériorité aérienne. C'est donc un échec opérationnel pour l'Ukraine, qu'il convient d'analyser.

La première observation que l'on peut faire, c'est que les Russes, malgré leur confusion initiale, se sont relativement bien défendus; ils ont envoyé suffisamment de troupes pour obtenir une supériorité numérique locale, ont commencé à ériger des fortifications "au cas où" et ont profité de leur supériorité aérienne pour déverser des milliers de bombes planantes sur les Ukrainiens. Leur réaction a été un peu lente et ils ont comme d'habitude envoyé au casse-pipe des milliers de soldats, mais ils ont réussi à stopper les avancées ukrainiennes.

Du reste, les Russes n'ont pas été les seuls à être lents. Les Ukrainiens ont trop tardé à renforcer leur attaque, si bien qu'ils ont vite perdu l'avantage numérique qu'ils avaient durant la première phase. Et une fois cet avantage perdu, la progression des Ukrainiens. Il faut noter que la force d'attaque initiale (2 à 3 brigades mécanisées) était suffisante pour percer, mais pas pour contrôler un territoire aussi vaste. L'opération était-elle prévue pour être d'une ampleur bien plus limitée  (et aurait eu plus de succès que prévu) ? Ou bien les Ukrainiens avaient dès le départ l'intention d'envoyer plus d'unités, mais ne pouvait pas se permettre de dégager plus d'unités du front avant le début de l'opération de Koursk ?

Cette lenteur explique peut-être ce qui s'est passé mi-septembre, au moment des premières contre-attaques russes. D'abord, la contre-attaque russe enfonce les lignes ukrainiennes, en particulier celles tenues par la 109e brigade territoriales. Puis Zelensky déclare que "tout se déroule selon le plan" et les Ukrainiens lancent une offensive pour prendre à revers la contre-offensive russe, mais échoue. Je ne pense pas que les Ukrainiens avaient prévu la contre-offensive russe, et s'étaient préparés à les prendre à revers.

Je crois au contraire que le plan était de répéter ce qui s'est fait à Kherson à l'automne 2022, forçant la Russie à se retirer d'une zone où ils étaient coincés, dos à la rivière, et que l'Ukraine se préparait à attaquer Glushkovo après que les Russes soient affaiblis par un ou deux mois sans ravitaillement. Et que, surpris par la contre-offensive russe, le haut-commandement ukrainien a ordonné à ses troupes d'attaquer Glushkovo avant qu'elles soient prêtes à le faire, ce qui a été logiquement un échec.

Si mon hypothèse est bonne, on voit que le commandement ukrainien a commis deux erreurs:

  1. une erreur opérationnelle: avoir crû qu'ils pourraient réitérer Kherson 2022; il aurait été meilleur de foncer sur Glushkovo dès les premiers jours de l'offensive de Koursk et/ou n'avoir pas su ou pu  mobiliser les ressources (hommes et matériel) nécessaires pour le faire très rapidement.
  2. une erreur tactique: avoir confié la défense du "verrou" qui bloquait le ravitaillement russe à une simple brigade de défense territoriale. Ce n'est pas la première fois que le commandement ukrainien commet ce genre d'erreurs, qui semblent de plus en plus fréquentes (peut-être par manque de bonnes brigades pour tenir le front)

Du fait de ces erreurs, il est maintenant trop tard pour les Ukrainiens pour espérer établir une défense solide dans le territoire occupé, ce qui rend inévitable, à plus ou moins long terme, sa reconquête par les Russes. Ils sont contraints, à Koursk comme ailleurs, à devoir battre lentement en retraite.

 

 

Comme des lapins pris dans les phares d'un camion poubelle

Au delà du champ de bataille et de la situation sur le front, la désagréable impression d'immobilisme du mois dernier s'est accentuée. 

Zelensky a dévoilé son "plan de la victoire", et les réactions ont été pour le moins mitigées. Je crois que cela tient en partie à ce que ce plan n'est pas, comme beaucoup s'y attendaient, une stratégie militaire révolutionnaire. Il se place à un autre niveau. Il pose les conditions matérielles et diplomatiques d'une possible victoire ukrainienne, et montre quels seraient les avantages pour les Occidentaux (en particulier les Américains) de cette victoire. De fait, ce plan s'adresse avant tout à une personne: Donald Trump, qui pourrait bien emporter (légalement ou illégalement) l'élection présidentielle américaine. 

Et ce possible retour de l'ordure orange paralyse tout. Les Ukrainiens, bien entendu, mais aussi les Européens. Chacun sait bien que Trump le traitre fera tout pour que Poutine gagne. Qu'il disposera des leviers nécessaires pour ruiner toute stratégie (offensive comme  défensive) des Ukrainiens. Qu'il rendra tous les sacrifices ukrainiens vains.

Si on ne peut guère reprocher aux Ukrainiens d'être tétanisés par cette horrible perspective, l'immobilisme des Européens est moins excusable. Depuis des mois, les Européens auraient dû mettre en place tous les moyens nécessaires pour garantir la sécurité de l'Ukraine même en cas de victoire de Trump. Mais non. Ils se contentent d'espérer que Harris va gagner, ou que Trump ne fera pas ce qu'il a pourtant annoncé qu'il fera. Un bon dirigeant sait bien qu'il faut espérer le meilleur, mais se préparer au pire. Pour le moment, les préparations européennes sont dans le même état que les défenses ukrainiennes: inexistantes.Deux ans et demis après le début de cette guerre, et les Européens ne sont toujours pas prêts, et ne font rien pour l'être. Quelle honte !

dimanche 27 octobre 2024

Critique des analyses de Macette Escortert

Chaque jour ou presque, Macette Escortert publie sur Twitter (et un miroir sur Mastodon) un point de situation sur la guerre en Ukraine. Il/elle (je ne sais pas si c'est un homme ou une femme, dans le doute je vais utiliser le masculin) fait un travail de compilation des données à partir du renseignement en sources ouvertes (OSINT) et les analyses à partir de ces données. C'est un travail d'autant plus remarquable que c'est un des rares francophones à faire un point de situation quasi-quotidien.

Pourtant, je suis plus que réservé sur la pertinence de ses analyses, et je vais essayer d'expliquer pourquoi.



Un travail solide

Commençons par le positif: Macette Escortert a de très bonnes sources. Il s'appuie sur le travail de PouletVolant (qui lui-même s'appuie sur le travail de Andrew Perpetua), Oryx pour les pertes matérielles, Ragnar Bjartur Gudmundsson pour les statistiques. Un lecteur régulier de ce blog notera que j'utilise ces mêmes sources que pour mes propres analyses, preuve de la confiance que je leur accorde. 

Son travail est cité par des experts militaires et analystes très respectables, comme Olivier Kempf et Guillaume Ancel, autant de preuves de son sérieux et de la visibilité de ce travail dans la petite communauté des analystes militaires francophones. 

Macette Escortert a clairement pris parti pour l'Ukraine, ce qui est une bonne chose. D'une part parce que, dans cette guerre, n'importe qui ayant un minimum de moralité et d'humanité ne peut que prendre le parti de l'Ukraine, seuls les "cadavres moraux" sont pour la Russie. D'autre part, il vaut mieux annoncer clairement la couleur plutôt que de se draper dans une prétendue neutralité (qui n'est bien souvent qu'une manière de mal dissimuler un penchant pro-russe). Ça ne veut pas dire pour autant qu'il ne critique pas les décisions militaires prises par les Ukrainiens, bien au contraire.

Chaque jour, il prend les données disponibles en OSINT et calcule divers indicateurs, parmis lesquels:

  • les gains territoriaux, en km2, d'après les cartes établies par PouletVolant (indicateur calculé pour chaque secteur du front)
  • le "RAPFEU": rapport de feu, calculé à partir des déclarations ukrainiennes sur le nombre d'obus et de frappes aériennes tirés par chaque camp
  • le "RAPPERT": rapport des pertes, calculé à part des listes de pertes visuellement confirmées et qui sont publiées par Oryx, Andrew Perpetua etc
  • "l'efficience des feux": produit des deux précédents indicateurs

Il donne aussi des graphiques montrant l'évolution de ces indicateurs, donne diverses photos/vidéos disponibles publiquement pour illustrer son propos et surtout, il ne diffuse pas de fausses nouvelles, ce qui est très important en ces temps où celles-ci se diffusent comme une traînée de poudre.

Donc, où est le problème ?

 

 

Les chapeaux clicbait

Le premier reproche que je lui fait, assez mineur, est sa tendance à faire un chapeau (premier message de ses analyses sur Twitter, qui introduit le reste) souvent "putaclic" (clicbait en bon franglais). 

C'est normal, si l'on peut dire, dans le contexte de l'économie de l'attention. Tous ceux qui font des analyses quotidiennes sur Youtube/Twitter/etc le font aussi, car l'évolution du front, les événements, bref toute nouveauté d'un jour sur l'autre est souvent peu remarquable. Pour ma part, je ne fais qu'un point de situation par mois, et bien souvent tout ce que j'ai à dire se résume à: "c'est en gros comme le mois précédent". Donc, pour attirer l'attention avec un point quotidien, Macette Escortert exagère et dramatise, même s'il est loin d'être le pire dans ce domaine.

Un exemple récent de ce genre de travers est le point de situation du 21 octobre, dont le chapeau est: "#Kharkiv est à nouveau menacée". Non seulement c'est faux, mais ça ne résume absolument pas le reste de son fil Twitter , qui parle de plein d'avancées russes, mais pas vers Kharkiv.

Surtout, je vais prendre pour exemple son point de situation du 25 août 2024, puisqu'on m'avait demandé mon avis sur ce point-là et que c'est ce qui m'a ensuite conduit à écrire ce billet de blog pour développer mon point de vue. Le chapeau était:

"La bataille du Donetsk a pris une tournure inquiétante pour🇺🇦
Les forteresses de Toretsk et Chasiv-Yar ont été pénétrées et l’ennemi est à moins de 10 km de celles de Siversk et Pokrovsk"

Dit comme ça, on a l'impression qu'il y a urgence et que les Ukrainiens vont bientôt perdre ces 4 villes.

Le jour où Macette Escortert écrit ça, cela fait près de deux mois que les Russes attaquent à Toretsk, et cinq mois qu'ils sont à l'entrée de Chassiv Yar. D'ailleurs, concernant Chassiv Yar, les progrès des Russes étaient alors insignifiants depuis plusieurs semaines. Et, à l'heure où je publie ce billet (2 mois plus tard), les Russes ne sont pas beaucoup plus avancés dans ces deux villes, qui résistent toujours. Vers Siversk, la progression des Russes est aussi très lente; il n'y a que vers Pokrovsk que leur progression est plus rapide et réellement préoccupante pour les Ukrainiens.

J'ai aussi du mal à qualifier ces villes de "forteresses": ce sont des points défensifs importants qui ont été en partie fortifiés, mais pas des villes explicitement conçues pour une défense militaire comme pouvaient l'être les villes forteresses de Vauban en leur temps. Mais bon, c'est un abus de langage fréquent dans cette guerre, où Bakhmut, Avdiivka etc ont été qualifiées de "forteresses" sans que ce soit forcément justifié.

Dans l'ensemble, la situation des Ukrainiens est effectivement inquiétante (pour ce que l'on en sait). Mais cette situation le 25 août est juste légèrement plus inquiétante que celle du 24 août, et légèrement moins inquiétante que celle du 26 août: c'est plutôt une lente dégradation qui ne justifie pas un tel chapeau. Il aurait été plus juste d'écrire quelque chose comme:

"La bataille du Donetsk a pris une tournure inquiétante pour🇺🇦 au cours de ces derniers mois.
Ces deux derniers mois, les Russes ont pris pied dans les villes de Toretsk et Chasiv-Yar et l’ennemi avance lentement vers Siversk et plus rapidement vers Pokrovsk; les Russes sont désormais à moins de 10km de cette dernière ville."

 

 

Des indicateurs pas très indicatifs

Les chapeaux putaclics et inexacts ne sont pas le seul défaut de cette analyse quotidienne. Il y a aussi le risque que les indicateurs calculés quotidiennement finissent  par ne plus dire grand chose. Ainsi, les pertes, qui reposent sur les chiffres publiés par Oryx, sont mises à jour de manière irrégulière (et non quotidienne). Macette Escortert prend bien soin de "lisser" ces chiffres en considérant toujours une fenêtre glissante de 7 jours,  mais même ainsi il y a de grosses variations qui ne sont pas toujours très significatives. Ragnar Bjatur Gudmundsson, lui, préfère les lisser sur 30 jours.

Idem pour l'indicateur de RAPFEU qui varie quotidiennement, sans qu'on sache forcément si c'est dû à un changement dans la dynamique de la bataille ou à un simple bruit statistique. Et comme Macette Escortert combine les deux indicateurs pour calculer "l'efficience des feux", je suis très sceptique sur la pertinence de ce dernier indicateur.

Je précise: le problème n'est pas de calculer ces indicateurs, mais de vouloir à tout prix déceler du sens dans leurs valeurs et/ou leurs fluctuations quotidiennes. C'est un peu comme les journalistes qui commentent la moindre variation d'un sondage lors des élections présidentielles (genre "Macron gagne 0.25 point dans le dernier sondage Ipsos") en ignorant totalement les imprécisions de ces outils de mesure. Les variations ont du sens, par exemple, quand on compare les mois de février-mars-avril (où il était souvent supérieur à 20:1 en faveur des Russes) et la situation actuelle (où il est plutôt entre 5:1 et 10:1), ce qui témoignait alors de la pénurie de munitions côté ukrainien. Mais est-ce réellement une information si un jour le rapport est de 5:1, et le lendemain de 6:1 ou 7:1? Pas vraiment.

C'est pour cette raison que je préfère les analyses hebdomadaires / bimensuelles (comme le font Philips O'Brien, Donald Hill, et Olivier Kempf) ou celles, sans périodicité fixe, de Michel Goya, Perun et Anders Puck Nielsen, plus adaptées au temps long de la guerre.

Enfin, sur ces indicateurs, il y a une dernière chose qui me pose problème, d'un point de vue méthodologique: pour certains indicateurs (le RAPFEU, le volume des combats et leur localisations), Macette Escortert se fonde sur les déclarations des officiels ukrainiens. Pour d'autres (notamment les pertes, et les gains territoriaux), il ignore totalement ces déclarations pour ne considérer que les chiffres OSINT. Ça me semble étrange de considérer dans certains cas les chiffres fournis par les Ukrainiens comme fiables à 100%, et dans d'autres comme fiables à 0%. Ce qui m'amène à ma prochaine critique.


 

Les limites du "tout-OSINT"

Dans cette guerre, les informations obtenues à partir du renseignement en source ouvertes (OSINT) sont souvent ce qu'il y a de plus fiable. Mais il ne faut pas tomber dans le piège de croire qu'elles reflètent parfaitement la réalité: il y a toujours des pertes non documentées, des choses qu'on ne voit pas, et donc des incertitudes. Inversement, certaines informations, mêmes non confirmées par l'OSINT, sont quand même vraies.

Or, dans ses statistiques comme dans ses analyses, Macette Escortert fait comme si tout ce qui est en dehors de l'OSINT n'existe pas. Et ce, sans aucune précaution oratoire. Ainsi, comme je l'ai dit plus haut, Macette Escortert calcule chaque jour un rapport des pertes basés sur les chiffres Oryx des 7 derniers jours.

Il est raisonnable de croire que le rapport de pertes "réelles" est proche de celui donné par les pertes documentées sur Oryx, mais cela repose sur les hypothèses suivantes:

  • les deux camps publient sensiblement la même proportion de vidéos/documents visuels
  • les deux camps sont équipés de manière sensiblement égale
  • Oryx a eu les moyens de vérifier et publier l'ensemble des pertes documentées

Si ces hypothèses ne sont pas vérifiées (or dans cette guerre, elles sont peut-être vraies sur le long terme, mais pas d'un jour sur l'autre ou même d'une semaine sur l'autre), il faut ajuster le rapport de pertes et/ou prendre des intervalles de pertes réelles plus larges (ce que je fais dans mes estimations des pertes semestrielles). Ou alors, considérer que les pertes documentées sont des pertes minimales, et ne pas chercher à établir le rapport de pertes réelles.

Donc la prudence recommande de considérer les chiffres OSINT, mais en gardant à l'esprit qu'ils peuvent ne refléter qu'une partie de la réalité. En particulier, quand un camp maintient une bonne OPSEC (et donc publie peu de vidéos), cela peut donner l'impression trompeuse qu'il a un rapport de perte défavorable. 

Ainsi, dans la région de Koursk, les Ukrainiens sont relativement discrets sur leurs opérations, et donc les vidéos/photos viennent plutôt des Russes. Les pertes documentées ukrainiennes dépassent donc logiquement les pertes documentées russes (cf le travail de @naalsio). Peut-ont en déduire que les pertes réelles ukrainiennes sont plus nombreuses que celles des Russes ? Non. On a au contraire de bonnes raisons de penser que, du moins dans les premières semaines de cette offensive, le rapport de pertes était très favorable à l'Ukraine: attaque bénéficiant de l'effet de surprise, nombreux Russes capturés, confusion dans la chaîne de commandement russe, qui a amené à  plusieurs tirs "amis" sur leur propre matériel, et une frappe HIMARS dévastatrice sur un convoi de troupes près de Rylsk. Tout cela n'est pas forcément quantifiables, et il doit y avoir beaucoup d'évènements qui n'ont pas été documentés et/ou pas publiés. Mais un analyste, même s'il se fonde sur l'OSINT, doit aussi accepter l'idée que le brouillard de guerre et la bonne OPSEC côté ukrainien peuvent faire que les données disponibles publiquement donnent une image qui ne correspond pas forcément à la réalité, et en tenir compte dans ses analyses.



L'opération Delta

L'offensive de Koursk (et la manière dont Macette Escortert l'analyse) est la seconde raison de l'existence de ce billet; Macette est radicalement contre. Sa thèse est la suivante: l'offensive ukrainienne (qu'il appelle l'opération Delta) ne sert à rien; pire, en transférant des brigades ukrainienne du Donbas vers Koursk, elle est la cause des avancées russes dans le Donbas. J'ai déjà évoqué cette thèse (et l'avais réfutée) dans mon bilan du mois d'août. Je vais faire ici plutôt une critique des arguments de Macette Escortert en eux-même, en le citant textuellement et en expliquant ce qui ne va pas (d'un point de vu logique et/ou factuel) dans ce qu'il écrit.

Voici par exemple ce qu'il écrivait le 8 août:

"Il en sera du 3ème raid de l’armée 🇺🇦sur le territoire🇷🇺comme des deux précédents : une piqure d’épingle sur le mammouth

Etait-il nécessaire d’immobiliser une brigade pour lancer le raid de #Sudzha ?
"

Alors, certes, ce n'était que deux jours après le début de l'opération, et on manquait d'information, mais comparé à ce que j'écrivais le même jour, Macette Escortert n'avait alors pas compris:

  • que ce n'était pas qu'un simple raid
  • les intérêts stratégiques de cette attaque, le plus important étant que l'Ukraine franchissait allègrement deux "lignes rouges" et se permette de porter la guerre terrestre en Russie, ce qui fragilise de fait l'ensemble de la frontière entre les deux pays

A propos de lignes rouges, Macette Escortert lie d'ailleurs l'offensive de Koursk avec l'autorisation (toujours refusée) d'utiliser les ATACMS et StormShadows/SCALP EG sur le sol russe. D'abord pour dire que "les alliés occidentaux vont réfléchir encore plus avant d’octroyer des autorisations de frapper en 🇷🇺" (ce qui se révélera faux: il n'y a eu aucun changement sur ces autorisations, ni en bien, ni en mal). Puis pour émettre l'hypothèse que c'était un des objectifs de l'opération Delta (et donc y voir une preuve de l'échec de cette offensive): "Si l’opération ▵ avait pour but principal de modifier la perception occidentale de la menace 🇷🇺, c’est raté"

Or, ce que l'opération Delta a montré (s'il en était encore besoin), c'est la vacuité des lignes rouges russes. L'invasion du territoire russe, c'est un cran au-dessus des frappes à longue distance (dans l'échelle de l'escalade). Et Poutine n'a strictement rien fait. Autrement dit: elle a montré que l'Occident peux donner cette autorisation sans  déclencher l'apocalypse nucléaire. C'est d'ailleurs pour essayer de rétablir cette ligne rouge que Poutine a ensuite modifié la doctrine russe d'usage des armes nucléaires.

Mais la décision finale appartient aux Occidentaux, et en particulier à Biden, qui a refusé probablement plus pour des questions de politique intérieure aux USA et/ou de la trop grande prudence de Biden qu'en raison des actions des Ukrainiens (dont l'opération à Koursk). Bien sûr, on ne saura pas le fin mot de l'histoire avant plusieurs mois/années, mais d'après ce que l'on sait actuellement, Macette Escortert a tort de lier ce refus à la décision ukrainienne d'attaquer à Koursk.

Peut-être que ce qui perturbe Macette Escortert (comme d'autres analystes) est que comme les Ukrainiens n'ont jamais vraiment annoncé quels étaient leurs buts dans cette opération, et qu'ils continuent à donner le moins d'information possible, il est difficile d'estimer si ces buts ont été atteints. J'y reviendrai dans mon bilan du mois d'octobre, mais on peut maintenant dire que, après un succès initial, les Ukrainiens n'ont pas réussi à prendre les positions qui leur auraient permis ensuite de défendre facilement la région (notamment en prenant les villes de Koronevo, Glushkovo et toute la zone au sud de la rivière). Cela illustre une nouvelle fois les problèmes du commandement ukrainien au niveau corps/division dont je parlais déjà en janvier 2024.


Cela étant dit, je vais revenir sur la thèse principale de Macette Escortert une nouvelle fois (en essayant de ne pas trop répéter ce que j'ai déjà dit), et ce pour deux raisons. La première, c'est que, comme le rappelle le professeur Phillips P. O'Brien, cette thèse est précisément celle de Poutine, et qu'il est donc significatif qu'un analyste pro-Ukraine reprenne les éléments de langage de la propagande russe. La seconde est que le travail de Macette Escortert nous donne directement un argument fort pour réfuter cette thèse.

En effet, Macette Escortert affirme que "Les défenses fortifiées 🇺🇦cèdent facilement parce qu’elles sont mal valorisées, à cause des transferts d’unités vers #Koursk" et en effet les Russes ont bien attaqué les défenses Ukrainiennes dans certains secteurs: Pokrovsk, bien sûr, mais aussi Toretsk depuis fin juin (même si la situation y semble plus ou moins stabilisée maintenant) et, plus récemment vers Kupyansk et Vuhledar. Et l'argument semble logique: les Ukrainiens manquent d'hommes et de munitions sur la ligne de front, si des brigades ukrainiennes sont retirées de certains secteurs, il n'est pas surprenant que ces mêmes secteurs soient affaiblis et que les Russes y progressent

Et Macette détaille la provenance des brigades ukrainiennes, par exemple dans son point du 7 septembre où il dit: "Observez bien ces transferts et ré-allocations, ils sont la clé de l’énigme du ▵" Donc, si on regarde plus précisément d'où viennent les brigades transférées à Koursk, on constate que:

  • 10% viennent du secteur de Pokrovsk où effectivement, les Russes ont beaucoup avancé
  • 10% viennent de Toretsk où effectivement, les Russes ont un peu avancé
  • 80% viennent de secteurs où les Russes n'ont guère progressé

Inversement, les percées les plus récentes (Kupyansk et Vuhledar) ce sont fait dans des secteurs non concernés par ces transferts d'unités. Donc le travail de Macette Escortert montre qu'il n'y a pas de corrélation entre les secteurs où les Russes percent les défenses ukrainiennes et les secteurs où les Ukrainiens ont prélevés des brigades.

On peut bien sûr argumenter que, même si des brigades ne sont pas transférées à Kursk, l'opération Delta consomme des munitions qui seraient bien utiles sur le front Est, mais cet argument est aussi valable pour les Russes, qui consacrent très probablement bien plus d'hommes et de munitions que les Ukrainiens dans le secteur de Kursk. Récemment, on a dit que les Russes y emploient 60% de toutes leurs attaques par bombes planantes

Je l'ai déjà dit, les causes des reculs ukrainiens sont multiples et ne peuvent se résumer à "les Ukrainiens ont attaqué à Kursk". Ces reculs sont préoccupants, et en identifier les causes est vital pour les Ukrainiens. C'est justement pour ça que l'analyse erronée de Macette Escortert de l'opération Delta n'aide pas à comprendre la situation sur le front et ce dont les Ukrainiens ont besoin.


 

Un pessimisme tournant au défaitisme

La dernière chose qui me dérange, ces derniers mois, c'est le ton excessivement pessimiste de ses analyses. Il ne s'agit pas ici de prétendre que les Ukrainiens n'ont pas de problèmes (ils en ont beaucoup), mais de faire la distinction entre une analyse critique et un message défaitiste.

Tatarigami pointe les problèmes structurels qui handicapent encore l’armée ukrainienne, mais finit toujours par une note positive, en donnant une piste comment les résoudre.

Tom Cooper/Sarcastosaurus (je ne suis pas fan de son style non plus, pour d’autres raisons) pointe les problèmes structurels qui handicapent encore l’armée ukrainienne, blâme les généraux ukrainiens pour leurs échecs, considère tous les hommes politiques occidentaux (et ukrainiens) pour des corrompus et des incompétents mais rappelle que les problèmes sont encore pire chez les Russes.

Ces derniers temps, Macette Escortert se contente de dire que les Ukrainiens ne peuvent rien faire contre les Russes qui eux sont « efficaces ». Dire ça n’est pas pointer les problèmes structurels qui handicapent encore l’armée ukrainienne. C’est juste une forme de défaitisme qui ne nous apprend rien mais va dans le sens des discours pro-russes.

Je dis souvent que, quand je veux avoir un point de vue optimiste sur la guerre en Ukraine, j'écoute Xavier Tytelman et pour un point de vue pessimiste, je lis Olivier Kempf. Ces derniers temps, j'ai l'impression que Macette Escortert réussit l’exploit d'être encore plus pessimiste que Olivier Kempf, c'est dire.
 
Alors, peut-être que c'est moi qui me fait des idées, mais depuis plusieurs mois j'ai du mal à lire quoi que ce soit de positif pour les Ukrainiens sous la plume de Macette Escortert. "🇺🇦est en train de perdre la Guerre. Si les Alliés et l’🇺🇦 ne prennent pas des mesures drastiques, alors, oui, cette guerre sera perdue. Epuisement🇺🇦" nous dit-il le 17 octobre 2024, alors que, quelques jours plus tôt, Anders Puck Nielsen expliquait pourquoi l'attrition joue dans les deux camps et qu'il ne faut pas considérer la situation de l'un sans regarder l'épuisement de l'autre.

J'insiste bien: c'est vraiment le ton de ses analyses qui me pose problème, pas le diagnostique des problèmes des Ukrainiens. Ainsi, quand il veut justifier que "l'Ukraine perd la guerre", il donne les raisons suivantes:
• mobilisation 🇺🇦tardive et insuffisante
• aide occidentale insuffisante
• retards👇 et restrictions dans l’aide en raison de craintes d’escalade
• application laxiste des sanctions
• manque de volonté politique en Occident
• mauvaises décisions militaires🇺🇦 

• asymétrie des belligérants 🇷🇺est un pays quatre fois plus peuplé avec l’une des plus grandes industries militaires
• alliés de la🇷🇺comme🇰🇵👇, contribuent plus que certains pays européens dont le PIB est bien plus élevé !

Je suis plus ou moins d'accord avec cette liste de problèmes des Ukrainiens, à quelques détails près (mais il me faudrait un billet aussi long pour développer). 
 
Si je ne partage pas ses conclusions sur "qui gagne la guerre", c'est parce que les problèmes russes sont encore plus graves:
  • situation économique intenable à moyen/long terme
  • production militaire très inférieure aux besoins (hors sortie des stocks)
  • stocks militaires qui s'épuisent
  • décisions militaires stupides à tous les niveaux, avec obligation d'obéir aux décisions absurdes de Poutine
  • corruption et culture du mensonge omniprésente (bien pire qu'en Ukraine)
  • asymétrie (militaire et économique) avec l'OTAN qui domine la Russie sur tous les plans
  • les "alliés" des Russes n'ont que peu voir pas d'intérêt à ce que la Russie gagne en Ukraine, et ont tout intérêt à ce qu'elle s'affaiblisse tout en profitant de la guerre pour leurs propres intérêts

Or, quand Macette Escortert parle de ces points négatifs, c'est pour les minimiser. Je suis d'accord avec lui que les Occidentaux ne devraient pas se contenter d'attendre que la Russie épuise ses stocks et devraient au contraire augmenter nettement leur soutien, car on ne sait jamais ce qui peut arriver demain. D'ailleurs, je le disais déjà il y a maintenant plus d'un an. Mais c'est absurde de "prolonger les courbes" quand il s'agit des pertes ukrainiennes et des problèmes ukrainiens (pour justifier l'affirmation que "🇺🇦est en train de perdre la Guerre") puis de refuser de faire de même pour les Russes.

Et surtout, ce qui fait pencher la balance en faveur de l'Ukraine, c'est que presque tous les points listés en défaveur de l'Ukraine peuvent être améliorés. A l'inverse, presque tous les points listés en défaveur de la Russie ne peuvent pas être résolus par la Russie seule. C'est pourquoi je dis que le seul espoir de Poutine est que Trump soit élu et lui offre une victoire qu'il ne peut obtenir par des moyens militaires. Ce qui, malheureusement, est bien possible.

 
 

Conclusion

J'ai écris en grande partie ce billet mi-septembre, et j'ai longtemps hésité à le publier. D'abord, parce  que ce genre de critique est souvent mal comprise, à l'heure des réseaux sociaux et de la culture du clash. Il ne s'agit pas d'être "pour ou contre Macette Escortert", mais de reconnaître qu'il fait un très bon travail de synthèse tout en pointant les limites de ses analyses. 

Ensuite, parce que ces limites sont, à mon sens, largement liées à l'exercice auquel il s'astreint: faire un point de situation quasi-quotidien. Depuis un an, l'armée russe grignote les défenses ukrainiennes, et Macette Escortert rend compte de ces reculs jour après jour. Difficile, dans ces conditions, de ne pas sombrer dans le pessimisme. 

Au départ, on expliquait ces avancées russes par l'arrêt de l'aide américaine (qui a effectivement fait très mal aux Ukrainiens). Mais, alors que cette aide a repris depuis mai/juin 2024, on constate que la Russie progresse encore plus vite. Est-ce le résultat d'un épuisement de l'armée Ukrainienne ? D'un changement de stratégie des Ukrainiens qui privilégient une défense plus mobile ? Des Russes qui jouent leur va-tout en comptant sur l'élection de Trump ? Je ne sais pas. Instinctivement, je dirais "un peu des trois", mais ça reste un sentiment plus que le résultat d'une analyse.

Mais Macette Escortert ne peut pas se payer le luxe de dire "je ne sais pas", il lui faut une explication, même mauvaise, à cette progression russe. La principale explication qu'il a choisi, c'est de faire porter la chapeau à l'offensive de Kursk. Et à partir de ce choix, il sélectionne ce qui va dans son sens (et ignore ce qui n'y va pas). Bref, le cocktail très classique biais de confirmation / cherry picking que nous avons tous naturellement tendance à faire, et contre lequel il faut lutter en permanence.

Pour finir, si je peux donner quelques conseils à Macette Escortert, ce serait:

  • de prendre un peu de recul (autant que le permet son exercice de rapport quasi-quotidien): la guerre ne sera pas gagnée ou perdue par le contrôle de telle ou telle ville du Donbas, mais plutôt sur la capacité (humaine et matérielle) à poursuivre l'effort de guerre
  • de ne pas sur-interpréter, de ne pas chercher à lier forcément deux évènements ou deux statistiques entre eux; un indicateur statistique est avant tout un indicateur et la carte (même les superbes cartes de pouletvolant3) n'est pas le territoire
  • de prendre quelques précautions oratoires, et d'accepter qu'il y a des doutes, des zones d'ombres, des secrets, et que tout n'est pas (encore) documenté

 

lundi 14 octobre 2024

Les élections américaines

Je l'ai déjà dit plusieurs fois sur ce blog: le résultat des prochaines élections américaines seront bien plus déterminantes que n'importe quelle bataille en ce qui concerne la guerre en Ukraine. En effet, Trump cache à peine son intention de donner la victoire à Poutine, sans aucune compensation (aucune autre que celle de l'avoir aidé à être élu). A l'inverse, si les Démocrates gagnent la présidentielle et les élections parlementaires, et que Harris peut accroître le soutien américain à l'Ukraine, c'est la Russie qui finira par épuiser ses réserves matérielles et financières et devra concéder sa défaite.

Or, pour le moment le résultat de cette élection semble très incertain; selon les sondages c'est quasiment du 50/50 entre Harris et Trump. Je ne suis pas analyste politique, je ne peux pas dire qui va gagner le mois prochain. En revanche, cette incertitude en dit long sur les USA en ce moment.



Sondages: "too close to call"

Depuis que Kamala Harris a remplacé Joe Biden comme candidate démocrate à l'élection présidentielle, les sondages décrivent une course proche de l'équilibre. Certes, Harris a une légère avance au niveau national, mais dans les 7 swing states (Wisconsin, Michigan, Pennsylvanie,  Caroline du nord, Georgie, Arizona et Nevada), les moyennes des sondages sont tellement proches qu'on ne pas prédire qui sera le vainqueur. Comme d'habitude, les média commentent ça comme une course de chevaux et font leurs gros titres quand un sondage favorise l'un ou l'autre des candidats, mais ceux qui ont fait un peu de science savent ce qu'est le bruit statistique et savent bien que des variations se situant dans les marges d'erreur des sondages (autour de 4%) sont insignifiantes. Tout au plus, on peut dire que l’écart se ressert, même si c'est peut-être une illusion renforcée par les très nombreux sondages pro-Tump publiés ces derniers temps.

Il existe bien des modèles qui essaient de prédire le résultat, mais honnêtement, je ne sais pas quoi en penser. Et de toute façon, la plupart d'entre eux décrivent également une bataille serrée même s'ils prédisent tel ou tel vainqueur. Quoi qu'il en soit, cette quasi-égalité dans les sondages peut être interprétée de différentes manières.

Les Trumpistes rappellent que en 2016 comme en 2020, les sondages donnaient les Démocrates largement gagnants, et au final Trump a gagné en 2016 et n'est pas passé loin de la réélection en 2020. Ils estiment donc que cette égalité, en 2024, signifie que Trump va gagner.

A l'inverse, les Démocrates soulignent qu'en 2022, c'était les Républicains qui étaient surestimés dans les sondages; que depuis que la Cour Suprême a annulé "Roe vs Wade", les Démocrates font mieux que les Républicains dans les élections partielles, y compris dans des endroits acquis aux Républicains. Les électeurs démocrates sont également plus mobilisés, Harris récolte plus de dons, et le fait qu'il y aura un referendum sur l'avortement dans plusieurs états-clefs laissent penser que les Démocrates feront peut-être bien mieux que ce que prédisent les sondages. D'ailleurs, en 2012, les sondages prédisaient en octobre une élection très serrée qui fut au final largement emportée par Obama. De plus, certaines personnes (Allan Lichtman, Michael Moore) qui avaient prédit (contre l'opinion alors dominante) une victoire de Trump en 2016 prévoient cette année une victoire de Harris.


 

De la démocratie en Amérique, et de son avenir

Quoi qu'il en soit, il est certain que près de 50% des Américains vont voter pour Trump, et ça en dit long sur l'avenir de la démocratie aux USA. Car Trump n'est pas un candidat ordinaire. C'est un extrémiste qui ne cache guère ses velléités de détruire la démocratie, purement et simplement. Au contraire de Harris qui a une campagne très centriste, Trump multiplie les outrances, les mensonges, et se prépare une fois de plus a se déclarer vainqueur de l'élection (sans attendre le résultat du dépouillement) puis à répéter, à plus grande échelle, ses tricheries de 2020. Ce ne devrait pas être du 50/50 mais du 80/20 en faveur de Kamala Harris. Pourtant, la grande majorité des électeurs républicains (et une partie des indépendants) compte toujours voter  pour Trump. Pourquoi ? 

Une partie de la réponse tient en deux mots, deux travers de la presse: le bothsidesism et le sanewashing. Le bothsidesism, ou faux équilibre en bon français, consiste à présenter de manière équilibrée une situation qui ne l'est pas. Le sanewashing, qui découle du faux équilibre, c'est quand les média aseptisent les propos de Donald Trump et compagnie. Les média répugnent à décrire objectivement Trump (un criminel narcissique plus proche de Vito Corleone que d'Abraham Lincoln) et ses propositions politiques (ouvertement extrémistes, voire fascistes) pour ce qu'elles sont, de peur "d’apparaître comme partisans". Trump dit ouvertement qu'il veut être un dictateur "juste le premier jour", mais on sait bien que tous les dictateurs prolongent ensuite la période "exceptionnelle" pendant laquelle ils peuvent exercer leurs pleins pouvoirs. Il dit que s'il est élu, il n'y aura ensuite "plus besoin de voter". Toutes ces remarques, tous les scandales que traîne Trump auraient dû avoir mis fin à sa carrière politique, mais "Teflon Don" s'en sort toujours.

Et je crois que c'est parce qu'une grande partie de la droite américaine est OK pour mettre fin à la démocratie américaine... du moment que c'est leur camp qui obtient le pouvoir. Ils veulent que leurs idées triomphent, peu importe le moyen anti-démocratique. Leur devise n'est pas "E Pluribus Unum", ni même "In God we Trust", c'est "le pouvoir à tout prix". C'est pour ça que, après le 6 janvier 2021, ils n'ont pas voté l'impeachment contre Donald Trump. Ce sont des gens qui lisent La servante écarlate et se disent "ce n'est pas si mal, ce qu'ont fait les Fils de Jacob pour prendre le pouvoir". 

Le problème n'est donc pas juste Trump, c'est tout le mouvement néofasciste qui a transformé le parti républicain, qui radicalise une grande partie de la population et pourrit toute la société américaine de l'intérieur. Même si Harris gagne la présidentielle et obtient une majorité à la Chambre des représentants et au Sénat, l'Amérique n'en aura pas fini avec ses démons. Pour son malheur, et celui de l'Ukraine et du reste du monde.


mercredi 2 octobre 2024

Guerre en Ukraine: bilan du mois de septembre 2024

Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois de septembre 2024, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2023 ainsi que fin janvier, fin février, fin mars, fin avril, fin mai, fin juin, fin juillet et fin août 2024.

Ce mois-ci, les Russes ont continué leur grignotage des défenses ukrainiennes. La situation reste très préoccupante vers Pokrovsk, Toretsk, Vuhledar (sur le point de tomber aux mains des Russes) et à l'est de Kupyansk. En ce qui concerne l'offensive ukrainienne dans la région de Kursk, les Russes ont contre-attaqué, et les Ukrainiens ont alors contre-contre-attaqué. La situation reste confuse et couverte par un épais brouillard de guerre, mais il semble que les Ukrainiens ont perdu un peu de terrain.

 


Explosion du dépôt de munition de Toropets (18 septembre)

EDIT: Pour tous les changements sur la ligne de front, je renvoie au très complet bilan mensuel du site Militaryland.net

 

 

Pertes russes

Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: Artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les chiffres mensuels habituels ces derniers mois, ainsi que les moyennes pour la première année (mars 2022 à février 2023) et la deuxième année (mars 2023 à février 2024) puis les chiffres de mars > avril > mai > juin > juillet > août > septembre 2024

  • Artillerie 
    • moyenne 1ere année: 190/mois
    • moyenne 2e année: 650/mois
    • 980 (mars) > 961 (avril) > 1129 (mai) > 1393 (juin) > 1553 (juillet) > 1528 (août) > 1208 (septembre)
  • MLRS
    • moyenne 1ere année: 40/mois
    • moyenne 2e année: 43/mois
    • 23 (mars) > 30 (avril) > 35 (mai) > 22 (juin) > 21 (juillet) > 45 (août) > 28 (septembre)
  • DCA
    • moyenne 1ere année: 21/mois
    • moyenne 2e année: 37/mois
    • 53 (mars) > 36 (avril) > 36 (mai) > 58 (juin) > 34 (juillet) > 33 (août) > 23 (septembre)
  • Équipements spéciaux
    • moyenne 1ere année: 19/mois
    • moyenne 2e année: 114/mois
    • 228 (mars) > 148 (avril) > 187 (mai) > 284 (juin) > 249 (juillet) > 280 (août) > 336 (septembre)

Ces chiffres sont donc en baisse comparés à ceux du mois précédent, à part la catégorie "équipement spéciaux" qui elle bat tous les records. De manière générale, les pertes annoncées, bien qu'en légère baisse, restent toujours très élevés: 38 110 hommes et 4 377 pièces d'équipement perdues par les Russes selon le comptage mensuel fait par Ragnar Bjartur Gudmundsson.

Les campagnes de frappes aériennes ont continué, les événements les plus significatifs étant la destructions de trois grands dépôts de munitions russes: deux près de la ville de Toropets et un à Tikhoretsk. Selon les services de renseignement estoniens, ces munitions détruites représentent l'équivalent de ce que les Russes consomment en 3 mois de combat.



Temps mort

Malgré la fureur des combats (qui ne diminuent guère en intensité), septembre a encore été un de ces mois où il est difficile de se faire une idée de ce qui se passe, et on a l'étrange impression que, paradoxalement, il ne se passe rien de notable. Par exemple à Koursk, il semble que les Ukrainiens ne progressent plus, voire reculent, malgré l'envoie de nouveaux renforts. Est-ce parce qu'ils ont été vaincus ? Ou que le commandement ukrainien a changé ses plans ?  Il en est de même pour les offensives Russes: ceux-ci attaquent partout, sans se soucier de leurs pertes, pour des gains au final assez dérisoires. 

La progression russe est un peu plus rapide (par exemple en ce moment vers Vuhledar) sans qu'on en sache la raison. Est-ce parce que les Ukrainiens se replient plus ou moins volontairement ? Qu'ils sont à bout de souffle et à deux doigts de craquer ? Qu'il manque les armes et munitions qui avaient permis d'y repousser les Russes en 2022 et 2023 ? Pourtant, le soutien occidental est rétabli depuis plusieurs mois, du moins sur le papier.

La fatigue des deux armées explique peut-être pourquoi on a ce genre de situation, comme si deux boxeurs fatigués se donnaient des coups parfois puissants mais toujours mal ajustés.

Mais, si je devais deviner, je crois que chacun est en fait dans l'attente des résultats des élections américaines, qui plus que tout autre chose va décider du sort de l'Ukraine. Car, à un mois de l'élection, l'incertitude est toujours grande. Si Kamala Harris domine dans les sondages au niveau national, ce sont les grands électeurs qui décident de l'élection, et dans les swing states, les sondages donnent toujours Harris et Trump au coude à coude. Sans compter toutes les tricheries que Trump essaiera de mettre en oeuvre pour conquérir le pouvoir.

vendredi 20 septembre 2024

Big boum big badaboum

Dans la nuit du 17 au 18 septembre 2024, les Ukrainiens ont détruit un important dépôt de munitions situé à proximité de la ville de Toropets, dans la région russe de Tver, à environ 500km des frontières de l'Ukraine.


Dépôt de munitions de Toropets, au petit matin du 18/09/2024


 

Un exemple de mauvais journalisme

Dans un premier temps, cette attaque a donné lieu à un n-ième exemple de mauvais journalisme dans certains média, en France et ailleurs.

Voici ce qu'en dit le fil en direct du Figaro:

"Des drones ukrainiens ont «détruit» un entrepôt contenant des missiles et des munitions d'artillerie dans l'ouest de la Russie, a affirmé mercredi à l'AFP une source des services de sécurité ukrainiens, les autorités russes ordonnant, elles, des évacuations en raison d'un «incendie». Des vidéos, publiées sur les réseaux sociaux et par des médias russes et ukrainiens, montrent d'impressionnantes explosions répétées et un immense panache de fumée. L'AFP n'est pas en mesure de confirmer leur authenticité dans l'immédiat."

Et ce qu'en dit celui du Monde:

"Des drones ukrainiens ont « détruit » un entrepôt contenant des missiles et des munitions d’artillerie dans l’ouest de la Russie, a affirmé mercredi à l’Agence France-Presse (AFP) une source du service de sécurité d’Ukraine (SBU), les autorités russes ordonnant, elles, des évacuations en raison d’un « incendie ». Des vidéos, publiées sur les réseaux sociaux et par des médias russes et ukrainiens, montrent d’impressionnantes explosions répétées et un immense panache de fumée. Le Monde n’est pas en mesure de confirmer leur authenticité dans l’immédiat."

C'est quasiment le même texte, et pour cause: c'est une dépêche AFP qui a été copiée/collée. Le Monde a juste pris le soin de changer une référence à l'AFP par le propre nom de son journal et de préciser la signification des acronymes AFP et SBU. Mais, pour être honnête avec le quotidien du soir, ils ont ensuite fait un vrai article sur le sujet, qui est bien meilleur que la dépêche AFP.

Le Monde et Le Figaro ne sont pas les seuls à reprendre ces dépêches AFP qui se contentent de citer les uns et les autres sans jamais chercher à démêler le vrai du faux, comme dans cet article de France 24:

"Les autorités régionales de Tver ont annoncé sur Telegram qu'un "incendie (était) en cours d'extinction à l'endroit où sont tombés les débris d'un drone" à Toropets, sans mentionner d'entrepôt d'armement. Elles ont affirmé que les systèmes de défense antiaérienne continuaient de "repousser une attaque de drones massive" contre la ville. L'Ukraine mène régulièrement des frappes de drones contre le territoire russe, touchant parfois des cibles très éloignées de ses frontières. Elle affirme souvent viser des infrastructures militaires ou énergétiques afin de perturber la logistique des troupes russes."

Notez que:

  • à aucun moment, l'AFP ne souligne le mensonge plus qu'évident des Russes. Ils se contentent de rapporter les dires des uns et des autres, sans apporter plus de précisions (comme les photos, vidéos, images satellite etc qui prouvent les dires des Ukrainiens et contredisent les mensonges des Russes
  • ce faisant, ils mettent sur un pied d'égalité les deux, ce qui jette un doute sur l'affirmation ukrainienne

C'est ce qu'on appelle en anglais du "bothsidesism", une forme particulièrement pernicieuse de "journalisme" qui, à la fois par fainéantise et par soucis de neutralité, refuse de "prendre parti" même quand un des camps ment clairement. Et, comme toujours, beaucoup de journalistes refusent de faire une quelconque analyse "à chaud" de ce qui s'est passé.

Déjà, évacuons tout de suite les mensonges russes: le dépôt a bien été en grande partie détruit suite à une attaque aérienne ukrainienne. Cela dit, il reste bien des questions pour lesquelles nous n'avons que des éléments de réponses.

 

 

Que contenait ce dépôt ?  

Le 107e arsenal de la Direction générale des missiles et de l'artillerie (GRAU), situé à quelques km seulement de la petite vile de Toropets, est un dépôt soviétique récemment rénové (de 2015 à 2019, pour 39 millions de $).  Selon Euronews, il contenait 30 000 tonnes de munitions et de carburant, ce qui peut paraître beaucoup mais est possible vu la surface de ce vaste dépôt (5km2). Le site comprenait en effet une centaine de bâtiments de stockage, chacun pouvant contenir jusqu'à 240 tonnes de munitions/explosifs et conçu pour résister "à une petite explosion nucléaire", aux dires des Russes. Les 30 000 tonnes annoncées correspondent donc à la capacité maximale du site, pas nécessairement à ce qu'il contenait au moment de l'attaque.

Selon les sources ukrainiennes, il aurait stocké des éléments pour missiles Tochka-U et iskanders, des bombes aériennes, des obus d'artillerie, y compris de l'artillerie et des missiles nord-coréens. Il n'est pas possible de vérifier les dires ukrainiens (notamment sur la présence de munitions nord-coréennes) mais la violence des explosions et la persistance des incendies indiquent sans aucun doute qu'il y avait beaucoup de matières explosives et inflammables qui y étaient entreposées.



Quelle a été la violence des explosions  et des incendies ?  

Selon les témoignages, l'attaque s'est produite à 3h du matin, heure locale, et a déclenché de nombreuses explosions secondaires pendant des heures, puisque le site était toujours en flamme au matin du 18 et l'incendie n'était pas encore complètement éteint le 19.  Il y peut-être eu plusieurs vagues d'attaques, celle de 3h n'étant que la première.

La plus forte explosion aurait été équivalente à 240 tonnes de TNT, soit environ 1% de la puissance de la bombe atomique d'Hiroshima et provoquant un petit tremblement de terre (2,8 sur l'échelle de Richter), enregistré à 3h56. Les Ukrainiens parlent même d'une explosion de 1,8 kilotonnes (9% de la puissance d'Hiroshima), dont le souffle se serait propagé dans un rayon de 320 km. Si cela semble exagéré compte tenu des données sismiques, ces dernières laissent penser qu'au moins un entrepôt avec la capacité maximale de 240t a été détruit en un seul coup. Quoi qu'il en soit, on peut déjà affirmer que c'est la plus grosse explosion enregistrée durant cette guerre. Et si ce fut la principale explosion, ce fut loin d'être la seule. Si le tremblement de terre le plus important a eu lieu à 3h56, c'est un total de 18 tremblements de terres qui ont été enregistré pendant les deux heures suivantes. De nombreuses explosions se sont fait entendre, même 24h après l'attaque initiale.

Au matin du 18, les données FIRMS indiquait que les incendies couvraient 13km2, plus du double de la surface du dépôt. Une analyse des images satellites montre que sur les plus de 100 bâtiments entreposant des munitions, 56% ont été détruits, 36% endommagés et seulement 8% sont intacts.



Comment ont procédé les Ukrainiens ? 

Le dépôt est à 500km de leurs frontières. Si les Ukrainiens ont déjà frappé plus loin (jusqu'à 1800 km), c'était à l'aide de drones (similaires à de petits avions à hélice télécommandés) et incapables de pénétrer dans un bunker (les munitions étaient entreposées dans des bunkers censés résister à de petites explosions nucléaires).

Cette nuit là, les Russes disent avoir abattu 54 drones et que les "débris" d'un drone aurait mis le feu au déport de munition, soit exactement le même discours qu'à chaque fois que les Ukrainiens réussissent une de leurs frappes. Les Ukrainiens, eux, disent avoir utilisé 100 drones. NB: cela ne veut pas dire que la vérité est quelque part entre les deux chiffres. Il est possible que le nombre de drones utilisé soit très différent, voire même que ce ne sont pas des drones qui ont été utilisés mais des missiles.

En effet, le site était censé être sécurisé "selon les normes internationales", comment les Ukrainiens ont-ils pu faire exploser les munitions protégées par des bunkers ? Plusieurs explications possibles:

  1. les munitions n'étaient pas stockées dans les bunkers
  2. les bunkers, du fait de la corruption, n'offraient aucune protection
  3. l'Ukraine aurait utilisé des missiles capables de percer les bunkers

Les trois explications posent de sérieux problème aux Russes. Les deux premières signifient à la fois que les Russes ne sont pas capables de protéger leurs dépôts de munitions, l'ignorent et/ou s'en contrefichent, et -pire- que les Ukrainiens ont les informations nécessaires pour savoir où frapper. En effet, les Ukrainiens n'auraient pas lancé une telle attaque s'ils n'avaient pas l'assurance que les bunkers de Toropets étaient inefficaces et/ou inemployés.

La troisième explication est encore pire: si les Ukrainiens disposent de missiles capables de frapper avec précision un bunker à 500 km de leurs frontières et de le détruire, cela signifie qu'ils pourraient théoriquement détruire un bunker dans les environs de Moscou. Nul doute que cette hypothèse doit déjà donner quelques sueurs froides à Vladimir Poutine.


 

dimanche 1 septembre 2024

Guerre en Ukraine: bilan du mois d'août 2024

Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois d'août 2024, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2023 ainsi que fin janvier, fin février, fin mars, fin avril, fin mai, fin juin, et fin juillet 2024.

Ce mois-ci, l'Ukraine a mené une offensive-surprise dans la région de Koursk qui a particulièrement bien réussi.

 

Carte de l'offensive de Koursk présentée par le général Syrsky

 

Dans le Donbas, les Russes continuent d'avancer et menacent toujours plusieurs points stratégiques très importants: Pokrovsk, mais aussi Siversk, Chassiv Yar, Toretsk, et même Vuhledar.

 

EDIT: Pour tous les changements sur la ligne de front, je renvoie au très complet bilan mensuel du site Militaryland.net.


Pertes russes

Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: Artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les chiffres mensuels habituels ces derniers mois, ainsi que les moyennes pour la première année (mars 2022 à février 2023) et la deuxième année (mars 2023 à février 2024) puis les chiffres de mars > avril > mai > juin > juillet > août 2024

  • Artillerie 
    • moyenne 1ere année: 190/mois
    • moyenne 2e année: 650/mois
    • 980 (mars) > 961 (avril) > 1129 (mai) > 1393 (juin) > 1553 (juillet) > 1528 (août)
  • MLRS
    • moyenne 1ere année: 40/mois
    • moyenne 2e année: 43/mois
    • 23 (mars) > 30 (avril) > 35 (mai) > 22 (juin) > 21 (juillet) > 45 (août)
  • DCA
    • moyenne 1ere année: 21/mois
    • moyenne 2e année: 37/mois
    • 53 (mars) > 36 (avril) > 36 (mai) > 58 (juin) > 34 (juillet) > 33 (août)
  • Équipements spéciaux
    • moyenne 1ere année: 19/mois
    • moyenne 2e année: 114/mois
    • 228 (mars) > 148 (avril) > 187 (mai) > 284 (juin) > 249 (juillet) > 280 (août)

Sans être des records, ces chiffres sont toujours très impressionnants et montrent que l'armée russe a subi des pertes considérables, une fois de plus. Et c'est aussi le cas des autres chiffres fournis par les Ukrainiens et présentées par le site de Ragnar Gudmundsson: 36 860 hommes et 4720 pièces d'équipement perdus par les Russes. Ces chiffre sont les 2e plus mauvais pour les Russes, toute période confondue.

Ce mois-ci, les Ukrainiens ont eu de beaux succès dans leurs frappes à longue distance contre les aérodromes militaires russes. Liste non exhaustive de ces frappes sur les bases aériennes:

Un important dépôt de munition a été touché le 24/08 dans la région de Voronej. Les Ukrainiens continuent également de frapper les dépôts pétroliers russes. L'attaque contre le dépôt pétrolier de Proletask (oblast de Rostov) a été particulièrement réussie, brûlant toujours 5 jours après l'attaque (l'incendie a au final duré 13 jours, ravageant tout le site). L'Ukraine a également eu des succès maritimes, en frappant les 3 seuls ferrys capables de transporter des wagons de fioul, très important pour la logistique russe:

Les Russes ont aussi eu quelques succès, comme par exemple la destruction au sol d'un Su-27 ukrainien. Le 25 août, ils ont lancé une attaque massive (drones et missiles) qui a notamment frappé les infrastructures énergétiques de l'Ukraine. Ce jour-là, l'Ukraine a aussi perdu son premier F-16 et son pilote, probablement à cause d'un tir ami.

 

 

Tout à Koursk

Deux jours après le début de l'offensive ukrainienne dans la région de Koursk, j'avais fait une première analyse, et je vais maintenant la compléter. On sait désormais que ce n'est pas qu'un simple raid: les Ukrainiens entendent rester et occuper une partie du territoire russe jusqu'à la fin de la guerre. Zelensky a parlé de la création d'une "zone tampon", qui était aussi la justification de Poutine pour ré-attaquer la région de Kharkiv.

Il est d'ailleurs intéressant de comparer l'offensive russe vers Kharkiv, et l'offensive ukrainienne vers Koursk, car les deux sont liées; en effet, l'offensive russe sur Kharkiv a poussé les Occidentaux à accepter l'idée que les Ukrainiens utilisent leurs armes sur le sol russe (avec une portée limitée), et la crainte d'une invasion russe vers Sumy a servi de prétexte pour que les Ukrainiens puissent concentrer plusieurs brigades dans le secteur.

En comparant les deux offensives, on constate que:

  • les Ukrainiens avaient vu les préparatifs russes, mais n'ont pas pu y répondre (à cause de l'interdiction de frapper le sol russe) et ont été un peu surpris sur la date (ils pensaient que les Russes attaqueraient un peu plus tard); les Russes n'ont tout simplement pas compris (ou n'ont pas voulu comprendre) que les Ukrainiens préparaient une offensive et ont été complètement surpris
  • les Russes ont rapidement franchi la première ligne de défense, ont pris une dizaine de villages, mais se sont cassés les dents sur la seconde ligne de défense (fortifiée); les Ukrainiens ont rapidement franchi les deux lignes de défenses russes dès le premier jour de leur offensive
  • les Russes ont principalement attaqué avec de l'infanterie peu mobile; les Ukrainiens, au contraire, ont mené des assauts mécanisés très mobiles
  • la réponse ukrainienne a été rapide et plutôt efficace; la réponse russe lente et plutôt inefficace
  • après les 3 premiers jours, les Russes n'ont plus été capables de progresser et sont toujours (3 mois plus tard) sur la même ligne de front, n'ayant capturé qu'environ 200km2; les Ukrainiens, eux, continuent de progresser 1 mois plus tard, et ont pris environ 1200 km2
  • l'offensive russe vers Kharkiv est une  défaite stratégique, l'offensive ukrainienne est une victoire stratégique

Ce dernier point peut sembler présomptueux. En effet, les analystes sont beaucoup plus prudents et, pour la plupart, réservent leur jugement. Je vous encourage à voir les analyses de Mick Ryan (11 août, 19 août, 25 août), Phillips O'Brien (11 août, 18 août, 25 août), la vidéo de Perun et bien sûr les deux billets de Michel Goya. 

Mais on sait déjà que l'offensive russe vers Kharkiv est un échec, qu'elle a été coûteuse, et qu'elle a levé certaines restrictions sur l'usage d'armes occidentales. A l'inverse, l'offensive ukrainienne a franchi les lignes de défenses russes, occupe ou va occuper un terrain assez facile à défendre, et surtout, a rendu vulnérable l'ensemble de la frontière Russie-Ukraine en franchissant la "ligne rouge" d'attaquer le sol russe avec sa propre armée. Les Ukrainiens ont aussi mis en évidence la faiblesse de l'armée de Poutine, ont montré leur propre force et leur compétence et, même si c'est couvert par le brouillard de guerre, ont probablement obtenu cette victoire avec un rapport de perte très favorable, et en capturant des centaines de prisonniers. 

Certains analystes contestent cette victoire stratégique en avançant les arguments suivants:

Olivier Kempf souligne que que le terrain occupé par l'Ukraine est "désert". C'est une mauvaise analyse, car le terrain occupé par l'Ukraine n'a pas besoin de contenir quoi que ce soit de stratégique (pas besoin d'aller attaquer la centrale nucléaire de Koursk, par exemple); il suffit que ce territoire soit russe et facile à défendre pour le tenir et mettre à mal l'image de "protecteur de la Russie" de Poutine et représenter une victoire politique. Surtout, en montrant la réaction de Poutine (qui a été de minimiser les actions de l'Ukraine, et non d'escalader), c'est tout le bluff de Poutine sur les "lignes rouges" qui est mis à mal. Ce qui est stratégique, ce n'est pas la ville de Soudja, c'est le fait que l'Ukraine peut maintenant attaquer n'importe où sur la frontière, dès qu'ils voient une opportunité.

Dans le même ordre d'idée, certains (par exemple Guillaume Ancel) disent que l'Ukraine occupe du terrain en Russie afin d'avoir de quoi échanger du terrain avec la Russie. C'est une idée séduisante, mais je doute fortement que Poutine soit prêt à négocier quoi que ce soit d'autre que la reddition de l'Ukraine.  Et les Ukrainiens le savent, et ne comptent certainement pas sur des négociations, du moins pas tant que l'armée russe n'a pas été vaincue. Je ne crois donc pas à cette idée de "monnaie d'échange" comme objectif principal de l'armée ukrainienne (même si ça peut effectivement servir de monnaie d'échange dans le pire cas, c'est-à-dire si Trump arrive au pouvoir et force l'Ukraine à capituler).

J'ai déjà argumenté plusieurs fois: le but principal des Ukrainiens, ce n'est pas de prendre des territoires, c'est de détruire l'armée russe. Et l'offensive dans la région de Koursk est une pièce de cette stratégie de destruction de l'armée russe. En menant un type de combat mécanisé, où les lignes de front sont fluides, l'armée ukrainienne déstabilise les Russes (qui, confus, tirent parfois sur leurs propres troupes) et les force à mener une guerre de mouvement pour laquelle les Russes ne sont plus équipés. Les Ukrainiens capturent des hommes et des équipements, ce qui n'était plus arrivé depuis l'automne 2022, tout en limitant leur pertes. Autrement dit: les combats, à Koursk, sont d'un type qui favorise l'Ukraine par rapport à la Russie.

Enfin, le dernier (et principal) argument est que le théâtre de Koursk serait secondaire comparé à la bataille du Donbas, où les Russes poursuivent leur progression, sans y avoir retiré de troupes pour défendre Koursk: cet argument mérite une réponse longue, que je vais donner ci-dessous.



La bataille décisive

En effet, les Russes continuent d'avancer dans le Donbas, en particulier vers Pokrovsk, où la situation des Ukrainiens est décrite comme "extrêmement difficile". Il semble même que la progression des Russes s'est accélérée au mois de juillet et août. Certains analystes (par exemple Macette Escortert) disent que cette progression plus rapide est causée par le retrait de plusieurs brigades ukrainiennes du Donbas pour les envoyer vers Koursk.

A cela, je réponds que le déploiement des unités ukrainiennes reste un mystère, comme je l'ai déjà expliqué. Les brigades sont déployées au niveau bataillon, ce qui fait qu'une même brigade peut apparaître à plusieurs endroits du front. Dès lors, il est difficile, voire même illusoire, de juger de l'effort consacré à l'offensive de Koursk. On a beau placer les brigades ukrainiennes sur les cartes, il faut bien être conscient des limites de  l'exercice et accepter que l'on ne sait pas tout, et donc considérer que ce déploiement de brigades est un "maximum" de l'effort réellement consenti par l'Ukraine. L'Ukraine a retiré certaines troupes du Donbas pour les envoyer à Koursk, on a des témoignages dans ce sens. Combien ? Ont-elle été remplacées par d'autres unités ? L'Ukraine consacre-t-elle trop de moyens à son offensive sur Koursk ? Je ne le sais pas, mais les analystes qui proposent cette théorie ne le savent probablement pas plus; ils se contentent de donner une interprétation qui les satisfait.

Et surtout, il faut bien garder à l'esprit que l'armée ukrainienne n'est pas en infériorité numérique dans l'absolu. Elle a probablement assez d'hommes pour défendre le Donbas et attaquer à Kursk. Je ne sais pas comment ils font, mais lorsque les Russes ont attaqué Kharkiv, les Ukrainiens ont trouvé des brigades à envoyer à Kharkiv. Quand les Russes ont attaqué Toretsk (profitant d'une erreur du commandant opérationnel ukrainien), les Ukrainiens ont trouvé des brigades à envoyer à Toretsk. Pour ne citer que quelques brigades, tout le corps des Marines (35e, 36e, 37e, 38e brigades d'infanterie de Marine, 2 brigades d'artillerie, 2 brigades territoriales, etc) est actuellement du côté de Kherson où les besoins ne sont pas si grands que ça (à moins que les Ukrainiens ne préparent quelque chose dans le coin), à l'exception d'un bataillon de la 36e, déployé à Koursk.

Donc si les Ukrainiens n'envoient pas plus de troupes dans le Donbas, c'est un probablement un choix stratégique. Bon ou mauvais, je ne sais pas encore, mais il faut avoir l'humilité de reconnaître que nous ne disposons pas de tous les éléments et que nous avons moins d'informations que l'état-major ukrainien. Il y a un mois, j'écrivais:

Pire: il semble que les Ukrainiens ne renforcent pas cette région, alors même que c'est la principale direction des attaques russes. Est-ce parce qu'ils n'ont plus aucune réserve ? Ou bien est-ce que ça fait partie d'un plan et qu'ils préparent un contre dévastateur ? J'aimerais croire à la seconde hypothèse; hélas, les derniers mois passés laissent penser que la première hypothèse est bien plus probable.

L'offensive de Koursk, même si elle n'est pas à proprement parler un "contre", a néanmoins été dévastatrice pour les Russes et a prouvé que les Ukrainiens ont encore un peu de réserve. La question est maintenant de savoir s'ils peuvent mener un contre pour couper le "saillant" russe qui s'avance vers Pokrovsk. Probablement pas, mais sait-on jamais.  

Mais prenons l'hypothèse pessimiste: les Ukrainiens n'arrivent pas à contre-attaquer et Pokrovsk est menacée/prise par les Russes. Est-ce que ça signifierait que l'offensive de Koursk serait la raison de cette chute ? Il est tentant de le croire, sachant que les Ukrainiens manquent de troupes dans la région. Mais pourquoi attribuer ce manque de troupe à l'offensive de Koursk plutôt que, disons, l'inactivité du corps des marines toujours à Kherson ? Ou les problèmes de génération de nouvelles forces ? Ou des dizaines d'autres problèmes qu'a l'armée ukrainienne, sans compter les centaines de problèmes résultant d'une aide occidentale insuffisante ? Pokrovsk serait-elle mieux défendue si les troupes mobiles qui sont à Koursk étaient dans les tranchées du Donbass, écrasées par les bombes aériennes russes ?

Cette critique "Koursk vs Pokrovsk" me semble d'autant plus de mauvaise foi que ceux qui la formulent sont aussi ceux qui reprochaient à l'Ukraine de "s'accrocher au terrain" en défendant Bakhmut. Quand l'Ukraine recule, ce n'est pas bien, et quand elle ne recule pas, ce n'est pas bien non plus. Un peu comme si ceux qui formulent cette critique sont surtout obsédés par l'idée de rabaisser l'armée ukrainienne et de minimiser ses succès.

Cette guerre est une guerre d'attrition. Elle ne sera pas décidée par le contrôle de telle ou telle ville, ou tel village du Donbas, mais en détruisant l'armée russe et en imposant un coût (politique, économique et militaire) intenable même pour la Russie. C'est ce que fait l'Ukraine en attaquant à Kursk, en coulant la flotte de la Mer Noire et en envoyant ses drones détruire les infrastructures pétrolières de la Russie, ses radars à longue portée et ses bases aériennes. Je crois que Zelenski et le haut commandement ukrainien l'ont très bien compris, contrairement à tous les analystes qui comptent les cm2 de territoire grignoté par les Russes au détriment de toute autre considération.

Cela ne veut pas dire que le commandement ukrainien n'a pas commis d'erreur: les Ukrainiens auraient dû et doivent encore prendre des mesures radicales pour mieux défendre Pokrovsk, comprendre quelles erreurs ont été commises et comment les rectifier, virer les commandants incompétents et/ou menteurs (il y en a encore un bon nombre), apprendre à leurs troupes comment mener une guerre de tranchée, etc. 

Mais le sort de l'Ukraine ne sera décidé ni à Koursk, ni à Pokrovsk. Il sera décidé aux Etats-Unis, en novembre prochain. Comme je l'ai déjà dit, le seul espoir de Poutine, c'est le retour au pouvoir de Trump. Si les Kamala Harris gagne les élections (et arrive à déjouer les tricheries que Trump ne manquera pas de faire),  Poutine est foutu. Le contraste est d'autant plus fort que Trump a choisi JD Vance comme colistier (connu pour ses positions anti-Ukraine) tandis que Harris a choisi Tim Walz (très pro-Ukraine). Donc la bonne question, dans le débat "Kursk vs Pokrovsk" serait plutôt de se poser la question de savoir si l'offensive de Koursk va aider à diminuer les intentions de vote pour Trump. Pas sûr que ça change beaucoup, dans un sens comme dans l'autre. Mais ça donne l'argument que les Ukrainiens sont encre capables d'offensives réussies, si on leur en donne les moyens.

Fin juillet, Harris avait déjà rattrapé une bonne partie du retard sur Trump. Fin août, elle est maintenant légèrement en tête dans les sondages. S'il est encore trop tôt pour crier victoire tant l'élection s'annonce serrée, il semble que, dans cette bataille décisive, les choses s'améliorent un peu pour les Ukrainiens (et pour le reste du monde aussi).


Guerre en Ukraine: bilan du mois d'octobre 2024

Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois d'octobre 2024, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin...