mercredi 24 juillet 2024

Contre-offensive ukrainienne, un an après (2)

Dans la première partie, j'ai rappelé à quel point la contre-offensive ukrainienne a été très différente de ce que les média occidentaux envisageaient au printemps 2023, et que le but stratégique des Ukrainiens était probablement moins de reconquérir du territoire que d'affaiblir l'armée russe, en visant spécifiquement certaines catégories d'armes: artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux (pour reprendre les catégories des chiffres journaliers annoncés par le ministère de la défense ukrainien). Mais, si tel était bien le but stratégique des Ukrainiens, ceux-ci se sont bien gardé de le dire, préférant communiquer sur le terrain reconquis. 

Et c'est donc sur ce dernier critère que les grands média ont jugé que la contre-offensive ukrainienne a été un échec. Mais qu'en est-il vraiment ? Et si oui, quelles sont les raisons de cet échec ?

 

Destruction de 5 SPG russes 2S19 par des HIMARS, 15/06/2023 (vidéo)

 

La contre-offensive ukrainienne a-t-elle échouée ?

Disons-le tout de suite:  en terme de territoires reconquis, les résultats ont été décevants, surtout après tout le battage médiatique du printemps 2023 sur la "grande contre offensive ukrainienne". Les Ukrainiens n'ont pu récupérer que quelques villages en ruine, et même si des médias occidentaux ont pu présenter la prise du village de Robotyne comme "stratégique", ce n'était pas le cas. Le point stratégique, c'est Tokmak, qui a été présenté comme le but minimal de la contre-offensive, et qui est très loin d'avoir été atteint.

Mais si l'objectif était en fait d'affaiblir l'armée russe plus que de reprendre du territoire, l'armée ukrainienne a-t-elle atteint son but ? La réponse est cette fois plus mitigée. Si on en croit les chiffres publiés par le ministère de la défense ukrainien, après le début de la contre-offensive, les pertes russes dans la catégorie "artillerie" ont été multipliées par 3, et celles dans la catégorie "équipements spéciaux" par 6 (cf par exemple mon bilan du mois de février dernier). Les catégories "MLRS" et "DCA" n'ont par contre pas vu de changement notoire en terme de volume; par contre, on sait que des frappes à longue portée ont détruit un certain nombre de systèmes S300 et S400, si bien que les Russes ont été obligé de dégarnir leurs frontières avec la Finlande et en extrême orient pour compenser ces pertes.

Bien sûr, les chiffres publiés par le ministère de la défense ukrainien sont à prendre avec des pincettes, même si, comme j'ai déjà argumenté plusieurs fois, ces chiffres donnent au moins la tendance générale et qu'il convient probablement de retirer quelque chose comme 1/3 voire 1/2 des chiffres annoncés pour avoir une estimation raisonnable des pertes russes. De son côté, Oryx est loin de confirmer un tel niveau de pertes, mais d'autres indices laissent penser que les pertes russes en artillerie sont bien supérieures à celles enregistrées par Oryx.

Ainsi, l'analyse des images satellites  des dépôts russes montre également que 9500 pièces d'artillerie ont été retirées des stocks, ce qui donne une idée des pertes russes (ainsi que des efforts russes pour équiper de nouvelles unités). Malgré tout, il semble que ces sorties des stocks ont été suffisantes pour compenser les pertes, même si c'était avec du matériel de moindre qualité. Dans la conclusion de mon analyse datant d'il y a un an, je disais:

Une chose est en revanche certaine: une pièce d'artillerie détruire sera remplacée, au mieux, par une pièce d'artillerie plus ancienne. Voire pas remplacée du tout. De même, si les artilleurs se font tuer lorsque la pièce est détruite, ils seront remplacés, au mieux, que par des conscrits sans expérience. Donc la stratégie d'attrition ukrainienne aura pour résultat une baisse qualitative (et probablement aussi quantitative) de l'artillerie russe. De plus, le remplacement n'est pas instantané. Il faut sortir la pièce de la réserve. Changer certaines pièces. L'amener au front. Tout cela impose des contraintes supplémentaires sur la logistique, qui reste le point faible des Russes.

Mais cela va-t-il réussir ? Difficile à dire avec les données imprécises que nous avons. Il faudrait connaître le nombre exact de pièces que les Russes ont actuellement sur le front, leur production (que ce soit des pièces neuves ou des pièces sorties des réserves), et bien sûr le nombre de pièces détruites par les Ukrainiens. Quoi qu'il en soit, on n'arrivera jamais à un point où les Russes n'auront plus de pièces d'artillerie en Ukraine. Mais on peut arriver à un point où l'artillerie russe, par manque de pièces modernes et d'hommes formés, n'est plus capable de repousser les assauts ukrainiens. Est-ce possible d'atteindre ce point avant l'hiver prochain ? Je ne me risquerai pas à faire une prédiction.

Sur ce dernier point, on a maintenant la réponse: non, on n'est pas encore arrivé à un point où l'artillerie russe n'est plus capable de repousser les assauts ukrainiens. Mais sur ce qui précède, il y a bien eu une baisse notable de la qualité de l'artillerie russe (mais pas de la quantité), et cela s'est vu lors des offensives russes où, malgré une supériorité absolue en terme de rapport de feu (rapport entre les obus tirés par chaque camp, qui ont parfois atteint du 30:1 en faveur des Russes), les Russes n'ont pu progresser qu'encore plus lentement que les Ukrainiens ne l'ont fait lors de leur offensive de l'été 2023, et avec beaucoup plus de pertes. On a aussi noté chez les Russes l'emploi de drones FPV sur des positions fixes pour compenser les faiblesses de l'artillerie. Donc la stratégie ukrainienne a bien eu un petit succès, même si ce ne fut pas le succès opérationnel que l'on attendait il y a un an

En outre, il faut noter que la seule raison pour laquelle les Russes ont pu remplacer le matériel détruit a été en puisant dans leurs réserves impressionnantes mais pas infinies. Et il semble que, pour plusieurs types de véhicules et d'armement, les réserves russes sont maintenant squelettiques: MT-LB, T-80, mortiers etc, au point que les experts s'attendent à ce que celles-ci soient épuisées en 2025 ou 2026. Mais, pour le moment, les Russes sont toujours plus nombreux en Ukraine et toujours équipés (même si la qualité de leur équipement tend à se dégrader).

NB: certains commentateurs, comme Xavier Tytelman, soulignent à juste titre que si l'offensive terrestre n'a pas été un succès, les Ukrainiens ont en revanche obtenu de beaux succès contre la flotte de la Mer Noire et contre l'aviation russe. C'est vrai, mais je me concentre ici sur la partie terrestre.

 

 

Les raisons de cet échec opérationnel

Je vais maintenant revenir sur les explications de cet échec ukrainien qui ont été données dans la presse. Elles sont principalement de deux types:

  • les Occidentaux (principalement les Américains) reprochent aux Ukrainiens de ne pas avoir suivi leurs conseils et/ou d'avoir mal utilisé le matériel fourni
  • les Ukrainiens reprochent aux Occidentaux de leur avoir fourni trop peu de matériel, et trop tard

En particulier, l'analyste américain Michael Kofman a développé l'idée que la décision ukrainienne de défendre Bakhmut a été une des raisons de l'échec de la contre offensive. J'ai déjà expliqué en quoi les arguments de Kofman sont soit factuellement faux, soit très discutables. Mais ce qui est intéressant, c'est que Kofman reprend à son compte deux idées qui circulent beaucoup:

  • les nouvelles brigades ukrainiennes, formées pour cette contre-offensive, ont eu des performances médiocres; en particulier, on leur reproche d'avoir été mauvais dans la coordination inter-armes (artillerie-char-infanterie). C'est vrai, mais rien n'indique que des brigades plus expérimentées auraient eu plus de succès. De fait, il est même probable que, dans des conditions similaires à celles qu'ont dû endurer les Ukrainiens (supériorité aérienne russe, manque d'équipement en particulier pour le déminage, manque d'obus), même des brigades occidentales entraînées depuis des années auraient elles aussi échoué
  • les Ukrainiens auraient dû attaquer plus tôt; il semble que les Américains voulaient que la contre-offensive commence en mai et non en juin. Or, outre le fait que le calendrier ukrainien a été contraint par les livraisons d'armes (qui ont été bien trop tardives) et que l'entraînement des troupes n'était pas terminé, le fait est que les fortifications russes, qui avaient commencé à être construite en septembre 2022, étaient déjà formidables début mai. Pour pouvoir attaquer avant que les Russes mettent en place leurs défenses, il aurait fallu que les nouvelles brigades soient prêtes en novembre 2022, et donc que le matériel livré en mars-avril 2023 ait été livré en juillet-août 2022, comme le réclamait à l'époque le général Zaluzhny.

D'autres critiques semblent  un peu plus légitimes: 

  • un commandement (surtout à l'échelon de la brigade et au dessus) qui ne semble pas être à la hauteur, si bien qu'il n'y a jamais eu de coordination des assauts au dessus de l'échelon "bataillon" et que certains commandants ukrainiens sont accusés d'avoir sacrifié la vie de leur troupes pour rien. D'un autre côté, quelles que soient les guerres, on trouve toujours des officiers incompétents et/ou des mauvaises décisions prises, on ne peut pas exiger des Ukrainiens qu'ils ne commettent aucune erreur et les plans occidentaux doivent prendre en compte le fait que des erreurs tactiques peuvent être commises
  • une concentration des forces insuffisantes: même si, comme on l'a vu dans la première partie, les Ukrainiens n'ont pas dispersé leurs efforts autant que les Russes, ils ont quand même attaqué dans plusieurs directions alors qu'ils n'avaient peut-être les moyens d'attaquer que dans une seule. Cependant, si la théorie militaire fait de la concentration des forces un des principes de bases pour réussir une attaque, on peut se demander si ce principe est toujours pertinent à l'ère des drones qui voient tout à des kilomètres. Russes comme Ukrainiens évitent au possible de concentrer les forces et la "densité" des forces sur le front est beaucoup plus faible dans cette guerre que durant les deux guerres mondiales. 

Les critiques que l'on fait généralement aux Ukrainiens sont donc, sinon fausses, a minima très discutables et il faut prendre en compte le contexte et se demander si les Ukrainiens auraient pu réellement faire mieux. En revanche, les erreurs des Occidentaux sont elles maintenant tellement évidentes qu'elles crèvent les yeux. Parmi les erreurs les plus flagrantes:

  • le refus des USA de livrer des ATACMS avant la contre-offensive a permis aux Russes d'utiliser leurs hélicoptères d'attaque, et donc de repousser les premières attaques mécanisées ukrainiennes avant même que celles-ci atteignent les lignes russes. Quand les premiers ATACMS ont été livrés, en octobre 2023, ils ont fait un carnage sur les héliports russes, et depuis on ne voit plus guère les hélicoptères d'attaque russe sur le front.
  • l'entraînement des troupes ukrainiennes par l'OTAN a été très insuffisant. En particulier, les instructeurs n'ont pas du tout pris en compte l'utilisation des drones, qui ont complètement changé la manière de combattre et les dangers du champ de bataille.
  • le nombre de munitions livrées a été insuffisant; ainsi, les Européens n'ont jamais tenu leur promesse de livrer 1 million d'obus en 1 an (ils n'en n'ont livré qu'un tiers environ) et le ralentissement (à partir du 7 octobre 2023) puis l'arrêt de l'aide américaine expliquent en grande partie l'arrêt des opérations offensives ukrainiennes et leurs difficultés sur le terrain, jusqu'à maintenant.
  • en plus des munitions, c'est l'ensemble du matériel (blindés, artilleries, DCA, etc) qui a été livré dans des quantités insuffisantes, et souvent avec tellement de retard que les Russes avaient tout le temps de s'y adapter.
     

Outre les erreurs des Ukrainiens et des Occidentaux, c'est la qualité des défenses russes, bien plus fortes qu'anticipées, qui explique les échecs ukrainiens dans le sud. Le sud a été tellement miné que, même un an plus tard, les offensives dans le secteur sont très limitées (et consistent, pour les Russes, à simplement essayer de regagner le terrain perdu à l'été 2023). Certains analystes, comme Guillaume Ancel, ont  suggéré que début octobre 2023, les Ukrainiens y étaient presque, et qu'il s'en est fallu de peu pour qu'ils réussissent à percer la "digue" russe. Je n'ai rien vu qui justifie cette opinion. Certes, la première ligne  de défense russe avait été franchie (ou seconde, selon la façon de compter). Mais derrière, il y avait encore 2 ou 3 lignes de défenses à franchir avant de simplement atteindre Tokmak. La prise de cette ville aurait ensuite été loin d'être facile, et même si cette ville est stratégique (le chemin de fer du "pont terrestre" vers la Crimée passe par là), le "pont terrestre" en lui-même n'aurait pas été coupé. Les Ukrainiens étaient très très loin de réussir.

De plus, vu que les Russes, depuis le 7 octobre 2023, mènent une offensive généralisée qui a leur a déjà coûté 10 fois plus d'hommes et de matériel que ce dont disposaient les Ukrainiens à l'été 2023 pour leur contre-offensive, il est clair que les capacité de régénération de l'armée russe ont été largement sous-estimées par les Occidentaux, et que le rapport de force, à l'été 2023, n'était tout simplement pas en faveur de l'Ukraine. Dans un rapport RUSI publié récemment, on a le décompte suivant:

A l'automne 2022, l'AFRF [l'armée russe] en Ukraine était composée de 130 groupes tactiques-bataillon et des unités distinctes des 1er et 2e corps d'armée avec un nombre total d'environ 200 000 militaires, environ 930 chars, plus de 2 500 véhicules blindés de combat, 1 350 systèmes d'artillerie, 660 MLRS et 40 systèmes de missiles opérationnels et tactiques (OTMS). Début juin 2023, les forces terrestres russes en Ukraine comprenait environ 420 000 hommes, 1 980 chars, 4 450 véhicules blindés de combat, 2 750 systèmes d'artillerie, 860 MLRS et 46 OTMS. Pendant ce temps, l'AFRF a abandonné l'utilisation de groupes tactiques de bataillon et est passé au système de gestion de l'armée, regroupant 50 brigades, 128 régiments, 102 bataillons distincts et environ 50 unités combinées.

Dans ces conditions, leur offensive était très probablement vouée à l'échec dès le départ. Il est possible que le haut-commandement ukrainien était conscient de ça (les chiffres ci-dessus sont issus des rapports du ministère de la défense ukrainien), et a fait le choix stratégique de ne pas consacrer beaucoup de moyens à cette contre-offensive et de mener au contraire une stratégie d'attrition.

 

 

Les raisons de cet échec opérationnel (bis)

Cependant, même après avoir énoncé les facteurs qui ont contribué à cet échec opérationnel, il reste une question: pourquoi ? Pourquoi le rapport de force était-il si défavorable à l'Ukraine ? Pourquoi n'a-t-on (et par on, c'est essentiellement les Américains) pas fourni aux Ukrainiens les forces nécessaires pour percer le front, malgré toutes les grandes déclarations politiques ? Par exemple, les ATACMS étaient disponibles et auraient pu être livrés bien plus tôt. Pourquoi les Américains ne l'ont-ils pas fait ?

La réponse est, sans surprise, un mélange d'erreurs et de manque de volonté politique. Tout d'abord, il est maintenant évident que Biden et/ou ses proches conseillers n'ont pas pour principal objectif que l'Ukraine regagne la totalité des territoires occupés par l'armée russe, ni même que l'Ukraine "gagne" la guerre. Leur principal objectif est la gestion de l'escalade, comme l'explique Anders Puck Nielsen. Et  dans l'esprit de ces conseillers, fournir "trop" d'armes aux Ukrainiens serait risquer une escalade inutile autant que dangereuse, car à leurs yeux la Russie ne peut pas tenir sur le long terme. Bref, ils attendent que Poutine fasse le choix "rationnel" et négocie la paix. J'en avais brièvement parlé ici:

Mais, même à supposer que l'OTAN veut sincèrement que l'Ukraine gagne la guerre, il est fort probable que les décideurs occidentaux estiment que les efforts qu'ils fournissent actuellement sont suffisants et que l'Ukraine finira par gagner de toute manière. Bref, ils cherchent à gagner la guerre "à l'économie", en dépensant le moins possible, et ne comprennent pas que prolonger la guerre leur coûtera au final plus cher que s'ils donnaient aux Ukrainiens les moyens pour écraser les Russes rapidement.

Donc les Américains calculent. Ils calculent pour donner juste assez d'armes à l'Ukraine, selon ce qu'ils estiment être les besoins des Ukrainiens. D'après plusieurs témoignages recueillis par le Washington Post, il semble que la contre-offensive a été planifiée avec l'aide des Américains, et qu'il y a plusieurs wargames qui ont été joués, anticipant que les 9 brigades supplémentaires équipées et entraînées par les Occidentaux seraient suffisantes pour atteindre les objectifs opérationnels. Probablement, les Américains ont préparé un "Assaut à Zapo" qui aurait dû se dérouler peu ou prou comme le Colonel Goya l'avait alors expliqué. Sauf que ça ne s'est pas du tout passé comme prévu: sous-estimation des défenses russes, présence des drones d'observation, non-livraison des ATACMS, champs de mines beaucoup plus larges que prévu, erreurs tactiques du commandement ukrainien, absence (ou au moins inefficacité) de la préparation d'artillerie avant assaut, tout cela a contribué à stopper net l'attaque Ukrainienne au sud d'Orikhiv.

Et comme les Américains avaient prévu "juste ce qu'il faut", il n'y avait pas de "plan B" possible après le fiasco du "plan A". Les Américains ont bien envoyé en urgence une cinquantaine de Bradley pour compenser les premières pertes, mais cela ne représentait qu'une partie infime du matériel nécessaire. C'est pourquoi les Ukrainiens ont rapidement abandonné les plans prévus (ou revenaient simplement à la stratégie d'attrition à long terme que les Ukrainiens avaient de toute façon prévu de mettre en place) pour se concentrer sur ce qu'ils pouvaient encore faire: de petits assauts d'infanterie, plus efficaces, mais dont le rythme de progression était nécessairement plus lent. Et il semble que les Américains, frustrés que les Ukrainiens ne respectent pas leurs "conseils avisés", se sont au final désintéressés rapidement de cette contre-offensive, se contentant de croire que c'était de la faute des Ukrainiens si tout ne s'était pas déroulé comme prévu, tandis que ceux-ci s'adaptaient tant bien que mal à la situation.

Le vrai problème, tout simplement, c'est que quand les Russes ont mobilisé officiellement 300 000 hommes en septembre 2022 (et bien plus par la suite), les Occidentaux ont cru qu'il leur suffiraient de former et d'équiper 30 0000 hommes en janvier 2023 (et pas plus par la suite). En fait, les Russes avaient raison quand ils pensaient avoir stoppé la contre-offensive dans les premiers jours. Non pas en raison de pertes monumentales côté ukrainiens, mais simplement car dès le départ il n'y avait pas assez de force, côté ukrainien, pour emporter la décision, ni assez de réserve pour s'adapter aux difficultés rencontrées.



Pertes russes et ukrainiennes durant cette contre offensive

Il est fréquent de lire, dans les médias occidentaux, que non seulement la contre offensive a échoué, mais que les pertes ukrainiennes ont été très importantes. Qu'en est-il vraiment ?

Dès le 13 juin 2023, la Russie annonçait des pertes ukrainiennes complètement fantaisistes. Et n'ont cessé ensuite de faire gonfler ces chiffres. Il est toujours difficile d'avoir une idée précise des pertes (russes ou ukrainiennes) mais on peut avoir certaines estimations à partir des pertes documentées.

Naalsio (le pseudo d'une des personnes qui met à jour le célèbre site Oryx) a recensé les pertes matérielles ukrainiennes (confirmées) lors de cette contre offensive: il y en a près de 600, uniquement pour les pertes localisées sur le front sud (de début juin à fin décembre 2023), dont: 54 Bradley (sur 110 fournis initialement), 8 Marders (sur 40), 13 Strykers (sur 90), 7 Léopards 2A6 (sur une vingtaine) 11 léopards 2A4 (sur une trentaine), pour ne parler que du matériel occidental le plus emblématique. C'est bien entendu un coup dur pour les Ukrainiens, cela représente entre 20% et 50% de la dotation en équipement de certaines brigades (et même plus car certaines pertes ne sont pas documentées). 

Toutefois, ce chiffre de 600 pertes matérielles est à relativiser. Tout d'abord, les pertes russes ont été légèrement supérieures (676 pertes russes contre 584 pertes ukrainiennes). Et Naalsio a répété le même exercice avec les offensives russes sur Avdiivka (de début octobre 2023 à fin février 2024) et sur Kharkiv (depuis le 10 mai 2024). Résultats 690 pertes russes vs 76 pertes ukrainiennes dans le premier cas, 116 vs 57 dans le second.

Et surtout, il faut comparer ces pertes aux pertes "moyennes": cette guerre dure depuis près de 29 mois, et Oryx recense plus de 6100 équipements ukrainiens détruits, soit un rythme moyen d'un peu plus de 200 pièces ukrainiennes perdues chaque mois sur l'ensemble du front. Les 600 pièces perdues en 6 mois (ou plutôt en 4 mois, les deux derniers mois étant moins intense) sont un peu supérieures à la moyenne, mais pas tant que cela.

Concernant les pertes humaines, le site ualosses.org  répertorie des morts prouvés côté ukrainien. NB: ce site est anonyme, ce qui pose des question de crédibilité, mais certains ont vérifié 400 noms au hasard, et 95% étaient authentiques. Ce site permet d'avoir la tendance des pertes humaines ukrainiennes, et lorsqu'on regarde leurs statistiques par semaine, on ne voit pas vraiment de "pic" significatif lors de la contre-offensive de 2023. On voit plutôt une attrition lente, assez régulière, et lors de la contre-offensive le niveau est juste un peu supérieur avec ce qui a eu lieu avant mais aussi après. Côté russe, Mediazona / Meduza ont fait un travail similaire, et eux non plus n'ont pas trouvé de pic significatif lors de la contre-offensive ukrainienne.

Même si ce ne sont que des indicateurs, le tableau des pertes de cette contre-offensive ukrainienne semble être le suivant:

  • les pertes (russes comme ukrainiennes) n'ont pas été à un niveau très supérieur à la moyenne de cette guerre (niveau moyen qui est déjà très élevé). D'après les données disponibles, la contre-offensive ukrainienne n'a pas été très coûteuse (guère plus que les périodes où l'Ukraine n'était pas à l'offensive), contrairement à ce qu'ont écrit les journaux
  • le rapport des pertes a probablement été proche de 1:1 (avec peut-être un peu plus de pertes côté russe). NB si on prend l'ensemble du front, le rapport des pertes était compris entre 1,5:1 et 2:1 en faveur de l'Ukraine, en raison des offensives russes dans d'autres secteurs
  • ce rapport de pertes proche de 1:1, bien que meilleur que quand les Russes attaquent (où les pertes sont  a minima de 3:1), n'est pas soutenable à long terme et ne constitue pas une "bonne attrition". Si la stratégie de contre-offensive ukrainienne était basée sur l'attrition, on ne peut pas dire que c'était une réussite

NB: je me base ici sur les données en sources ouvertes (OSINT); si on croit les chiffres publiés par le gouvernement ukrainien, le bilan est tout autre. Or, si ces derniers chiffres sont moins fiables que les données OSINT, il y a aussi des arguments (mentionnés plus haut) qui laissent penser que l'OSINT sous-estime largement les pertes russes, notamment en ce qui concerne l'artillerie.



Conclusion

Avec le recul, on sait maintenant que la contre-offensive ukrainienne n'avait aucune chance de réussir la percée et l'exploitation tant attendues au printemps 2023, vu le rapport de force défavorable à l'Ukraine. Or, aucun journal grand public et très peu d'experts militaires ne le disent aussi clairement, préférant souvent expliquer cet échec opérationnel par des erreurs (tactiques ou stratégiques) des Ukrainiens. Même le rapport RUSI, qui arrive à un constat similaire quant au rapport de force, met surtout en avant (dans son résumé et sa conclusion) les erreurs ukrainiennes et occidentales pour expliquer l'échec de la contre offensive.

Mon propos n'est pas de dire qu'il n'y a pas eu d'erreurs ukrainiennes, car il y en a eu. Mais même si les brigades ukrainiennes avaient été expérimentées et/ou parfaitement entraînées, même s'ils avaient maîtrisé les rouages du combat interarmes, même s'ils avaient concentré toutes leurs brigades disponibles vers Tokmak, même si les Ukrainiens avaient abandonné Bakhmut en février 2023, même s'ils avaient pu lancer la contre-offensive un mois plus tôt :

  • Ils auraient quand même dû franchir des champs de mines profonds de plusieurs kilomètres avec seulement 10 (oui, 10) chars de déminage 
  • Leurs colonnes mécanisées auraient quand même été repérées par des drones des kilomètres avant d'atteindre les premières lignes russes.
  • Ces mêmes colonnes auraient quand même été décimées par les hélicoptères Ka-52, faute d'avoir eu à temps les ATACMS capables de détruire ces hélicoptères au sol.
  • Les Russes auraient quand même eu le temps de faire parvenir leurs renforts et la supériorité numérique était en leur faveur

Et donc je doute fortement que le résultat aurait été de quelque manière différent: l'Ukraine ne pouvait tout simplement pas percer. Bien sûr, je ne suis pas un expert militaire, aussi je peux me tromper. Mais comme je n'ai jamais entendu aucun expert expliquer comment les Ukrainiens auraient pu résoudre ces difficultés avec le matériel qu'ils avaient à leur disposition à l'époque, je reste sur mon opinion jusqu'à preuve du contraire.

Or, le fait que ce ne soit pas clairement dit ainsi, notamment dans les journaux grands public fausse l'image que l'on a de cette guerre, et exonère les dirigeants occidentaux (politiques et militaires) d'avoir à répondre de leurs erreurs. Au contraire, les journaux enfoncent les Ukrainiens pour éviter d'avoir à faire leur autocritique. Il y a quelques semaines, je regrettais que ces journaux ont renoncé à faire des analyses "à chaud". Ils ne semblent pas meilleur dans leurs analyses "à froid", ne hiérarchisent pas les causes, ne donnent pas une explication cohérente de ce qui s'est passé.

Reste une dernière question: si le rapport de force était si défavorable, si le commandement ukrainien  n'avait aucune chance de percer et qu'ils le savaient, pourquoi s'être lancé dans une contre-offensive ? A cette question, on ne peut répondre que par des spéculations, les  données et témoignages disponibles publiquement ne permettant pas, à eux seul, de répondre à la question. Mais on peut imaginer que la pression politique (les Occidentaux, mais aussi Zelensky lui même) obligeaient le commandement militaire à faire une contre-offensive, même vouée à l'échec. 

De plus, même si les Ukrainiens étaient bien conscients d'être en infériorité numérique, il y avait l'espoir que les troupes mobilisées par les Russes seraient de piètre qualité et que le matériel occidental pourrait donner un avantage significatif à l'Ukraine. Cet espoir ne s'est pas réalisé, mais il fallait au moins essayer avant de revenir à une stratégie d'attrition. 

Le bilan de cette stratégie d'attrition est assez mitigé: d'après les données OSINT, on ne peut pas dire que l'attrition a été très favorable aux Ukrainiens dans le sud et, même un an après, les Russes ne sont toujours pas "KO debout". Cependant, les stocks russes s'épuisent, et s'ils ont pu tenir (et même repasser à l'offensive), c'est parce que leurs alliés (Iran et Corée du nord) leur ont apporté un soutien massif alors que le soutien occidental a été réduit à peau de chagrin après octobre 2023. C'est d'ailleurs cet arrêt du soutien occidental (principalement américain) qui a mis à mal les Ukrainiens et les a obligé à arrêter leur contre-offensive. Ce sont donc des facteurs extérieurs (plus que les choix des Ukrainiens) qui décident du cours de la guerre, et si le soutien occidental avait été à la hauteur, on peut penser que la contre-offensive aurait eu bien plus de succès.

EDIT: la suite de l'analyse est maintenant disponible

dimanche 21 juillet 2024

Contre-offensive ukrainienne: un an après (1)

Il y a un peu plus d'un an, tout le monde attendait la "grande contre-offensive ukrainienne" et celle-ci fut lancée début juin 2023. 

Fin juin 2023, j'ai écrit une analyse (1, 2 et 3), dans laquelle je développais l'idée (peu partagée par les experts militaires, c'est le moins qu'on puisse dire) que l'Ukraine cherchait d'abord à détruire l'armée russe (plus qu'à obtenir immédiatement des gains territoriaux) et donc que l'objectif des Ukrainiens n'était pas de percer immédiatement, mais de mettre "KO debout" l'armée russe. J'ai poursuivi ensuite par des bilans mensuels plus succincts.

Un an plus tard, le récit médiatique est unanime:

  • la contre-offensive ukrainienne a duré de juin à septembre 2023; elle a été coûteuse en hommes et en matériel, et a complètement échoué
  • l'armée russe est de nouveau à l'offensive depuis octobre 2023;  supérieure en nombre comme en équipement, elle avance inexorablement, l'armée ukrainienne étant incapable de la stopper.

Une fois de plus, je vais aller (un peu) à l'encontre de ce récit médiatique dominant. Notez que je me repose sur d'autres analyses et données collectées par des gens bien plus compétents que moi et que je ne revendique aucune expertise particulière, à part celle de prendre un peu de recul, de poser certaines questions sans a priori et de chercher des réponses en me basant sur les faits et l'ensemble des données disponibles.

 

célèbre image des Bradleys et Leopards 2 détruits lors des premiers assauts

 

Un an d'offensives pour un front qui a si peu bougé

Je vais très brièvement rappeler l'évolution du front depuis la prise de Bakhmut par les Russes jusqu'à aujourd'hui, en rappelant les différents axes des offensives russes et Ukrainiennes. Pour des résumés plus détaillés, il y a par exemple la série de vidéos faites par la chaîne Kings & Generals, ou les analyses de Perun et bien d'autres.

Offensives Ukrainiennes:

  • fin mai 2023, les Ukrainiens commencent à contre-attaquer autour de Bakhmut, à la fois au nord et au sud. Ces offensives culminent:
    • au nord en juillet (sans prendre de village)
    • au sud en septembre 2023 (avec les prises des villages de Klishiivka et Andriivka)
  • début juin 2023, les Ukrainiens lancent leur contre-offensive au sud, sur 3 axes
    •  le principal axe est en direction de Tokmak; après des début très difficiles, ils prennent le village de Robotyne en aout 2023 et vont un peu au delà; cette offensive culmine en septembre 2023, après avoir franchi la première ligne fortifiée russe à l'est de Robotyne
    • l'axe où les Ukrainiens ont eu le plus de succès initialement est celui en direction de Berdiansk. Ils avancent très rapidement 5-6 km, puis la progression est plus lente; cette offensive culmine en juillet 2023 avec la prise d'Urozhaine
    • un troisième axe, souvent oublié, était tout à l'ouest du front (à proximité de Kamyansk); les Ukrainiens prennent deux petits villages en juin 2023, et le front ne bouge plus ensuite 
  • fin octobre 2023, les Ukrainiens prennent pied sur la rive gauche du Dnipro, et maintiennent une présence à Krynky. Si ce n'est pas une offensive à proprement parler, il y a eu autour de ce village une intense bataille, les Russes cherchant à recapturer le village. Il semble que, à l'heure actuelle, cette opération touche à sa fin et a coûté la vie à des centaines de soldats ukrainiens.

Offensives russes (la plupart sont toujours en cours):

  • en juillet 2023, les Russes commencent à lancer des attaques un peu partout sur le front est, de Kupyansk (au nord) à Vuhledar (au sud) en fait, ils n'ont jamais cessé d'attaquer de manière plus ou moins régulière à divers endroit du front est, souvent sans succès mais parfois avec quelques progression. En particulier:
    • il semblerait que les Russes ont mené une offensive à l'ouest de Stepove (oblast de Luhansk). J'emploie le conditionnel car les analyses OSINT n'étaient pas tous d'accord sur l'ampleur de cette offensive, Deepstatemap faisant étant de mouvements relativement important, d'autres disant qu'il ne s'y passait presque rien. Quoi qu'il en soit, le front ne bouge plus à cet endroit depuis septembre 2023
    • les Russes ont attaqué en direction de Kupyansk. Si les attaques directes ont échoué malgré de grands moyens employés, les Russes ont plus de succès à environ 20km à l'est de Kupyansk, prenant un peu de terrain et quelques villages
    • les Russes ont également lancé de nombreuses attaques  tout autour du saillant de Siversk (près de Kremina/Lyssychansk/Severodonetsk), cherchant à capturer les villages de Terny, Bilohorivka, etc. Leur progression est très limitée malgré beaucoup de moyens déployés dans le secteur
  • en octobre, les Russes lancent leur grande offensive vers la ville d'Avdiivka. En fait, les attaques russes sur Avdiivka étaient permanentes depuis février 2022, mais il y a eu un changement d'échelle en octobre 2023 avec l'emploi de centaines de blindés dont beaucoup seront détruits par les Ukrainiens. après une progression sur les flancs, les Russes prennent Avdiivka en février 2022, puis continuent leur progression. L'absence de bonnes lignes défensives ukrainiennes derrière la ville fait que les Russes continuent leur progression. C'est dans ce secteur qu'ils obtiennent les meilleurs résultats, avec la prise du village d'Ocheretyne fin avril, et qui reste un secteur critique du front pour les Ukrainiens
  • à partir de novembre 2023, les Russes commencent à reprendre du terrain au nord de Bakhmut et annulent les gains ukrainiens de l'été 2023 (au nord) et poussent même plus loin vers la ville stratégique de Chassiv yar, un point clef de la défense ukrainienne. Au sud de Bakhmut, les avancées russes n'ont pas totalement annulé les gains ukrainiens, mais ils ont repris les ruines de Klishiivka et (plus important) le village d'Ivaniske. La ville de Chassiv Yar tient encore, mais elle est très sérieusement menacée et attaquée par les Russes et on ne sait pas si les Ukrainiens parviendront à les contenir
  • Mariinka, attaquée elle aussi depuis le départ, est finalement prise par les Russes en décembre 2023. Les Russes ont également attaqué et/ou pris d'autres villages à proximité de Mariinka: Krasnohorlivka au nord, Pobedia et Novomykhailivka au sud.
  • les Russes cherchent à annuler les gains ukrainiens en attaquant au sud, et ont repris Robotyne et Staromaiorske en mai 2024
  • enfin, ils ont également attaqué en direction de Kharkiv; leur progression est importante les premiers jours, mais ils sont stoppés au bout d'une dizaine de jour et ne progressent plus ensuite

On constate donc que, sur un an, les Russes ont très majoritairement été à l'offensive. Ils ont pris du terrain (un peu plus de 800 km2 de gain net), des villes comme Avdiivka et Marinka et plusieurs dizaines de villages. Cela peut sembler important, c'est en réalité assez peu (l'équivalent de 10-15% d'un département français, alors que l'Ukraine est plus grande que la France). Néanmoins, les Russes ont progressé là où les Ukrainiens ont fait du sur-place, voire ont reculé. Pire: les promesses d'une contre-offensive ukrainienne et d'une victoire ukrainienne en 2023 ne se sont pas réalisées, et qu'au contraire les Russes semblent maintenant plus forts et sont toujours à l'offensive.

Le récit médiatique semble donc juste: en 2023 et jusqu'à maintenant (mi-2024), il y a bien eu un échec ukrainien de la contre-offensive ukrainienne, et une victoire des offensives russes. Je vais cependant remettre en question, en commençant par une question qui semble toute bête: la contre-offensive ukrainienne a-t-elle seulement eu lieu ?



Y a-t-il bien eu une contre-offensive ukrainienne ?

Si cette question semble toute bête, c'est que la réponse parait évidente: oui, il y a bien eu une contre-offensive ukrainienne, tout le monde (moi y compris) en a parlé. Au printemps 2023, on parlait beaucoup de la formation de 12 nouvelles brigades (dont 9 entraînées en occident), chacun se demandait où les Ukrainiens attaqueraient, si cela suffirait pour gagner, etc. Puis, à partir de juin, les attaques ukrainiennes (et notamment la perte de plusieurs dizaines de blindés occidentaux) a fait la une des journaux. Et, depuis fin 2023, beaucoup d'articles sur l'Ukraine commencent par  une formule du genre "l'armée ukrainienne manque d'hommes et de munition depuis l'échec de sa contre-offensive."

Et pourtant, il y a quelque chose qui me dérange. Si on regarde le déroulement des attaques comme je l'ai résumé plus haut, on voit que, les Russes sont de nouveau à l'offensive dès juillet 2023 sur au moins 5 axes: Kupyansk, ouest de Stepove, Kremina, Avdiivka, Marinka, alors que les Ukrainiens n'attaquent plus que sur 3 axes, et seulement 2 à partir d'aout 2023. Autrement dit: à part au mois de juin 2023, les Russes attaquent toujours plus qu'ils ne défendent. C'est d'ailleurs aussi le seul mois où les pertes matérielles confirmées (par Oryx) des Ukrainiens dépassent celles des Russes: tout le reste du temps, les Russes perdent plus de matériel que les Ukrainiens.

Il y a bien eu des attaques ukrainiennes, et une progression par endroits de mai 2023 à septembre-octobre 2023, mais cette progression a été très limitée, et ne cherchait peut-être même pas à percer les lignes russes. La phase d'assaut mécanisés a été si courte et si localisée, que les commentateurs occidentaux n'étaient même pas sûrs que la fameuse contre-offensive ukrainienne avait bien commencé quand ça s'est produit. De manière générale, ces attaques ukrainiennes ont été généralement très petites, et très différentes de ce qu'on envisageait comme étant la fameuse contre-offensive ukrainienne tant attendue. On verra que c'est d'ailleurs un des reproches que lui font les analystes occidentaux: ne pas avoir suivi le plan établi par les Américains, avec une grosse offensive à un seul endroit.

Alors, les pro-Poutine disent qu'il y a bien eu cette contre-offensive à un seul endroit (entre Orikhiv et Robotyne), mais qui a échoué dès les premiers jours, puisque c'est ce qu'ont affirmé Choigu et Poutine, et montrent en boucle la destruction de Bradley et Léopards. Alors, il y a bien eu, début 2023, un assaut catastrophique de la 47e brigade mécanisée ukrainienne, et dont le seul résultat a été la perte, en seulement 2/3 jours, d'une dizaine de tanks Leopards et une trentaine de véhicules blindés Bradley. Ce qui représente 1/3 des véhicules de cette brigade. C'est beaucoup. Et en même temps, cela représentait moins de 5% des forces amassées par les Ukrainiens pour leur contre-offensive. Sauf s'il y a eu d'autres pertes massives n'ont pas été documentées, ce qui est très improbable.

Pour ma part, dès le mois de mars 2023, je me demandais si les Ukrainiens avaient les moyens de lancer une contre-offensive, et je concluais ainsi: 

  • soit l'Ukraine est vraiment mal et n'aura pas les moyens de contre-attaquer à grande échelle
  • soit les Occidentaux et les Ukrainiens se sont secrètement entendus pour maximiser les chances d'une contre-offensive victorieuse (en livrant secrètement bien plus de matériel qu'annoncé); auquel cas non seulement l'opération "X" sera un succès mais verra probablement la défaite de l'armée russe.

Le second point ne s'est certainement pas produit. Le premier, en revanche, est plus proche de ce qui s'est passé. Et dans l'analyse des documents qui avaient fuité du Pentagone, début avril 2023, ma conclusion était:

Le tableau que dressent ces documents est donc plutôt sombre: ils décrivent une armée ukrainienne peu nombreuse, manquant de tout, sans réserve, et de nouvelles brigades en formation qui sont pas suffisamment puissantes pour espérer pouvoir disloquer le front russe et obtenir une victoire décisive. Le matériel manque, les munitions manquent et les occidentaux n'ont apparemment pas l'intention de fournir à l'Ukraine des moyens à la hauteur des enjeux. Autrement dit, si on reprend la question que je posais précédemment, on est clairement dans le cas où il n'y aura pas de contre-offensive d'ampleur.

Avec le recul, ce pessimisme sur l'état de l'armée ukrainienne était plutôt du réalisme, et il est probable que l'état de l'armée ukrainienne ne permettait pas de mener une grande offensive comme les média occidentaux s'y attendaient, mais que le général Zaluzhny a quand même voulu, ou été contraint (par le pouvoir politique et/ou la pression des Occidentaux) à lancer de "petites" offensives. D'ailleurs, cela se comprend quand on regarde l'allocation des forces ukrainiennes pour ces contre-offensives.



La répartition de l'effort ukrainien

Au printemps 2023, l'Ukraine avait formé 36 "nouvelles" brigades (NB: la plupart de ces brigades ont été formées à partir d'unités existantes, bataillons ou régiments, et certaines était toujours en formation en juin 2023; quelques unes de ces "nouvelles" brigades étaient des brigades existantes de la garde nationale qui ont été renommées et rééquipées). De plus, certaines des anciennes brigades ont aussi participé aux offensives. Jerome, du site Militaryland.net, avait listé 27 brigades (anciennes ou nouvelles) prêtes pour la contre-offensive en avril 2023. Au final, les brigades ayant réellement participé aux contre-offensives ont été un peu différentes. Sur les 4 ou 5 axes où l'Ukraine a attaqué, les brigades suivantes ont été déployées:

  • axe Bakhmut-nord: principalement les 57e et 67e brigades mécanisées, avec le soutient des 30e, 56e, 77e et 92e brigades (peut-être aussi les 4e et 17e brigades blindées)
  • axe Bakhmut-sud: principalement les 3e et 5e brigades d'assaut, 28e et 80e brigades, brigade Lyut(*), avec le soutien des 22e(*) et 93e brigades et de 2 brigades d'artillerie
  • axe Berdiansk: principalement les 35e, 36e brigades de marine, avec le soutien des 23e(*), 31e(*), 68e (qui sera transférée en juillet près de svatove), 37e(*), 38e(*)  brigades de marine (peut-être aussi les 1ere et 3e brigades blindées) et une brigade d'artillerie
  • axe Melitopol: au début, principalement la 47e(*) brigade mécanisée, avec la 33e(*) et 65e brigade  (+1 brigade d'artillerie) en support. A cela s'ajoutent les 46e, 82e(*) brigades à l'assaut, plus en soutien les 71e, 116e(*), 117e(*), 118e(*) brigades mécanisées, les 3e(*), 14e(*), 15e(*) et 17e brigades de la garde nationale et une seconde brigade d'artillerie
  • axe Kamyansk: 128e brigade d'assaut de montagne


NB1: les brigades marquées (*) sont les fameuses "nouvelles" brigades formées en 2023.

NB2: il faut se rappeler que l'Ukraine déploie ses unités probablement au niveau des bataillons plus que des brigades. Parfois, ce n'est qu'un ou deux bataillons qui ont participé au combats, pas la brigade toute entière.

On voit donc que, sur les 36 nouvelles brigades,  seul un peu plus d'un tiers ont été déployées pour cette contre-offensive. Et encore, plutôt dans un rôle se support qu'à la pointe des assauts. Les autres sont soit restées en réserves (parfois parce qu'elles étaient encore au stade de la formation), soient déployées en défense dans d'autres secteurs. Or, si on considère ces nouvelles brigades comme l'effort consenti par l'armée ukrainienne, on constate:

  1. que sur 2 des 5 axes (Bakhmut-nord et Kamyansk), il n'y a eu aucun effort, et très peu d'effort sur Bakhmut-sud. Il est donc probable que ces trois axes n'ont été que des attaques d'opportunité et/ou de diversion
  2. l'effort sur l'axe Berdiansk a été assez important au départ, puis s'est tari au bout d'un mois et demi; ce changement peut s'expliquer soit par des pertes importantes, soit par la décision stratégique de se concentrer sur un seul axe
  3. le principal effort a été sur l'axe Melitopol; au départ, seules 2 ou 3 brigades ont réellement participé aux assauts, mais ensuite plusieurs autres les ont rejoint, et à partir d’août c'est le principal axe d'attaque ukrainien
  4. Mais que, globalement, la "grande contre-offensive ukrainienne" n'a engagé que des moyens modestes et que les nouvelles brigades ont surtout été nécessaires pour contrer la montée en puissance de l'armée russe.

Contrairement à ce qui a été beaucoup dit dans la presse (souvent pour le critiquer) et aussi par de nombreux analystes militaires, il ne semble pas que les Ukrainiens aient beaucoup dispersé leurs efforts. Beaucoup moins que les Russes qui attaquent fréquemment sur une dizaine d'axes en simultanée depuis octobre 2023. Reste à savoir si cette décision de ne consacrer que peu de moyens à la contre-offensive est volontaire, ou contraintes par les nombreuses attaques russes ailleurs sur le front qui ont forcé les Ukrainiens à ne pas consacrer toutes leurs forces disponibles à la contre-offensive.

Et si ce manque d'engagement a très certainement diminué les progrès de l'armée ukrainienne, il a probablement aussi limité les pertes, comme nous le verrons plus tard. Mais avant cela, je voudrais revenir sur mes analyses de mai et juin 2023, et les confronter à ce que nous savons maintenant.

 

 

Mes analyses étaient-elles justes ?

Fin mai 2023, j'avais donné les 5 axes possibles pour une contre-offensive ukrainienne, avec leurs objectifs, et les classant du plus probable au plus improbables:

  1. Région de Zaporijja (c'est là que le principal effort ukrainien a eu lieu)
  2. Vuhledar (l'attaque a en fait eu lieu un peu plus à l'ouest que ce que j'envisageais)
  3. Région de Luhansk
  4. Autour de Bakhmut
  5. Région de Kherson
     

Sans surprise, l'attaque a été menée sur les deux premiers axes, avec des attaques de diversion autour de Bakhmut et quelques actions commandos du côté de Kherson. A vrai dire, ce classement était peu ou prou partagé par la plupart des analystes militaires, tant il semblait logique.

Comme on l'a vu dans ce bilan, loin de chercher une percée sur un ou plusieurs de ces 5 axes, les Ukrainiens ont mené des actions offensives assez différentes de ce qu'on imaginait.

Fin juin 2023, j'analysais la stratégie ukrainienne (partie 1, partie 2, partie 3) et j'étais arrivé à des conclusions assez différentes de ce que disaient la plupart des analystes militaires. Je soutenais:

  1. que le but de l'armée ukrainienne a toujours été de détruire l'armée russe, la libération des territoires ne se faisant qu'ensuite
  2. que la priorité des Ukrainiens, c'était donc de détruire les équipements qui pourraient faire échec à la contre-offensive (artillerie, MLRS, DCA, radars et équipements de guerre électroniques)
  3. que ce n'est qu'une fois l'armée russe mise dans une situation de "KO debout" que l'armée ukrainienne pourra réellement percer le front

Au moment où j'ai formulé cette théorie pour la première fois, peu d'analystes militaires étaient d'accord. Depuis, Guillaume Ancel Michel Goya et Tom Cooper (Sarcastosaurus) ont exprimé des idées similaires. A vrai dire, j'espérais que fin aout/début septembre 2023, les Russes seraient suffisamment usés pour que les Ukrainiens puissent mener leur "vraie" contre-offensive. Cela ne s'est pas produit, bien au contraire. NB: j'ai toujours dit que c'était un souhait, pas une prédiction, et j'ai toujours dit que cela ne pourrait se produire qu'à certaines conditions qui n'ont pas été réunies.

Mais cette théorie était-elle juste ? Les officiels ukrainiens (en particulier Zelensky) ont toujours dit que leur but était la libération des territoires. Ainsi, le général Tarnavsky a déclaré que Tokmak était le but minium de la contre-offensive. Ce n'est que récemment, alors que les Ukrainiens sont plutôt sur la défensive, que les Ukrainiens expliquent que leur but est d'infliger un maximum de pertes à l'armée russe. D'un autre côté, si la stratégie ukrainienne n'était pas de prendre des territoires immédiatement, cela aurait difficilement été admissible publiquement / politiquement. Donc les déclarations publiques, si elles ne corroborent pas cette théorie, elles ne l'infirment pas vraiment non plus.

Une autre objection est que détruire l'artillerie, la DCA, les radars etc, c'est relativement classique dans la préparation d'une offensive, mais que cela ne constitue pas une stratégie de contre-offensive. D'ailleurs, les Russes eux aussi cherchent à détruire l'artillerie et les défenses anti-aériennes ukrainiennes, et obtiennent certains succès. A cela, je réponds que:

  1. Je suis le premier à dire que la "contre-offensive ukrainienne" n'est pas une contre-offensive au sens classique du terme, et qu'il faut mieux parler d'une phase dans la stratégie plus globale de destruction de l'armée russe. J'ai gardé le terme de "contre-offensive ukrainienne" car c'était le terme consacré, tout en soulignant souvent que l'important, ce n'était pas le terrain reconquis, mais les pertes infligées à l'armée russe
  2. Lorsque les Ukrainiens ont mené leurs opérations sur la rive gauche du Dnipro (à Krynky), l'attrition des forces russes dans le secteur était présenté comme le principal but; certes, cette opération a été faite à part de fin octobre 2023, donc alors que l'armée ukrainienne était généralement sur la défensive, mais ce débarquement était un mouvement offensif
  3. Il y a clairement eu une augmentation notable du nombre de pièces d'artillerie et d'équipement spéciaux entre la première année (jusqu'en février 2023) et la seconde année (mars 2023- février 2024), preuve que ces équipements sont particulièrement visés
  4. La vitesse avec laquelle les Ukrainiens ont abandonné le plan "américain" pour privilégier les petites avancées (moins de 4 jours) laisse penser que dès le départ, la stratégie d'attrition était celle voulue par les Ukrainiens.

Et avec le recul, on sait que relativement peu de ressources ont été consacrées à cette contre-offensive, ce qui ne laisse logiquement que deux possibilités:

  • soit le haut-commandement ukrainien a gravement sous-estimé les moyens nécessaires pour percer
  • soit il savait très bien qu'il n'y aurait pas de percée avec les moyens engagés et a conçu une stratégie correspondant aux moyens dont il disposait

Alors, on ne peut pas écarter a priori l'hypothèse d'une erreur du commandement ukrainien; mais tout indique que s'il y a eu sous-estimation des capacités russes, ce fut surtout de la part des Occidentaux, les Ukrainiens insistant au contraire sur le fait qu'ils n'avaient pas assez de moyens. En particulier, le général Zaluzhny a par deux fois expliqué publiquement quels étaient les moyens nécessaires pour, selon lui, vaincre l'armée russe, et que ces moyens ne lui ont jamais été accordés (notamment par les Occidentaux).

On reviendra là dessus, mais il y a des témoignages qui affirment qu'en septembre 2023, les Américains pressaient le général Zaluzhny d'engager tous ses moyens dans la bataille, et que celui-ci préférait les conserver pour la défense, ce qui rétrospectivement était une bonne décision et montrait que Zaluzhny ne sous-estimait pas les Russes.

 

Donc, sans avoir de certitude absolue, la balance penche clairement vers l'idée qu'il y avait bien une stratégie d'affaiblissement général de l'armée russe, principalement focalisée sur la destruction de l'artillerie, de la DCA et des équipements spéciaux. Cette stratégie a-t-elle été un succès ? C'est ce que nous verrons dans la suite de cette analyse.


samedi 6 juillet 2024

Guerre en Ukraine: bilan du mois de juin 2024

Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois de juin 2024, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2023 ainsi que fin janvier, fin février, fin mars, fin avril, et fin mai 2024.

 

Ce mois-ci, je voulais faire un bilan global de la contre-offensive ukrainienne de 2023, un an après son commencement. Ce billet est en cours de rédaction, mais comme il viendra d'ici 5 à 10 jours (si je ne prends pas trop de retard). En attendant, voici un bilan (très minimaliste) du mois de juin. 

Je change un peu le titre de cette série de billet: en effet, quand j'ai commencé à les écrire, je n'avais pas précisé l'année, car je ne pensais pas devoir les faire pendant plus de quelques mois. J'enlève aussi le titre de "contre-offensive ukrainienne", pour que ce soit moins confus pour le lecteur occasionnel qui ne sait pas pourquoi je mettait ce titre là (explications ici).

Donc, en résumé, le mois de juin a vu les Russes perdre beaucoup d'hommes et de matériels. Ils ont été tenu en échec du côté de Kharkiv (les ukrainiens ayant même regagné un peu de terrain) mais continuent à avancer lentement mais sûrement partout ailleurs.  Pas de percée notable, mais un lent grignotage des défenses ukrainiennes.

Pour plus d'information sur les territoires conquis par les Russes, je renvoie au très complet bilan du mois de juin, par Militaryland.net.


Pertes russes

Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: Artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les chiffres mensuels habituels ces derniers mois, ainsi que les moyennes pour la première année (mars 2022 à février 2023) et la deuxième année (mars 2023 à février 2024) puis les chiffres de mars > avril > mai > juin 2024

  • Artillerie 
    • moyenne 1ere année: 190/mois
    • moyenne 2e année: 650/mois
    • 980 (mars) > 961 (avril) > 1129 (mai) > 1393 (juin)
  • MLRS
    • moyenne 1ere année: 40/mois
    • moyenne 2e année: 43/mois
    • 23 (mars) > 30 (avril) > 35 (mai) > 22 (juin)
  • DCA
    • moyenne 1ere année: 21/mois
    • moyenne 2e année: 37/mois
    • 53 (mars) > 36 (avril) > 36 (mai) > 58 (juin)
  • Équipements spéciaux
    • moyenne 1ere année: 19/mois
    • moyenne 2e année: 114/mois
    • 228 (mars) > 148 (avril) > 187 (mai) > 284 (juin)

Ce sont donc des niveaux records en matière d'artillerie et d'équipements spéciaux.

Selon les chiffres mensuels, compilés par Ragnar Bjartur Gudmundsson, les pertes humaines (35 050) sont un peu moins importantes qu'en mai, mais largement au dessus de tous les autres mois. Les pertes matérielles (4436) sont très légèrement au dessus de celles du mois de mai et constituent donc un nouveau record.



Situation internationale

Le mois de juin a été marqué par le "sommet pour la paix" (15 juin) organisé en Suisse et la visite de Poutine à Kim Jong-un (18 juin). 

Le "sommet pour la paix" n'a pas permis d'avoir des résultats très probants; s'il a réaffirmé le soutien occidental à l'Ukraine, il a montré que le reste du monde ne veut pas s'engager pour une paix durable en Ukraine. Et surtout, ce sommet à été parasité par Poutine qui, avec la complicité des média occidentaux toujours friands de sensationnalisme plus que d'analyses rationnels, se sont empressés de répéter les paroles de Poutine plutôt que de les analyser, comme l'a fait Anders Puck Nielsen par exemple.

La visite de Poutine à son allié nord-coréen montre que:

  • les sanctions de l'ONU ne valent rien, puisque la Russie viole les résolutions de l'ONU (qu'elle a elle-même votées) sans aucune conséquence
  • le soutien des Nord-coréens est massif, bien plus important que le soutien occidental (du moins en volume). Les Sud-coréens parlent de 10 000 conteneurs fournis à la Russie, pouvant contenir jusqu'à 5 millions d'obus
  • du fait de ce soutien massif, c'est Kim Jong-un qui se retrouve en position de force, et la Russie qui se fait humilier

A part ça, les Occidentaux continuent de promettre des milliards à l'Ukraine, mais sans qu'on en voit vraiment la concrétisation. Les premières munitions achetées par "l'initiative tchèque" seraient arrivées en Ukraine. L'arrivée des F-16 est en revanche repoussée une fois de plus.


Guerre en Ukraine: bilan du mois de septembre 2024

Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois de septembre 2024, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin ...