Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois de janvier 2025, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2023 ainsi que fin janvier, fin février, fin mars, fin avril, fin mai, fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre, fin octobre, fin novembre, fin décembre 2024 et fin janvier 2025.
Une
fois de plus, les Russes ont continué leur grignotage des défenses
ukrainiennes, surtout dans le sud-est où ils ont avancé après avoir pris Kurakove et Velyka
Novosilka. Les Ukrainiens ne contrôlent plus qu'une petite partie de
Toretsk et Chassiv Yar. Les Russes ont revendiqué la prise de Toretsk, mais il semble que des combats s'y poursuivent dans la ville ou à proximité. La
situation reste très préoccupante aussi vers Pokrovsk,
et vers Kupyansk, même si jusqu'à présent ces villes tiennent
encore. Dans la région de Kursk, les Ukrainiens continuent de reculer
tout en
infligeant de grandes pertes aux Russes et aux Nord-Coréens déployés
dans la région. Ces derniers semblent être revenus sur le front après quelques semaines d'absence (rotation d'unité ?). Mais c'est sur le plan diplomatique qu'il s'est passé le plus de choses ce mois-ci.
Pertes russes: rien ne va plus
Je
rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels
Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: Artillerie, MLRS, DCA et
équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les chiffres mensuels
habituels ces derniers mois, ainsi que les moyennes pour la première
année (mars 2022 à février 2023) et la deuxième année (mars 2023 à
février 2024) puis les chiffres de mars
>
avril > mai > juin > juillet > août > septembre > octobre > novembre > décembre 2024 > janvier > février 2025
- Artillerie
- moyenne 1ere année: 190/mois
- moyenne 2e année: 650/mois
- 980 (mars) > 961 (avril) > 1129 (mai) > 1393 (juin) > 1553 (juillet) > 1528 (août) > 1208 (septembre) > 1191 (octobre) > 896 (novembre) > 619 (décembre) > 917 (janvier) > 1402 (février)
- MLRS
- moyenne 1ere année: 40/mois
- moyenne 2e année: 43/mois
- 23
(mars) > 30 (avril) > 35 (mai) > 22 (juin) > 21 (juillet)
> 45 (août) > 28 (septembre) > 39 (octobre) > 10 (novembre) > 3 (décembre) > 9 (janvier) > 39 (février)
- DCA
- moyenne 1ere année: 21/mois
- moyenne 2e année: 37/mois
- 53 (mars) > 36 (avril) > 36 (mai) > 58 (juin) > 34 (juillet) > 33 (août) > 23 (septembre) > 31 (octobre) > 25 (novembre) > 13 (décembre) > 18 (janvier) > 37 (février)
- Équipements spéciaux
- moyenne 1ere année: 19/mois
- moyenne 2e année: 114/mois
- 228 (mars) > 148 (avril) > 187 (mai) > 284 (juin) > 249 (juillet) > 280 (août) > 336 (septembre) > 257 (octobre) > 47 (novembre) > 54 (décembre) > 55 (janvier) > 47 (février)
La tendance que j'avais crû percevoir aux mois de novembre, décembre et janvier s'est complètement renversée. Les pertes matérielles sont reparties à la hausse (sauf pour les équipements spéciaux), et les pertes humaines en baisse significative. En particulier, les MLRS dont la baisse des chiffres avait été très notables, ont été détruits en grand nombre selon les chiffres ukrainiens. D'après le site de
Ragnar Gudmundsson, les pertes russes pour le mois de février 2025 se chiffrent à
5 801 véhicules (record mensuel, et +25% par rapport au mois précédent) et
35 300 hommes (en baisse de 25% par rapport au mois précédent).
Donc soit les chiffres ukrainiens sont complètement fantaisistes, soit il y a eu un renversement de tendance pour une raison que je ne m'explique pas. Dans les deux cas, mon analyse du mois dernier ne tient plus debout.
A noter que pour les pertes visuellement confirmées, Oryx ne compte pas plus de pertes russes que d'habitude (403 équipements comptabilisé), par contre les pertes ukrainiennes sont plus élevées que d'habitude (242 équipements comptabilisés).
Un renversement d'alliance ?
Si la situation sur le front n'a guère changé, c'est à l'international que s'est produit ce que je craignais depuis maintenant plusieurs mois: Donald Trump veut abandonner l'Ukraine pour mieux se rapprocher de la Russie. Je le dis depuis novembre: ceux qui s'imaginaient que Donald Trump allait augmenter l'aide à l'Ukraine (pour faire pression sur la Russie) se trompaient totalement. Le mois de février m'a hélas donné raison.
D'abord, le secrétaire à la défense américain a exposé le "plan" de Trump pour avoir la "paix":
- demander énormément de concessions à l'Ukraine
- ne demander aucune concession à la Russie
- demander aux Européens de financer le tout
Et ça, c'est ce qui est dit officiellement. Officieusement, ils auraient même menacé les Européens de se retirer totalement d'Europe si ce "plan de paix", qui n'est dans les faits qu'une capitulation de l'Ukraine, n'est pas accepté dans les trois semaines.
Puis le vice-président américain JD Vance a tenu à Munich un discours qui se résume à: il faut laisser des gouvernements pro-russes d'extrême droite s'installer en Europe, la Russie n'est pas un ennemi, etc. Les Américains et les Russes se sont ensuite rencontrés en Arabie Saoudite, où ils ont "négocié" sans les Ukrainiens ni les Européens. Bref, tout ce que les Russes demandaient, Trump & co le leur ont accordé d'avance.
Enfin, il y a eu toute la saga de "l'accord sur les terres rares" qui a fait grand bruit, et qui peut se résumer ainsi: Zelensky était d'accord pour troquer une partie des ressources minérales de l'Ukraine contre une protection future. Donald Trump, lui, voulait ces mêmes ressources en "paiement" de l'aide passée. Au final, après plusieurs rebondissements, cela s'est terminé par l'embuscade de Washington, où Zelensky, venu pour signer l'accord, est tombé dans un piège avec Trump, Vance et compagnie qui ont organisé une séance d'humiliation publique tout en accusant Zelensky.
Il ne faut pas se tromper: toute cette séquence était ce que veut Trump. Trump se contrefiche des intérêts des USA, et encore plus des intérêts européens et ceux de l'Ukraine. Il déteste Zelensky, les lois internationales, la démocratie. Au contraire, il admire Poutine et les régimes autocratiques. Beaucoup en France comme aux USA édulcorent cet aspect idéologique de Trump, le présentant comme quelqu'un de transactionnel et d'imprévisible (ce qui est en partie vrai). Mais il ne faut pas oublier que derrière Trump, il y a de vrais idéologues d'extrême droite qui ont un projet ouvertement fasciste à faire passer (le fameux projet 2025). Les gens se sont rassurés comme ils ont pu en croyant que les quelques "adultes dans la pièces" (Rubio, Waltz, etc) pourraient contrebalancer les fous extrémistes dans le gouvernement américain. On a constaté ce mois-ci qu'il n'en était rien.
En fait, ce que Trump et autres populistes détruisent, c'est l'idée que, quels que soient les différences politiques, les intérêts nationaux priment sur le plan international. C'est ainsi qu'en France, malgré les alternances politiques depuis 1945, la politique extérieure est restée plus ou moins la même. Malgré ses critiques de l'Europe et de l'OTAN, De Gaulle n'est pas sorti de ces organisations. Et quand il y a eu la crise des missiles de Cuba, De Gaulle a immédiatement apporté son soutien aux USA. De même, le basculement à gauche, en 1981, n'a pas fait entrer la France dans le pacte de Varsovie. Avec Trump, on sent que les alliances établies depuis des décennies, voire des siècles, ne valent plus rien. Il n'y a plus d'intérêt national, seule compte l'humeur du "grand chef" qui fait ce qui lui plaît et peut faire le contraire trois jours plus tard.
Au point que la question n'est plus celle du soutien américain à l'Ukraine, mais de savoir jusqu'où Trump va aider les Russes. Et aussi, comment vont réagir les Européens. Ceux-ci, comme je le dis depuis des mois, sont sidérés par le retour de l'ordure orange et n'ont absolument pas pris les mesures pour diminuer les risques de "lachage" (pour ne pas dire de trahison) qui étaient et sont bien réels.
Alors certes, dans leurs discours, les Européens ont fait front commun contre les mensonges de Trump. Mais dans les faits ? L'Europe, maintenant seule, peut-elle fournir aux Ukrainiens les moyens de continuer à se défendre ? C'est la question que je posais dans
mon bilan du mois de novembre, et qui est d'autant plus d'actualité aujourd'hui.