lundi 25 décembre 2023

Comment reprérer la propagande russe (3)

Voici encore un exemple de propagande russe qui s'est glissé insidieusement dans les pages d'un grand média français, en l'occurrence le fil d'information en ligne du Monde

Le 24/12/2023, à 17h10 :

Le ministère de la défense russe a affirmé dimanche que ses systèmes de défense aérienne avaient abattu quatre avions militaires ukrainiens au cours des dernières vingt-quatre heures, deux jours après une annonce similaire faite par Kiev.

La défense aérienne russe parle de trois chasseurs Su-27 et d’un bombardier tactique Su-24 dans les oblasts de Zaporijia et de Dnipropetrovsk, dans le sud-est de l’Ukraine, dans son bulletin quotidien, sans donner plus de détails.

Deux jours plus tôt, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, et des responsables militaires avaient affirmé que les forces ukrainiennes avaient abattu trois bombardiers tactiques russes Soukhoï Su-34 dans le sud du pays. Des affirmations des deux parties que Le Monde n’est pas en mesure de vérifier de manière indépendante.

A priori, le journal français se contente de relater les affirmations des uns et des autres, et il précise bien: Des affirmations des deux parties que Le Monde n’est pas en mesure de vérifier de manière indépendante.   

Le problème, c'est qu'en faisant ainsi il met sur un même plan une affirmation très probablement vraie (l'Ukraine a abattu 3 Su-34 russes) et une affirmation très probablement fausse (la Russie aurait abattu 4 avions ukrainiens).

En effet, l'annonce ukrainienne, si elle n'est pas confirmée à 100%, est néanmoins très vraisemblable:

  1. la chaine télégramme russe Fighterbomber (qui est considérée comme relativement fiable, ce qui est rare chez les russes) a évoqué "des pertes au combat" (sans préciser leur nombre) dues, selon eux, à l'usage d'une batterie Patriot
  2. des photos des parachutes appartenant à l'équipage d'un des trois avions abattus ont été publiée

Reporting from Ukraine explique comment cette embuscade a pu avoir lieu (du moins, c'est une hypothèse vraisemblable, même si on n'a pas encore de certitude). Et plusieurs analystes commentent cette action et ce qu'elle signifie. 

A contrario, aucune preuve, aucun indice ne vient apporter le moindre crédit aux affirmations des officiels russes. Que personne, d'ailleurs, ne prend au sérieux (à part Le Monde). Et pour cause: à chaque fois que l'Ukraine obtient un succès important, la Russie s'empresse de prétendre avoir fait mieux (sans jamais apporter autre chose que des "preuves" bidons). Ainsi, quand l'armée Ukrainienne a détruit le QG de la flotte de la mer noire, la Russie a "répliqué" en détruisant un hôtel très emblématique (mais vide) à Odessa et a prétendu avoir tué 1000 mercenaires zombie-mutants de l'OTAN qui avaient réunion au beau milieu de la nuit (j'exagère à peine).


Donc, en mettant sur le même plan le succès réel de l'armée ukrainienne et le mensonge des Russes, Le Monde  désinforme ses lecteurs et contribue à diffuser la propagande russe sans donner le contexte pour permettre aux lecteurs de démêler le vrai du faux.

lundi 18 décembre 2023

Liens en vrac, 18/12/2023

Depuis quelques temps, je glane moins de liens sur l'Ukraine (d'une part parce que je manque de temps, d'autre part parce qu'on a l'impression que ce sont toujours les mêmes choses qui se répètent). Voici donc les liens intéressants que j'ai collectés depuis la dernière fois.



Avdiivka

Pertes russes autour d'Avdiivka du 10 au 20 octobre (un vrai carnage)

Une vidéo sur la 47e brigade mécanisée, défendant Avdiivka

Interview avec un commandant ukrainien de la 53e brigade



Autres

Les échecs de Poutine (il n'y joue pas, mais les collectionne)

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L'aide à l'Ukraine au plus bas depuis janvier 2022

ISW: ce qu'une victoire russe en Ukraine nous coûterait


lundi 4 décembre 2023

Contre-offensive ukrainienne : bilan du mois de novembre

Comme précédemment, voici un petit bilan du mois de novembre, à mettre en perspective avec les constats que j'avais fait fin juin, fin juillet, fin août, fin septembre et fin octobre.

Une fois de plus, le front n'a quasiment pas bougé malgré l'intensité des combats (une phrase qu'il faut hélas répéter chaque mois ou presque). Les avancées russes sont faibles, mais menacent Avdiivka et il semble aussi que la longue bataille pour la ville de Marinka touche à sa fin (les Russes occupant les dernières ruines de ce cette ville entièrement rasée). Les avancées ukrainiennes (sur la rive gauche du Dnipro, et devant Horlivka) restent anecdotiques.

 

 

Des pertes russes, encore des pertes russes, toujours des pertes russes

Je rappelle les pertes russes telles qu'annoncées par les officiels Ukrainiens dans les 4 catégories à surveiller: Artillerie, MLRS, DCA et équipements spéciaux. Pour chacune, je vais donner les chiffres mensuels habituels (c'est-à-dire jusqu'à février 2023) puis les chiffres de mars > avril > mai > juin > juillet > août > septembre > octobre  > novembre 2023

  • Artillerie (de 100 à 200/mois): 290 (mars) > 238 (avril) > 553 (mai) > 688 (juin) > 677 (juillet) > 691 (août) > 947 (septembre) > 873 (octobre) > 682 (novembre)
  • MLRS (de 10 à 65/mois): 48 (mars) > 17 (avril) > 31 (mai) > 57 (juin) > 67 (juillet) > 36 (août) > 63 (septembre) > 47 (octobre) > 66 (novembre)
  • DCA (de 5 à 40/mois): 32 (mars) > 16 (avril) > 38 (mai) > 56 (juin) > 73 (juillet) > 38 (août) > 37 (septembre) > 25 (octobre) > 39 (novembre)
  • Équipement Spécial (de 10 à 30/mois): 66 (mars) > 63 (avril) > 99 (mai) > 122 (juin) > 138 (juillet)  > 113 (août) > 102 (septembre) > 84 (octobre) > 108 (novembre)

Il y a donc une petite baisse (notamment en artillerie, les trois autres catégories étant en  augmentation), mais ces chiffres restent considérables. Si, question matériel, les Russes ont perdu légèrement moins qu'en septembre et octobre (mais plus que durant chaque autre mois de 2023), en revanche, pour les pertes humaines, c'est un record: 28 550 Russes éliminés pour le seul mois de novembre. Il faut bien entendu prendre les chiffres ukrainiens avec quelques pincettes (je considère  qu'une estimation raisonnable se situe approximativement entre 50 et 65% des chiffres annoncés par l'Ukraine), mais les pertes matérielles recensées par Oryx continuent d'afficher un ratio favorable aux Ukrainiens:  2,2:1 pour les pertes depuis le début de la contre-offensive, et même près de 4:1 si on ne tient compte que du mois de novembre.

Globalement, cela reste un très mauvais mois pour les Russes en ce qui concernent leur pertes. Les Ukrainiens poursuivent donc avec succès leur stratégie d'attrition des forces russes pour les priver de leurs moyens de résister à la contre-offensive ukrainienne.



Faut-il toujours parler de contre-offensive ukrainienne ?

Je parle de contre-offensive ukrainienne. Or, la quasi-totalité des analystes militaires affirment que celle-ci est terminée: l'Ukraine n'avance quasiment plus (notamment là où elle avançait cet été), l'initiative semble être revenue à la Russie, et le haut-commandement ukrainien reconnaît qu'ils ne peuvent pas avancer pour le moment. Je suis d'accord avec ce constat. Seulement, je ferais remarquer que, à part début juin, l'armée ukrainienne n'a quasiment pas repris de terrain. Depuis juillet, l'armée russe est autant voir plus à l'offensive que l'armée ukrainienne. D'où la question: qu'est-ce que la contre-offensive ukrainienne ? Est-elle finie ?

En mars, j'argumentais que, vu le peu de moyens matériels donnés officiellement à l'Ukraine:

  • soit l'Ukraine est vraiment mal et n'aura pas les moyens de contre-attaquer à grande échelle
  • soit les Occidentaux et les Ukrainiens se sont secrètement entendus pour maximiser les chances d'une contre-offensive victorieuse; auquel cas non seulement l'opération "X" sera un succès mais verra probablement la défaite de l'armée russe.

Le second point n'a pas eu lieu: les occidentaux se sont contentés d'un saupoudrage de moyens. Et, d'une certaine manière, le premier point s'est réalisé. Il n'y a pas eu de contre-offensive à grande échelle. Quelques brigades attaquant vers Bakhmut, quelques brigade vers Robotyne, quelques brigades dans la direction "de Berdiansk". Moins de la moitié des nouvelles brigades furent employées durant la contre offensive, le reste étant plutôt dans un rôle défensif, notamment vers Liman et Kupyansk. Soit par manque de moyens, soit par stratégie, et probablement pour ces deux raisons à la fois, le haut commandement ukrainien a mené une contre offensive "a minima" qui n'a guère permis de regagner du terrain.

Mais comme je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises, ce n'était pas le but de la contre-offensive. Le but de l'Ukraine n'est pas de grignoter du terrain, mais de détruire l'armée russe, et en particulier l'artillerie et les moyens de protection contre les drones (systèmes de guerre électronique, radars, systèmes anti aériens etc). C'est une stratégie qu'ils mettent en œuvre depuis  mars 2023 (cf les chiffres plus haut). Cette stratégie a-t-elle cessé ? Les chiffres de destruction du matériel russe sont-ils revenus au niveau de mars 2023 ? Absolument pas! Bien au contraire, ces trois derniers mois ont vu des pertes russes encore plus fortes qu'en juin-juillet-août. De même, les frappes stratégiques, en Crimée et jusqu'au cœur de la Russie, continuent et même ce sont intensifiés ces trois derniers mois (là encore, comparé à juin-juillet-août). Tout indique donc que, malgré les difficultés rencontrées sur le terrain, l'armée ukrainienne tient le cap et continue sa stratégie de contre-offensive.

Aussi, oui, il faut continuer à parler de contre-offensive ukrainienne, car celle-ci est toujours en cours. Et il faut en parler d'autant plus que ça énerve Poutine & compagnie qui décrètent (depuis le 10 juin) que la contre-offensive ukrainienne est terminée.




Pourvu qu'ils tiennent



Cependant, tout n'est pas rose pour l'Ukraine. Comme le mois précédent, c'est hors d'Ukraine que Poutine obtient ses meilleurs succès, sans avoir à tirer un coup de feu:

  • la guerre Israel-Hamas se poursuit, attirant l'attention médiatique (et les financements, et les armes) hors d'Ukraine
  • l'aide militaire des USA est toujours bloquée au congrès, et le speaker de la chambre des représentants fait tout pour la faire passer à la trappe
  • la frontière ouest de l'Ukraine est bloquée par des routiers (soutenus par les gouvernement pro-russe de Hongrie et Slovaquie)
  • le parti arrivé en tête des élections aux Pays-Bas est dirigé par un facho pro-Poutine 
  • l'Europe ne fournit pas autant de munitions qu'annoncées (et ne semble pas faire assez d'efforts pour combler rapidement le manque)

Tout cela est très préoccupant pour l'Ukraine, bien plus que ce que fait l'armée russe. Comme l'explique Perun dans sa dernière vidéo (video fortement recommandée, comme toutes ses autres vidéos), la stratégie (potentiellement gagnante) de Poutine est de pousser les occidentaux à abandonner l'Ukraine. C'est sa seule chance de "gagner" (ou du moins ne pas trop perdre) cette guerre. Son armée se fait massacrer en Ukraine, son économie flanche, mais Poutine pense que s'il tient jusqu'en novembre 2024 et que Trump est élu aux USA, il gagnera. Il compte sur le fatalisme (et la bêtise de certains occidentaux) pour qu'on lui offre sur un plateau ce qu'il est incapable d'obtenir militairement. A nous de lui prouver qu'il a tort.



 

Guerre en Ukraine: bilan du mois d'octobre 2024

Comme chaque mois, voici un petit bilan du mois d'octobre 2024, à mettre en perspective avec les constats que j'avais faits fin juin...