mardi 16 mai 2023

Objectif: Donetsk

Quand les experts militaires réfléchissent à "où vont contre-attaquer les Ukrainiens", ils répondent: "plus probablement, la région de Zaporizhzhia". C'est en effet le choix le plus logique, celui où, si les Ukrainiens arrivent à percer jusqu'à Mélitopol et/ou la mer d'Azov, les gains territoriaux auront le plus d'effet stratégique: isolement de la Crimée, division en deux de l'armée russe, etc.


La région de Luhansk est également citée comme une potentielle cible pour une contre-offensive, avec pour objectif la libération de Svierodonetsk/Lysychansk et la prise des noeuds logistiques Svatove et Starobilsk. Toutefois, une victoire dans cette région, bien qu'importante, ne serait pas suffisante pour gagner la guerre. On parle parfois d'un franchissement du fleuve dans la région de Kherson, opération qui semble difficile mais qui, en cas de succès, permettrait aux Ukrainiens de menacer la Crimée.


Il existe une autre possibilité, qui est rarement discutée tant elle parait folle, qui aurait pour but ultime de prendre la ville de Donetsk. Ca semble hors de portée de l'armée Ukrainienne, tant il semble impossible de prendre cette ville de 1 million d'habitants et qui est protégée par des fortifications mises en place depuis 2014. Et pourtant... Faisons un peu de fiction.


Et si, au lieu d'attaquer là où les Russes se préparent depuis des mois, les Ukrainiens attaquent là où les Russes ont continué d'attaquer tout l'hiver: Vuehledar, Marinka et Bakhmut ? Voici comment pourrait se passer leur plan.


Dans un premier temps (autour du 20 mai), les Ukrainiens attaquent du côté de Bakhmut. Ils commencent par reprendre du terrain avec leurs unités déjà sur place. Au nord, ils reprennent du terrain du côté de Vessele. Au sud, ils reprennent Klischiivka, Kurdyumivka, Ozaryanivka et Mayorsk pour avoir une tête de point à l'est du canal. La situation est préoccupante pour les russes, mais ceux-ci envoient des renfort et arrivent à stopper l'avancée Ukrainienne.


Quelques jours plus tard, c'est au sud que les Ukrainiens attaquent, à la fois avec les brigades sur place (68e et 72e) mais surtout avec 3-4 nouvelles brigades. Ils attaquent du côté de Pavlivka, mais aussi au sud de Velyka Novosilka et à l'est de Huliapole, pour atteindre les villes de Yehorivka et Staromlynivka. Et poursuivent ensuite selon les axes routiers:
au sud, l'axe Velyka Novosilka -  Staromlynivka - Novopetrykivka
au sud-est, l'axe Pavlivka - Yehorivka - Valeryanivka -> Volnovakha
à l'est, la T0509: Pavlivka - Mykilske -> Novotroitske

La progression est lente passée les premiers jours, et l'objectif Ukrainien semble être Marioupol. Aussi les Russes mettent le paquet pour empêcher les Ukrainiens d'atteindre cet objectif à la fois stratégique et symbolique.


C'est alors que, mi-juin, les Ukrainiens lancent leur attaque principale, avec le reste de leurs nouvelles brigades (et plusieurs anciennes brigades) et percent les défenses russes du côté de Soledar et à l'est de Toresk et exploitent immédiatement. De Soledar, ils vont vers le sud à travers Bakhmutkse vers la T0504. De Toresk, ils vont vers l'est (Kodema) vers la M03. Face à la menace d'encerclement, les troupes de Wagner (qui tentent toujours de capturer le dernier quartier d’immeubles tenu par les Ukrainiens) décampent comme ils le peuvent de Bakhmut, abandonnant leur matériel.


Les Ukrainiens les poursuivent et, dans la confusion, parviennent à recapturer Popasna et percent ensuite la ligne de 2014 (qui est dégarnie depuis 1 an)à l'est, tandis qu'au sud, en suivant la M03, ils percent la ligne de 2014 à Lohvinove. Une telle manœuvre est possible si la percée et l'exploitation sont suffisamment rapide. Après tout, il n'y a qu'une quarantaine de kilomètres et les Russes sont désorganisés.


La défaite à Bakhmut et la percée de la "ligne de 2014" provoquent un électrochoc en Russie. Medvedev réclame qu'on atomise l'occident (comme d'habitude). Poutine annonce une nouvelle mobilisation "partielle". Mais les ukrainiens continue à avancer et à prendre quelques villes. Cependant, leur progression est ralentie par les problèmes logistiques et ils doivent faire une pause de quelques semaines. Les russes profitent de la pause ukrainienne pour renforcer leurs défenses avec ce qu'ils peuvent: les réserves qu'ils ont du côté de Svatove, les réserves qu'ils ont du côté de Donetsk. tous les fonds de tiroir qu'ils peuvent trouver en Russie, et ils réorganisent comme ils le peuvent les forces russes qui se sont échappées de Bakhmut. Ils décrètent la "mobilisation totale" des territoires ukrainiens annexés, mais font face à une résistance de plus en plus grande. Et l'équipement manque. Néanmoins, le terrain urbain favorable aux défenseurs leur permet de "tenir" tant bien que mal, limitant la progression des Ukrainiens.


Après quelques semaines de progression lente, les Ukrainiens repassent à l'attaque fin juillet. Cette fois-ci, ils attaque au sud sur toute la ligne pour "fixer" les Russes, mais leur effort principal est au sud est, sur la ligne Mariinka - Novotroitske. Parallèlement, le groupe "de Bakhmut" ralentit ses attaques vers Luhansk pour se concentrer vers le sud. C'est alors que les Russes réalisent que l'objectif des Ukrainiens est d'encercler Donetsk; mais leurs troupes sont insuffisantes (malgré les nouveaux mobilisés jetés dans la bataille sans formation), les pertes s'accumulent, la panique gagne les "collaborateurs" du Donbas qui essaie de fuir, désorganisant encore plus les lignes russes.


L'état major russe décide alors d'un nouveau "geste de bonne volonté" et se replie de Donetsk, puis de Luhansk, pour se concentrer sur la défense du "pont terrestre". Poutine redéfinit les buts de "l'opération militaire spéciale" comme étant la protection de la Crimée. Pendant ce temps, Zelensky fait des visites triomphales dans le Donbas, tordant définitivement le cou au récit "séparatiste" des Russes.


Les Ukrainiens contrôlent alors tout le nord et l'est de l'Ukraine. Reste le sud, avec une priorité: Marioupol, qui est à seulement 60 km de la ligne de front. Les Himars se déchaînent et frappent toute la logistique russe. Puis, en septembre, les Ukrainiens repartent à l'assaut et capturent Marioupol en octobre: le "pont terrestre" est définitivement brisé. Quelques jours plus tard, environ un an après l'explosion du pont de Kerch, celui-ci est détruit définitivement. Toutes les troupes russes en Crimée, mais aussi dans les oblast de Kherson et de Zaporizhzhia se retrouvent bloquées sans ligne de ravitaillement. La défaite russe est alors totale.

 

 

Bien entendu, ce n'est qu'un scénario "idéal" et la contre-offensive Ukrainienne ne se déroulera probablement pas comme ça. Mais ça montre qu'il existe une possibilité de victoire réelle pour les Ukrainiens. En fait, ce n'est qu'une possibilité parmi d'autres. Je voulais l'évoquer car c'est celle dont on ne parle jamais.

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